Le temps des colonies
En effet, et quel moment, qui renvoie à l’époque de la colonisation, où, en Afrique du Nord, les indigènes, ces femmes inférieures, allègrement violées et torturées dans l’indifférence, sinon avec l’aval du même colonisateur, étaient libérées de tous les jougs qui les entravaient, par le simple geste de découvrir leurs cheveux…
La démarche politique et stratégique derrière ce soudain intérêt pour la chevelure des indigènes et toute la nouvelle dignité que la femme indigène est sensée gagner par le fait de ne plus la cacher, (ce, en dépit du sort indigne réservé au reste du corps par les bons soins coloniaux) a été commentée. Manipulation pour diviser les familles, pour enlever aux hommes combattant la colonisation le soutien de leurs femmes, en troquant habilement la quête de la libération du joug du colonisateur, contre une quête de libération capillaire… et l’objectif ultime, de pouvoir tendre à ressembler au nec plus ultra de l’évolution, la femme occidentale…
Car, rappelons-le à l’époque, bien sur, l’homme blanc était (selon lui) le modèle, il a même réussi à se convaincre qu’il avait assujetti des êtres humains, soumis, tué, humilié, violé, volé… bref colonisé quoi ! Par charité pour ces peuples, pour les faire entrer dans le monde moderne, en leur apportant toute son humanité, ses lumières, son éducation, ainsi que le progrès technologique, médical et en aucun cas, ou seulement de manière secondaire pour piller… pour leur apprendre à exploiter leurs richesses. Cela dit, pourquoi dire « à l’époque » puisque ce mythe reste d’actualité, et s’offre même une nouvelle jeunesse ces dernières années…
Les indigènes d’aujourd’hui
Tout cela pour dire que, pendant des siècles, l’homme occidental, le blanc, le bon vieux français ou sa femme, catholique au départ, puis maintenant davantage athée ou laïc, a constitué, et constitue toujours dans son inconscient propre, le modèle à suivre, le summum de l’évolution, l’apogée de l’épopée humaine, l’exception d’intelligence dans un monde de sauvages colorés, intellectuellement limités, aux coutumes d’un autre âge…
Aussi quoi de plus normal dans ce même inconscient (et de plus propre à conforter cette idée), que ces barbares tentent, vainement bien sur, de ressembler à cette quintessence que constitue l’homme blanc…
Au besoin, et c’est souvent le cas, l’obliger à vouloir nous ressembler par la force peut être requis, mais c’est tellement mieux pour eux… et surtout pour nous que d’avoir tout ces jaunes, ces beurs, c’est noirs qui cherchent vainement à nous ressembler, ça nous conforte tellement dans notre supériorité…
D’ailleurs, ça ne choque personne, et certainement pas les blancs, qu’aujourd’hui, dans tant de pays non occidentaux, et surtout dans les anciennes colonies, du Maghreb ou d’Afrique noire notamment, que de nombreuses femmes s’habillent à l’occidentale, et aient, pour beaucoup, abandonnés leurs vêtements traditionnels.
Et pourquoi ça devrait les choquer, normal, c’est dit plus haut, que de vouloir ressembler aux blancs, c’est gens si supérieurs, si beaux, si évolués, c’est inscrit en nous. Oui, sauf que ça à été inscrit en nous, par eux, et surtout pour eux, pour les conforter dans leur supériorité, qui a défaut d’être réelle, a permis et permet encore à nombre d’entre eux de mépriser et d’exploiter les étrangers et étrangères et les Français et Françaises un peu trop basanés.
Des français qui dérangent et des « musulmans modèles »
Ayant planté le décor historique, revenons à la question qui nous importe ici, et qui me semble intimement liée à ce qui vient d’être évoqué.
En effet, on leur reproche quoi exactement à ces femmes portant la burqa ? De chercher à se différencier de reste de la population (population blanche bien entendu). De se couvrir le visage. D’avoir un vêtement religieux ostensible. Mais en même temps de s’imposer un vêtement non religieux puisque selon E Badinter, le consensus des autorités musulmans de France et d’ailleurs s’est prononcé sur le fait que cette pratique (port de la burqa) était traditionnelle à l’Afghanistan, et en aucun cas une obligation coranique. De mettre en péril l’identité française. D’être à l’origine selon F. Amara du « cancer que représente l’islam radical », puisque son interdiction permettrait de le supprimer. Mais aussi de porter un vêtement qui conforte « l’oppression de la femme, sa réduction à l’esclavage et son humiliation ». Un vêtement qui « ne représente pas simplement un morceau de tissu, mais la manipulation politique d’une religion qui réduit les femmes à l’esclavage et va à l’encontre du principe d’égalité entre les hommes et les femmes ». Et également, mais c’était aussi le cas du foulard classique, de renier par leurs tenues, des principes, des droits pour lesquelles les femmes se sont battues. Entre autres.
