Depuis le 6 avril 1993 et la mort de Makome M’Bowlé, les violences policières se font de manière plus sournoises mais non moins létales. En effet Pascal Compain le policier impliqué est le seul à ce jour dont l’on puisse dire qu il a comparu devant une cour d’Assises ( verdict : 8 ans). Depuis cet homicide avec une arme de service, les forces de l’ordre utilisent le reste de leur dotation pour commettre leurs méfaits.
Dans les années 80, tant dans la périphérie lyonnaise que celle de Marseille, nombreux sont ceux qui ont péri lors de véritables safaris mais en 2012 il a fallu aménager les modalités de cette impunité et par conséquent s’assurer d’une certaine confusion autour des faits. En mai 2002, alors même que Nicolas Sarkozy est ministre de l’intérieur, Mohamed Berrichi qui certes roule sans casque est percuté mortellement par une voiture de la BAC lancé à ses trousses. Nombreuses sont les poursuites qui ont connu la même conclusion. On notera qu’il a fallu attendre 2007 et les événements de Villiers-le-Bel pour que des consignes soient données pour ne pas engager de poursuites potentiellement dangereuses. Que dire aussi de la mort brutale de Zied et Bouna qui rentraient sereinement chez eux ce 27 octobre 2005 avant qu’une escouade de policiers décident de les pousser à se retrancher dans une installation électrique où ils ont péri. Que de procédures et de témoignages pour en finir ce 27 avril 2011 avec un Non-Lieu. La mort de deux adolescents et des années d’Instruction pour un déni total de responsabilité. Le 25 novembre 2007 Muhsin et Larami sont morts suite à la collusion de leur moto avec une voiture de patrouille et selon la version immédiate et officielle rien n’incombe à la police et de ces faits va découler une rage légitime qui embrasera les quartiers et au final on a appris depuis que les faits étaient différents mais l’impunité est la règle de base.
Au delà de toute forme de mépris, jamais aucune autorité compétente n’a remis en question la probité des agents censés faire régner une loi équitable; que dire de la mort de Lamine Dieng à Paris le 25 juin 2007 à l’intérieur d’un fourgon payé avec l’argent de tous les contribuables et pas seulement ceux dont les origines sont moins exotiques que toutes ces malheureuses victimes. Il est facile d’adopter un discours populiste comme celui qui depuis est devenu président et qui à l’époque a débridé toute forme de retenue en matières de protocoles policiers. Chaque année a son lot de crimes d’État et non plus bavures car cette appellation viserait à reconnaitre qu’il existe une éthique dans une corporation qui n’a jamais mis à l’index ceux qui souillent la devise nationale. Il y a eu ces dernières années une nouvelle forme de violence par le biais de gadgets tels que Tazer et Flash-Ball et j’ai encore en mémoire la mort quasi anonyme de Mostefa Ziani le 13 décembre 2010 dans sa chambre d’un foyer Sonacotra à Marseille tué par l’impact d’un projectile qui reste mortel en deçà de 7 mètres. Tout cela parce que le jet d’une tasse justifiait un tir à 4 mètres de la victime. Un an après M. Baudis Défenseur des Droits recommandait.. une sanction disciplinaire.
Il y a une forme de phénomène récurrent qui se reproduit ces dernières années et qui vise à nous faire croire que toute personne au bronzage accentué qui s’approche d’un fourgon souffre d’une pathologie cardiaque qui jusque là n’avait pas été décelée. Mohamed Boukrourou ne pensait pas mourir en allant à la pharmacie pour changer son traitement. Pourtant c’est bien ce que l’on déplore à ce jour et l’Instruction se fait avec la même célérité que celle de Rabah Bouadma qui lui aussi dans la force de l’âge a succombé à une défaillance de cet organe vital. On notera qu’Hakim Djellassi le 24 septembre 2009 n’a pas survécu à ce mal qui n’est pas endémique puisqu’il frappe sur tout le territoire. Cette semaine encore à Aulnay, un cœur n’ a pas surmonté la délicate confrontation avec l’uniforme et dés le lendemain, les conclusions de l’autopsie ne font que confirmer qu’il existe une indubitable fatalité ; cette immunité n’a que trop duré. Le mardi 17 janvier 2012 à la cour d’appel d’Aix en Provence, on examinera le dossier de Karim Aouad qui lui aussi est mort dans l’enceinte d’un commissariat le 26 février 2004 lors d’une banale garde à vue et dont les blessures sont similaires à celles évoquées dans le dossier Ajimi.
Ces derniers jours la mort d’Ali Ziri 69 ans n’a pas eu beaucoup plus d’égards de la part de la République française puisque 27 hématomes et une asphyxie importante ne constituent en rien une cause suffisante et le procureur a donc requis un Non-Lieu. A titre personnel, j’ai la conviction qu’il en sera de même ou presque pour ce qui concerne la mort du jeune Hakim Ajimi le 3 mai 2008 qui ne sera l’objet que d’une comparution devant le tribunal correctionnel alors qu’il y a un déferlement assassin de violences de toute sorte. On ne verra jamais la fin de ces crimes sans que ne cesse cette arrogance étatique qui vise à nous faire croire que toutes les procédures sont respectées et que ce qui en découle n’est en rien le fruit d’une tentative d’Échec aux Mates. En attendant c’est une multitude de familles qui sont toujours en plein deuil et qui endurent des douleurs constantes car elles n’ont aucune réponse à leurs interrogations. A la veille d’une élection Présidentielle, je tiens à souligner qu’aucun des candidats en lice n’a évoqué le sujet et qu’il serait important de s’en souvenir le Jour venu.
Sam Deghout