Nasser Demiati, banlieusard mais/et diplômé, a choisi cette dernière forme pour dire à Nicolas Sarkozy son fait quant à la question de l’éducation populaire. Pour le président français, en effet, le « mal des banlieues », comme le disent pudiquement les magazines germanopratins, proviendrait tout à la fois de l’absence d’encadrement parental et de l’échec de l’école républicaine. Les jeunes voyous, dans leur grande majorité africains et maghrébins, la racaille, pour employer un mot devenu célèbre, font le commerce de la drogue, agressent les honnêtes gens, brûlent des voitures le samedi soir (ou des bibliothèques et des écoles lors des émeutes) parce que l’autorité de l’État aurait déserté les « quartiers sensibles », autre euphémisme qu’affectionnent les éditorialistes bien pensants. Il s’agit donc d’abord d’y rétablir la loi et l’ordre (en renforçant la présence policière), puis, à travers l’institution scolaire, d’arracher les élèves à l’obscurantisme parental (fortement teinté d’islam) dans lequel ils baignent.
On comprend que Nasser Demiati ait fait de l’insolence une sorte de devoir. Mais il s’agit d’une insolence cultivée, brillante même, qui dénote une solide connaissance de l’histoire de France tout autant qu’une aptitude remarquable à utiliser les théories sociologiques les plus modernes au service de sa démonstration. Mêlant ainsi l’analyse la plus rigoureuse à l’anecdote personnelle, il nous conduit au galop, mais sans raccourcis réducteurs, au cœur même du problème : la mythique école républicaine de papa est morte et bien morte. Elle s’est fracassée contre cette résistance têtue, tantôt muette tantôt braillarde, que lui ont opposée, depuis les années soixante, ceux qui aiment, pour certains, à s’appeler « les Indigènes de la République ».
extrait de la préface de Raphaël Confiant
SOURCE : Tétraèdre