Libération

De la Palestine au P.I.R…ou la conscientisation d’un francais musulman d’origine africaine sur son statut d’indigène

Au Nom de Dieu, Le Tout Clément, Le Tout Miséricordieux,

«Qu’avez-vous à ne pas combattre dans le sentier d’Allah et pour la cause des opprimés, hommes, femmes et enfants qui disent: « Seigneur! Fais-nous sortir de cette cité dont les gens sont injustes et assigne-nous de Ta part un allié, et assigne-nous de Ta part un secoureur »». Le Coran, Sourate 4 An-Nissâ (Les Femmes), Verset 75.

Voici le récit de mon (petit) parcours militant:

Depuis l’année 2005, une pensée m’obsède: VENIR EN AIDE A LA PALESTINE! Auparavant, je ne connaissais presque rien de cette Cause, étant un être exclu d’une communauté mise en marge de l’Histoire et atomisée par le colonialisme, et étant passé par les cases que le Système m’a « gentiment » concocté (exclusion du système scolaire-délinquance-garde à vue répétées-prison-foyer d’urgence): je ne pensais qu’à ma gueule !

Ma quête spirituelle a été le déclic qui me poussa à me préoccuper de la situation du monde, conformément à l’esprit coranique qui nous fait comprendre que nous sommes responsables de tout devant tous, que le but est de se réformer soi-même tout en réformant le monde. Étant donné que Jérusalem, est un des trois lieux saints de l’Islam (et non le troisième, c’est-à-dire : la médaille de bronze sur « le podium de l’importance des lieux saints » dans le cœur des Musulmans, comme voudraient nous le faire croire les sionistes); et que la Palestine est une métaphore des rapports de force qu’il y a dans le monde: le rapport Nord/Sud, Occident/Tiers Monde, oppresseurs/opprimés, j’ai décidé donc de suivre mon cœur: m’engager et espérais même « mourir en martyr » pour Elle. Mais plus j’essayais de faire des choses pour cette Cause plus je me sentais impuissant! Et, c’est Elle qui m’a aidé…en m’ouvrant les yeux sur moi-même! Moi, qui voulais lui donner ma vie parce qu’elle me faisait de la peine et que son sort me révoltait, Elle me tendit un miroir en me disant de garder ma pitié pour moi et de contempler plutôt la situation dans laquelle je vis: MA CONDITION D’INDIGÈNE !

A l’ère de la mondialisation et de l’interdépendance des États. Là où un crash boursier à New York provoque une crise à Tokyo ; là où un missile en France peut frapper le Caire ; là où un transfert électronique émis par une personne de Londres à sa famille à Islamabad arrive avant qu’on ait le temps de boire un café, comment se fait-il que je ne puisse pas l’aider de l’endroit où je me trouve? Je compris alors, que si je ne pouvais lui apporter l’aide de là où je suis (en France), c’est qu’en fin de compte, je ne suis rien sur «mon» propre sol: JE SUIS INEXISTANT! Nous ne sommes en France qu’un pâle reflet de ce qu’Elle vit ! Que si Elle se fait martyriser là-bas, c’est que nous, Indigènes sociaux, sommes faibles ici parce que nous sommes victimes du même système discriminatoire qu’Elle (à moindre échelle certes mais victime quand même)!Alors me suis-je demandé: « Comment pourrais-je aider une personne qui se noie alors que mon propre bateau coule !? ». C’est de moi-même que je devais avoir pitié (et honte!), de la condition dans laquelle je vis et dont (consciemment ou pas) je ne cherche pas à me libérer: celle d’un indigène dans un système colonial !

