Le journal « Le Monde » dans son édition datée du 22 février 2005 s’ouvre par une manchette présentant un dossier publié en pages intérieures, sous le titre : « Le scandale Dieudonné et le nouvel antisémitisme ».
Cette manchette est rédigée sur trois colonnes dont la troisième est entièrement consacrée à l’appel « Nous sommes les indigènes de la République… ». En soi, le fait d’évoquer cette initiative sur un tiers d’un article ainsi titré est gravement diffamatoire à notre égard, et à l’égard des autres signataires du texte, puisque cette disposition même insinue que nous participerions de ce « nouvel antisémitisme ». Cette insinuation diffamatoire est, c’est plus grave, corroborée par la dernière phrase de l’article, qui, sans citer de noms et pour cause, évoque la présence parmi les signataires « des militants connus de l’extrémisme pro palestinien ou antisémite ».
Ainsi, l’affirmation du caractère antisémite de notre initiative résulte tant du titre de l’article qui lui est consacré pour un tiers que de la phrase sur laquelle il se conclut.
Le procédé est particulièrement regrettable, s’agissant d’un article éditorial visant à présenter, en le résumant, le dossier de la page 8 du même numéro. Les lectrices et les lecteurs qui se reporteront à l’article de Philippe Bernard consacré page 8 à notre appel pourront apprendre de sa lecture que, contrairement à ce qui est dit en première page, nous avons instantanément supprimé de la liste des signataires le nom de la seule militante connue pour ses positions antisémites qui l’avait signé ‘en ligne’. « On ne veut pas de ces gens là » dit très clairement la porte-parole de notre initiative interrogée par votre journaliste. Mais celles et ceux qui se fieront au résumé éditorial de la première page resteront sur l’idée que nous acceptons des militants de l’extrémisme antisémite dans nos rangs, et que nous participons ainsi d’un ‘nouvel antisémitisme’.
Cette accusation sans fondement fait écho au préjugé que le texte de notre appel rejette expressément, par lequel les personnes issues de l’immigration coloniale et post-coloniale sont assimilées à des représentants d’un nouvel antisémitisme : nous y sommes donc particulièrement sensibles.
Nous voulons souligner à cette occasion que l’appel « Nous sommes des indigènes de la République… », initié par un collectif indépendant, et d’une large pluralité d’origines et de sensibilités, ne vise en aucun cas à construire un mouvement sur les bases de la mauvaise conscience et du ressentiment ou de la logique intolérable de la « concurrence des victimes ». Il exprime notre vive réaction contre l’amnésie et parfois le révisionnisme historique en matière de mémoire et d’héritage du colonialisme qui cultive et perpétue haine, mépris et exclusion. Mais il se veut avant tout une invitation à l’action et au débat.
Nous vous remercions de bien vouloir apporter ces précisions aux lectrices et aux lecteurs du Monde.
24 février 2005