Ce qui est particulièrement étonnant je trouve, c’est que de nombreuses pratiques vestimentaires hautement discutables ne suscitent pas le même intérêt. On peut s’habiller « gothique » dans la rue, avec des énormes chaînes au cou et aux poignets (marque de soumission, non ?) tout en portant des marques de scarification. D’ailleurs on remarque que les femmes gothiques portent souvent des vêtements beaucoup plus moulant et sexy que les hommes, c’est d’ailleurs aussi le cas des autres femmes…attention donc de ne pas aller « à l’encontre du principe d’égalité entre les hommes et les femmes » si cher à F. Amara.
Quant à l’aspect esclavage, et humiliation, dont le port imposé de ce vêtement par le mari, ou la famille, ne serait que l’aspect visible de l’extérieur, on peut se demander comment, miraculeusement, l’interdiction de cette tenue permettrait une prise de conscience de la part de ce mari ou cette famille autoritaire, et les feraient renoncer à cette pratique, plutôt que de leur interdire tout bonnement de sortir.
En fait, sur ce point on tombe sur la même logique que le foulard à l’école, puisque, si l’objectif que l’on se fixe c’est de protéger ses filles et de les soustraire à un entourage autoritaire, en quoi interdire le foulard, et de ce fait déscolariser les jeunes filles dont l’entourage serait le plus récalcitrant, permettrait-il de préserver ces jeunes filles ???
Du reste, je ne sais pas si cela change beaucoup de choses pour les femmes dont il est dit d’elles qu’elles sont réduites à l’esclavages et humiliées, si c’est effectivement le cas, d’avoir une loi qui leur permet de sortir sans burqa, à condition d’ailleurs que leur ignoble mari le leur autorise…
Certains diront peut être que c’est un premier pas vers la liberté… cependant on ne peut pas nier que beaucoup (trop) de femmes meurent du fait de violences conjugales, et ce ne sont certainement pas que des femmes à burqa et certainement pas que des musulmanes…
Sachant que l’argument de protection de la femme de son entourage ne tient pas la route lorsque la femme en question s’avère porter le foulard, le niqab ou la burqa de sa propre volonté, voire à l’encontre de sa famille…
Et ce qui semble choquer le plus, et fait l’objet du questionnement rhétorique de E.Badinter, c’est bien le fait qu’il semble que beaucoup de femmes aient choisi, se satisfont de ce vêtement et ne souhaitent absolument pas s’en défaire. Cette surprise et cette incompréhension étaient déjà de mise dans les affaires de foulard à l’école, et suscitent des réactions similaires : « Comment dans un pays laïc… », « Qu’elles aillent donc dans leur pays d’origine… », « Cette provocation est inacceptable dans la république… », et d’autres…
Pourtant, la laïcité est sensée garantir à tous la liberté de pratiquer sa religion, ainsi qu’à tous, quelque soit son pays « d’origine », l’égalité face à la loi. Alors pourquoi les excentricités vestimentaire des uns et sommes toute, ce qui pourraient être considérés comme des excentricités vestimentaires spécifiques aux musulmans, ne reçoivent pas le même traitement ?
Alors qu’on fait l’apologie de la musulmane dite « modérée », laquelle ne porte bien sur pas de foulard, a, de préférence, la pratique religieuse la plus limitée possible, et s’habille comme une vrai française blanche, il semble normal de fustiger la musulmane dite « extrémiste ». De quoi sérieusement bouleverser les acquis, comment, ici en France, sans y avoir été forcée par des affreux pères, frères ou maris musulmans, une femme peut-elle ne pas vouloir ressembler au standard de la femme blanche ???