Il fallait en priorité que je répare ce bateau qui nous mènerait vers la liberté, et pour cela, agir par étape, ne pas mettre la charrue avant les bœufs, si je voulais vraiment être efficace, en gros, je ne devais plus être seulement dans l’émotionnel mais surtout dans le rationnel! Il me fallait identifier qui et comment combattre! Ne pas confondre la Vérité et la Réalité car si, comme vérité universelle aux Yeux De Dieu, nous sommes tous égaux et Frères, la réalité est toute autre ! Nous vivons dans un monde régit par les hiérarchies de genre, de classe et de race! Et si le patriarcat a créé le genre, le capitalisme la classe, LE COLONIALISME, LUI, A CRÉE LA RACE! J’ai toujours entendu dire que « les races n’existent pas »;oui c’est une vérité scientifique:les races biologiques n’existent pas…mais la réalité politique fait que les races sociales existent, aussi bien que les classes et les genres! Tout le monde s’accorde a dire,dans le Système dans lequel on vit, que quand la femme est discriminée c’est au bénéfice de l’homme;quand le pauvre est discriminé c’est au bénéfice du riche,quand l’infirme est discriminé c’est au bénéfice du valide;mais on ne dit jamais au bénéfice de qui le noir,l’arabe et autre indigène sont discriminés. Comme si c’était un tabou ou que c’était au bénéfice d’une race sociale invisible! La réponse la plus logique que j’ai trouvé a cette question est que c’est au bénéfice du BLANC!

Et c’est cette hiérarchie des races, que je devais combattre en priorité, parce qu’il est celui qui détermine ma condition et celle du monde! Mais a l’image des femmes qui quand elles combattent le privilège mâle,ne combattent pas pour autant l’Homme, je ne dis pas que c’est l’Homme blanc qu’il faut combattre mais le Pouvoir Blanc avec ses structures qui crée les privilèges d’une race au détriment des autres. On doit retirer les privilèges de l’Homme blanc sans toucher a ses droits; ainsi comme le préconisait Fanon, la mise à mort de ce système engendrera la libération et l’inauguration d’une autre voie inchaAllah.

Il y a des situations qui sont révélatrices de cette condition d’indigène:
– Pourquoi, par exemple, je ne peux pas faire un appel aux dons pour la Palestine sans passer pour un terroriste alors que le CRIF ou le Mac Do peuvent le faire ostensiblement pour Israël, par le biais même des chaînes nationales dont nous payons la redevance télé et cela, pendant l’opération « plomb durci » !!!?
– Pourquoi, ma mère, sous prétexte qu’elle porte le voile, ne peut pas accompagner mon petit frère lors de sorties scolaires ?
– Pourquoi, ma sœur ne peut pas porter le voile ou porter des robes jugées « trop » longues à l’école?
– Pourquoi, un enfant prénommé Islam, se voit refuser l’accès d’un jeu télévisé à cause de son prénom alors qu’il avait été sélectionné!?
– Pourquoi, mes frères de condition (arabes et noirs) se font contrôler huit fois plus qu’un blanc par la police raciste (statistiques parus dans le journal Métro en 2010)? Et, pourquoi est-ce qu’ils prennent une plus grande peine quand ils sont suspectés de vendre de la drogue hors du quartier dans les campagnes où la population est blanche?
– Pourquoi, les médias et le gouvernement utilisent les mêmes termes militaires quand ils parlent de « reconquérir les territoires perdues des banlieues » que quand par exemple ils comptent envahir injustement l’Afghanistan?
– Pourquoi dans les cités quand on se fait molester et/ou se fait tuer par la police,la victime prend le rôle du coupable et du bourreau aux yeux des médias et du gouvernement…un peu comme ces palestiniens assassinés que l’on fait passer pour des terroristes?
– Pourquoi, quand par exemple des agriculteurs ou des jeunes lycéens cassent et brûlent parce que le gouvernement se fout de leur gueule, les médias disent que ce sont des agriculteurs et des jeunes « en colère » mais quand ça se passe dans les quartiers populaires ce sont des « casseurs », « des guérilla urbaines », « des voyous », « des islamistes » ?
– Pourquoi, ayant un « faciès coloré » ou un nom à consonance non-européenne, on me refuse l’accès à un logement ou a un emploi?
– Pourquoi, on nous tutoie et nous appelle par nos prénoms, en nous infantilisant quand on passe à la télé ou devant le juge (comme pour Omar Raddad) ?
– Pourquoi, dans la commission contre la burqa, on a retrouvé un consensus politique de l’extrême gauche à l’extrême droite en étant d’accord sur une chose à savoir qui est l’ennemi, alors que d’habitude, ils n’arrivent même pas à se mettre d’accord sur la couleur du crottin?Etc…
Et tout ceci n’étant pas le fruit d’un racisme populaire mais d’un RACISME D’ÉTAT, celui qui découle des institutions! Pas un racisme qui vient du bas, mais qui vient du haut !!

