En effet, le regard sur ces femmes (dont on ne se lasse pas d’admirer la volupté et la sensualité conservées malgré la huitième grossesse) a complètement changé.
Force est de constater pourtant que les dames des quartiers populaires ne savent pas ce qui socio-culturellement est bon pour elles; elles ne prennent en effet aucune initiative; elles ne sont malheureusement pas habituées à vouloir quoi que ce soit, à choisir et à décider pour elles mêmes. Il faut y voir le poids de la tradition de soumission de ces dames, comme l’a montré une étude récente initiée par la DRXYZ, et publiée par la revue scientifique Kif-kif-bouriquo en juillet 2005 (N°7, sous le titre « Les causes naturelles de la soumission des dames des quartiers populaires« ).
Or, il n’est pas possible de laisser culturellement à l’abandon ces populations, les enjeux financiers étant relativement importants pour les premières concernées, à savoir les équipes dirigeantes des structures associatives en question et leurs prestataires. C’est pourquoi ce sont les structures associatives, avec les financeurs publics, qui décident des projets les plus adaptés pour elles, dans la grande tradition de l’éducation sociale et solidaire.
Parmi les projets socio-culturels proposés aux mamans des quartiers populaires, on peut retenir 2 types :
– les projets interculturels
– les projets culturels socialisants
1- Les projets interculturels (ou projets couscous-merguez) :
Il s’agit de valoriser avant tout le penchant naturel de ces dames pour la cuisine et la couture.
L’atelier cuisine est particulièrement intéressant pour elles, car cela leur permet de sortir de leur cuisine et de faire autre chose.
Certains ont critiqué ce type de projet avec l’idée qu’il stigmatisait ces mamans, en les cloisonnant dans des activités peu épanouissantes; mais ceux qui critiquent ne connaissent pas la réalité du terrain dans laquelle les structures associatives et les centres sociaux évoluent chaque jour : il est évident que ces dames n’ont envie de rien d’autre (même si elles ne le disent pas clairement, on le devine); elles veulent des activités utiles; on ne peut malheureusement pas obliger ces dames à faire ce qu’elles ne veulent pas faire; pour elles, la culture est une perte de temps; c’est triste, mais c’est ainsi; on ne fait qu’anticiper leurs demandes et leurs besoins.
Les structures qui proposent des ateliers cuisine peuvent en outre recevoir des personnalités, des financeurs et des élus, à moindre frais, puisque leurs dames préparent avec énormément de plaisir et dans une ambiance des plus conviviales toutes sortes de spécialités de leurs pays d’origine; elles le font (et c’est tout à fait normal, tout travail méritant salaire) de façon gentille et gratuite.
2- Les projets culturels socialisants (ou projets zoo humain)
Pour éviter le biais culturaliste du projet inter-culturel, certaines structures ont privilégié la démarche socialisante, en passant par la voie artistique.
L’enjeu est de montrer que leurs dames sont capables comme les gens normaux d’accéder à des activités hautement artistiques (peinture abstraite, poésie baroque, théâtre brechtien, opéra comique..).
Ces projets demandent plus d’investissement, car il faut sortir les dames de leur milieu naturel (la cuisine), il faut les montrer à l’extérieur et donc leur apprendre à se tenir et à parler aux gens sans avoir peur.
L’enjeu est noble car on les expose, elles et leurs travaux artistiques (qui n’ont d’artistique que le nom, mais l’idée est de les valoriser), pour prouver à tous ceux qui pensaient que ces dames n’étaient pas civilisées, que certaines d’entre elles peuvent le devenir lorsqu’on leur en donne la possibilité.
Ainsi des élus, des personnalités et des institutionnels sont invités à venir voir ces spécimens rares à la salle municipale, arrivées regroupées dans un car, avançant deux-par-deux-comme-on-leur-a-dit. On entre-aperçoit parfois un élu perplexe, pensant sûrement que lui, personne ne venait l’emmerder à le valoriser lors de sa partie de tennis, de bridge ou lorsqu’il peignait tranquillement chez lui; mais heureusement la perplexité ne dure souvent que quelques secondes, laissant place à un beau regard civilisateur et compatissant.
Ces projets permettent d’apprécier le travail des structures associatives qui, grâce à des subventions publiques bien méritées, ont bien éduqué leurs dames; de véritables liens sociaux se tissent; les dames aimeraient faire part de leur reconnaissance envers les structures et les financeurs, car elles se rendent bien compte qu’elles n’auraient pas eu accès à la culture (avec un grand C) au Cameroun ou au Maroc. Mais elles ne peuvent pas l’exprimer elles-mêmes : elles ne parlent pas en public car elles sont trop gênées (cf. revue kif-kif-bourico, n°7, juillet 05); ce sont donc les structures et les vrais artistes qui parlent à leur place. Elles préfèrent de toute façon qu’on leur confisque la parole.
Quel type de projet privilégier ?
Force est de constater qu’il n’y a pas de projet socioculturel miracle lorsqu’on a affaire à des populations inadaptées et souvent infantiles.
Que veut-on finalement ?
– Respecter les différentes cultures traditionnelles, mais en abandonnant les populations dans leur sous culture abrutissante, avec le risque en plus aujourd’hui d’une mise en péril de l’identité culturelle française laïque et républicaine ?
– Ou ne pas désespérer d’une débarbarisation possible des populations en question, en n’ayant pas peur des efforts colossaux que cela risque de demander ?
La question est centrale, mais il est difficile de répondre…
Ou répondre peut-être simplement que le prochain projet socioculturel qui propose de me donner la parole, de m’écouter raconter ma vie de victime soumise, de me valoriser, de me socialiser, de m’émanciper, de respecter ma culture dans le respect mutuel et la richesse de l’échange culturel d’une rive à l’autre de l’interculturalité … je lui retourne le plat de couscous-merguez encore brûlant sur sa sale gueule de projet socioculturel.
Fatouche Ouassak
Cet article a été publié en mars 2007 dans le numéro 5 de « L’Indigène de la république ».