En effet cette « musulmane extrémiste » aurait l’outrecuidance d’avoir une pratique religieuse, et exhiberai fièrement son souhait de ne pas se vêtir comme la vraie française (blanche)… et de ce fait briserai la boucle ayant permis l’accession au blanc au rang de supériorité, boucle qui nécessite, pour perdurer, que les autres, les non-blancs, reconnaissent la supériorité du blanc, ce qui se traduit nécessairement par la volonté de lui ressembler, de s’habiller comme lui, tout en n’étant jamais pour lui, qu’une imitation, un faux, une contrefaçon, une casquette Lacoste avec le crocodile à l’envers, une paire d’Abibas, quoi.
Et pire que tout, ces femmes se revendiquent pour beaucoup comme françaises, et le sont de part la loi. Tant que l’on espérait que les étrangers se hisseraient, comme de vrais boys, gentils et dociles, vers la blancheur, en abandonnant tout ce qui culturellement fait d’eux ce qu’ils sont, à défaut d’abandonner leur couleur, et en acquérant la culture de l’homme blanc, on peut les accepter. Mais à partir du moment où ceux, à qui on a fait le cadeau de pouvoir désespérément chercher à nous ressembler, ne saisissent pas cette perche vers la blancheur, et revendiquent d’autres manières de penser en s’habillant différemment, en adhérant à une culture différente, ceux-ci sont de dangereux extrémistes. Et pour cause, en plus de faire fi du droit à cette blanche condescendance, ceux-ci par leur attitude, peuvent sous entendre qu’il existe des manières de penser et de se vêtir que quelqu’un puisse juger préférable aux standards « blancs», voire pire, pourrait sournoisement nous signifier qu’il serait peut être positif que la culture blanche s’enrichisse de ces pensées différentes, et renonce à se penser comme suprématie.
Ce qui explique les nombreuses réactions mettant en avant les dangers en termes d’identité française. Certains se cachent derrière un soi-disant argument de laïcité pour dénoncer la visibilité de la communauté musulmane, que se soit par la pratique religieuse, notamment vestimentaire, et avancent la crainte de voire se multiplier les minarets, alors qu’étonnamment, la présence d’églises ostensiblement visible à chaque coin de rue ou presque, ne suscite pas la même réprobation et la même crainte d’atteinte à leur prétendue laïcité …
D’autres, certainement pas plus justes, mais au moins peut-être plus francs, avancent l’argument de l’héritage chrétien de la France, et leur attachement à une certaine forme d’interdiction ou de sévère restriction de la visibilité d’autres religions en France, comme certains pourraient revendiquer l’héritage blanc de la France pour vouloir limiter restreindre la présence de non blancs susceptibles d’altérer cet héritage…
A la rigueur femmes de ménage, technicien de surface…être servi par les non blancs, quoi de plus valorisant, et dans l’ordre des choses, plutôt que l’affront d’avoir un supérieur africain…
Pour en revenir à la burqa, le pire, dans cette affaire, c’est quand même que personne n’a l’air de se soucier de l’avis de ces femmes. Et pour cause, il est de notoriété publique que ça ne sert à rien de demander ou de tenir en compte l’avis de ces femmes, elles sont manipulées… heureusement qu’Elisabeth est là pour nous sauver…que ferions nous sans elle…
Voila comment l’Etat, des femmes soi-disant féministes, et peut-être des personnes qui souhaitent sincèrement l’amélioration des conditions des femmes en viennent à dénier à une catégorie de femmes le droit de s’exprimer, les traitent comme des irresponsables, des mineures, et pensent à la place de celles-ci, de la même manière dont ces mêmes personnes accusent les hommes de spolier ces femmes.
Libérer les femmes afghanes, émanciper les femmes indigènes en leur enlevant leur foulard, éduquer les sauvages, libérer le peuple irakien, autant d’inepties livrées aux peuples avides de soi disant bonnes causes à défendre, et tellement valorisantes pour le libérateur, alors qu’elles cachent des motivations bien moins glorieuses, intérêts géopolitiques, divisions des foyers de résistances, pillage des ressources, et par la même … une bonne diversion face aux vrais problèmes de société… chômage, pouvoir d’achat, retraite, sécurité sociale…
Et pourtant qui pourrait dénier officiellement le droit aux individus musulmans de vouloir être considérés comme part entière de la société, prétendant aux mêmes droits que les autres, en terme de travail, de rémunération, de représentation politique, et non plus comme sous-blancs, des imitations de blanc, rôle dans lequel ils ont jusqu’à présent été cantonnés ?
Les Blédardes (du MIR)