Alors, a résonné dans ma tête la phrase de AbdelMalek Sayyad: « exister, c’est exister politiquement ». Et puisque, le monde n’est que rapport de force, je compris que le seul moyen de combattre ces structures et ce système colonial (qui est le même qui sévit en Palestine sous une autre forme), c’est de rejoindre une structure qui vit et voit les mêmes choses que moi, car rejoindre un parti politique c’est comme être dans un couple: il ne s’agit pas de se regarder dans les yeux mais surtout de regarder dans la même direction! Il ne s’agissait pas pour moi de rentrer dans un parti qui aurait de beaux discours avant les élections, qui présenterait des têtes auxquelles je m’identifierais facilement mais qui fera passer mes priorités en dernière position une fois élu pour finalement les ignorer voire les combattre, tout en virant ou occultant les têtes qu’on nous avait aimablement et machiavéliquement présentées, comme cela s’est toujours passé avec la gauche. Ou de ces mouvements et partis qui fricotent avec (ou qui sont de) l’extrême-droite, qui voudraient nous faire croire que l’on devrait unir nos forces car notre ennemi commun est le sionisme, alors que ce dernier n’est qu’une des tentacules appartenant à la pieuvre qu’est l’impérialisme occidental blanc dont ces extrémistes sont privilégiés.L’ENNEMI DE MON ENNEMI N’EST PAS FORCEMENT MON AMI !

C’est pour cela que j’ai rejoint le Parti des Indigènes de la République qui, pour moi, représente le bateau que je dois participer à construire et à manœuvrer à l’aide de mes « frères et sœurs de condition, de lutte et de projet »: la flottille de la liberté! Il est nécessaire de peser sur le ring politique, et de devenir une « force indigeste », ni avalable ni absorbable par les partis à dominante blanche! Sans avoir honte de prôner le communautarisme et les alliances entre dominés victimes de ce système colonial, car le plus grand communautarisme en France est le communautarisme dominant blanc, et surtout ce n’est pas en tant qu’individus que l’on se fait discriminer mais en tant que membres identifiés comme faisant partie d’une communauté…ce qui ne signifie pas qu’a long terme,nous ne ferons pas des alliances avec les forces blanches qui combattent et nous rejoignent sur certaines luttes,au contraire! Mais comme disait Simone de Beauvoir en parlant de Sartre qui était pourtant un fervent soutien de la cause féministe: »dans un système ou il est privilégié,l’homme ne pourra jamais comprendre le « vécu de la femme » « ;nous,nous disons que le blanc ne pourra jamais comprendre le « vécu de l’indigène »(mis à part ceux qui vivent dans les quartiers). Voilà pourquoi nous devons être le parti de nous-même par nous-même!

Le PIR, est un parti qui parle pour nous avec nos références, où nos sœurs peuvent nous représenter avec ou sans hidjab, avec ou sans boubou. Il n’a pas peur de soutenir la résistance qu’ont choisi démocratiquement les palestiniens: le Hamas ou d’inviter un membre du Hezbollah sur le sol français, de dénoncer et combattre le racisme d’État sans pour autant oublier les problèmes sociaux,etc…Nous voulons et devons être une force qui participe a créer la norme,en rejetant celle que l’on nous impose! Tout cela en s’inspirant des « anciens », que ce soit Sankara ou ceux de la « Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983 », non pour des commémorations commémoratives mais pour nous inspirer de leurs luttes. Ca n’arrange pas l’État de rendre visibles nos histoires, car elles prouvent que c’est le rapport de force que nos anciens se sont efforcés de créer qui a apporté le peu d’amélioration dont on bénéficie aujourd’hui…et non « la main charitable » du Pouvoir blanc a qui on aurait mendié quelques miettes et qui nous aurait pris en pitié! Il nous faut rendre visibles ces histoires tout en étant dans la continuité ! Les libertés ne se donnent pas, ELLES SE CONQUIÈRENT!

Donc, rejoindre le PIR ne signifie pas que je renonce à la Palestine mais c’est au contraire le dépassement d’une limite: pour ne pas la trahir,nous devons faire en sorte d’être une force ici qui aurait un impact là-bas, changer notre condition au niveau national et international inchaAllah. Je dois bien ça à cette Cause Universelle car en fin de compte c’est la Palestine qui m’a secouru…de mes illusions !

Sofiane ould Bechaouche, militant du PIR

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