Brillant théoricien, il a aussi été un militant « pratique », consacrant l’essentiel de son énergie à construire une organisation dont il espérait qu’elle puisse devenir le fer de lance d’un bouleversement radical de la société. Il était de ces combattants, fort peu nombreux en France aujourd’hui, qui ne conçoivent pas leur vie en dehors de l’action politique collective pour la justice. Plus encore, face au spectre de la mort qui planait sur lui depuis plus de dix ans, il s’est rebellé en redoublant d’efforts pour poursuivre son action militante.
Il n’est pas le lieu, ici, de rappeler les divergences qui ont pu nous opposer. Nous gardions bon espoir de pouvoir un jour le convaincre ou, à tout le moins, de trouver un terrain commun d’entente. Car la pensée de Daniel Bensaïd, tiraillée entre la crainte de voir se briser le fil conducteur des combats du passé et celle de rater l’irruption de la nouveauté, était paradoxale. Arcboutée à un marxisme révolutionnaire européocentriste et enracinée dans certaines rigidités de la tradition du mouvement ouvrier français, sa réflexion était, dans le même temps, en mouvement constant, curieuse face à l’inédit, sensible aux évolutions de la société et aux nouvelles problématisations soulevées par les mouvements sociaux émergents. Ainsi, malgré les réserves qu’il avait à l’égard des positions qui sont les nôtres, il s’est toujours montré ouvert au débat fraternel, y compris en publiant dans sa revue «ContreTemps », des articles émanant de notre mouvement, malgré les grincements de dents de certains de ses amis politiques.
Outre l’homme, chaleureux et plein d’humour, que certains d’entre nous ont connu, nous regrettons, en Daniel Bensaïd, ce militant qui a voulu intensément surmonter les défaites du XXème siècle sans renoncer aux espoirs qu’il a portés, de construire des passerelles entre sa génération et la nouvelle, de permettre la convergence des différents combats pour la justice.
Nous présentons nos condoléances attristées à sa famille, à ses proches, et à tous ceux qui ont combattus à ses côtés.
Respect !
Le Secrétariat exécutif du MIR
Paris, le 13 janvier 2010