Déclaration sur l’islamophobie
Depuis de nombreuses années, l’islamophobie progresse en France de manière alarmante.
Exprimée de manière la plus crue ou sous des formes détournées, prenant prétexte de la lutte contre le terrorisme, des impératifs sécuritaires, de la laïcité, de la liberté d’expression, des droits des femmes, ou de la défense des « valeurs de la République », les expressions de l’islamophobie foisonnent dans toutes les sphères de la société et notamment dans les champs politique, médiatique et intellectuel. L’islamophobie traverse l’ensemble des courants politiques, de l’extrême-droite à l’extrême-gauche.
Le nombre d’agressions physiques ou verbales, d’humiliations, de déclarations publiques, de pratiques discriminatoires visant les musulmans ou ceux qui sont considérés comme tels, dans les quartiers, les entreprises publiques ou privées, l’Ecole, les lieux de culture et de loisir, les établissements hospitaliers, ne cesse de croître. Certains médias saisissent la moindre opportunité ou, s’il le faut, l’inventent de toute pièce, pour multiplier les articles et les reportages destinés à stigmatiser les musulmans.
Bien plus grave, l’Etat, lui-même – pouvoirs exécutifs, législatifs, judiciaires, de ses plus hauts sommets à ses institutions locales en passant par ses instances intermédiaires – se fait le promoteur de l’islamophobie. Au traitement inégalitaire de l’islam, comme culte, malgré les principes explicites des lois fondatrices de la laïcité, s’ajoute une volonté de plus en plus manifeste de limiter ses expressions publiques et d’écarter les musulmans de l’espace public, pour peu qu’ils s’affichent en tant que tels. Nous ne redirons jamais assez à quel point la loi contre le foulard, « discriminatoire, sexiste et raciste », comme le proclamait l’Appel des Indigènes, une loi qui n’a pas hésité à remettre en cause le cadre de la laïcité telle qu’elle a été définie en 1905, a donné une légitimité publique à l’ensemble des pratiques discriminatoires à l’encontre des musulmans et des stigmatisations dont ceux-ci sont l’objet.
L’islamophobie d’Etat s’est à nouveau exprimée en 2009, dans toute sa nudité, à travers la polémique engagée par Eric Besson sur l’« identité nationale », dont tout un chacun sait qu’elle concernait plus particulièrement les musulmans ; elle s’est exprimée, cette même année, dans la constitution d’une commission destinée à préparer l’adoption d’une loi contre le voile intégral et, de manière plus insidieuse, dans la refonte envisagée de certains programmes scolaires. L’année 2009 a vu, en outre, instrumentalisés d’autres événements comme l’interdiction des minarets en Suisse ou, encore, ces premières semaines de 2010, à travers les dénonciations dont a été l’objet la candidature d’une jeune fille voilée, Ilham Moussaïd, aux élections régionales dans le cadre d’une liste du NPA.
Les controverses suscitées par ces événements confirment, s’il en était besoin, que l’enjeu politique n’est pas la défense de la laïcité ni de la liberté d’expression incluant le « droit à la critique des religions ». Ce qui se joue, aujourd’hui en France, à travers l’islamophobie, est bien au contraire la volonté de marginaliser les expressions de l’islam dans l’espace public et d’en exclure les populations qui affirment leur identité musulmane. Il s’agit tout bonnement d’exclure ces populations des droits que confère la citoyenneté.
Au-delà, l’offensive contre l’islam et les musulmans concerne également toutes les populations et les cultures originaires de l’ancien empire colonial. Elle vise à conforter une conception de l’« identité nationale », articulée autour de la suprématie blanche-européenne-chrétienne, menacée par les cultures « archaïques », portées par l’immigration coloniale et ses descendants. Erigée en fondement de la citoyenneté et du « Pacte républicain », cette conception interdit de fait aux populations non-souchiennes, non seulement de préserver et de développer leurs propres cultures et spiritualités, mais également de participer pleinement, sur la base des références qui sont les leurs, à la construction de la France d’aujourd’hui et de demain.
L’offensive islamophobe est sensible à l’échelle de l’ensemble de l’Union européenne. Elle a pris une forme particulièrement dramatique en Allemagne avec l’assassinat ignominieux de la jeune musulmane Marwa Sherbini, en juillet 2009.
Le PIR considère la lutte contre le racisme islamophobe et pour l’égalité des cultes, comme l’une de ses priorités majeures, tant à l’échelle des quartiers populaires qu’à l’échelle nationale.
Le PIR appelle l’ensemble des musulmans mais aussi toutes les populations originaires des anciennes colonies, ainsi que les espaces de résistance qu’ils se sont donnés, à se rassembler dans ce combat commun pour défendre et développer les droits, individuels et collectifs, des cultures écrasées par une République uniformisatrice et coloniale.
Le PIR appelle la communauté majoritaire à rejeter fermement les politiques racistes et islamophobes qui visent à lui garantir le privilège de la bonne « identité nationale » en échange de son renoncement à ses droits sociaux et démocratiques, acquis au prix de multiples souffrances et de deux siècles de lutte pour l’égalité. Le PIR appelle également la communauté majoritaire à refuser une conception de la laïcité assimilée à la lutte contre les religions et les pratiques cultuelles, et à s’engager aux côtés des populations originaires des anciennes colonies dans leur combat contre le racisme et sa forme islamophobe.
Dans la continuité des actions initiées par le Mouvement des Indigènes dont il émane, le Congrès constitutif du PIR décide d’engager une large campagne contre l’islamophobie et pour la reconnaissance des droits légitimes des musulmans. Cette campagne débutera par l’organisation des « états généraux contre l’islamophobie » prévus le 11 Avril 2010.
Paris, 27-28 février 2010