«Le problème ne concerne plus une seule personne mais touche l’ensemble des citoyens marocains puisqu’il est devenu une question de violation des droits de l’Homme», note Khadija Ryadi, présidente de l’AMDH avant de poursuivre : «Nous dénonçons l’humiliation que subissent les citoyens marocains lors de leur demande de visa et les conditions injustes du système français d’octroi du visa». L’AMDH ne se contente pas des mots pour dénoncer mais des actions. Pour cela, l’ONG lance une vaste campagne pour «mettre à nu les responsabilités» dans la mort de Aïcha Mokhtari. L’opération, qui sera lancée officiellement demain, mardi 1er septembre, vise également, selon l’AMDH, à «dénoncer» les conditions du système français et européen de délivrance du visa aux Marocains, que l’Association qualifie «d’injustes, dures, aléatoires et humiliantes». Pis encore, aux yeux de l’AMDH, ces conditions constituent une «violation» des droits humains universels. Déterminée à faire entendre sa voix, l’AMDH compte mobiliser les défenseurs des droits de l’Homme au niveau national et international. «Nous ne pouvons plus accepter cela sachant que les citoyens des pays nordiques à destination du Maroc n’ont besoin en général que d’un passeport pour faire le voyage», s’indigne-t-elle. «Pour que la mort de Aïcha Mokhtari ne soit pas vaine, luttons contre les conditions inhumaines d’octroi du visa aux Marocaines».
Le mot d’ordre est plus que symbolique. L’AMDH veut faire de Aïcha Mokhtari, «martyre et icône de la contestation contre les lois liberticides étrangères». «Les responsables doivent rendre des comptes», martèle Khadija Ryadi. Dans son communiqué, l’AMDH dénonce également «l’attitude des autorités françaises qui ont soutenu le Consulat français à Fès au lieu de corriger l’erreur fatale». Pour mémoire, le Consulat de France à Fès a rejeté la demande de visa de Aïcha Mokhtari pour soins médicaux. A l’origine, une erreur administrative qui a eu lieu dans le traitement du dossier de la défunte. «Un problème d’homonyme. Une femme de nationalité algérienne portant le même nom que ma soeur, Aïcha Mokhtari, a déposé une demande visa à Oran et a fait l’objet d’un refus. Et il y a eu confusion», explique le frère de la défunte, Abdelaziz Mokhtari, qui a mené un véritable combat dans l’espoir de sauver sa soeur…en vain. Mokhtari a sollicité l’aide des autorités françaises dont le Président Nicolas Sarkozy. Cependant, la faute n’a pas été corrigée et le refus de la délivrance du visa confirmé. De leurs côtés, les autorités marocaines n’ont pas non plus levé le petit doigt. Tous les appels de détresse de Mokhtari pour décrocher un visa au profit de sa soeur sont restés sans échos favorables. Ministre de la Santé, Premier ministre…Mokhtari a sollicité également l’aide des partis politiques, mais aucun n’a daigné lui répondre, à l’exception du PJD (Parti de la justice et du développement). «La ministre de la Santé et le gouvernement ont également leur part de responsabilité dans la mort de Aïcha Mokhtari. Ils ont failli à leur devoir de garantir les droits à la libre circulation et aux soins de la défunte», soutient la présidente de l’AMDH. Le programme de la campagne s’annonce chargé. Un meeting sera organisé par la section de l’AMDH à Oujda, ville natale de la défunte, qui sera suivi par un sit-in devant le Consulat de France à Fès. Une autre manifestation de protestation est prévue devant l’ambassade de France à Rabat. L’Association marocaine des droits humains tiendra également dans la capitale un colloque sur les droits humains et le visa. Et ce n’est pas tout ! Des manifestations seront organisées en France. Une pétition sera également lancée pour recueillir les signatures des organisations des droits de l’Homme. L’AMDH compte aussi interpeller le Président de la république française et le Premier Ministre marocain. Affaire à suivre !
Retour sur l’affaire
Samedi 15 août 2009 à Oujda, Aïcha Mokhtari s’est éteinte après plus de deux ans de souffrance, pour manque de soins médicaux adéquats. La défunte souffrait d’un cancer osseux appelé selon le jargon médical «ostéosarcome du genou gauche avec métastases pulmonaires». La maladie a été dépistée en 2007 par des spécialistes marocains. Elle suivait son traitement au centre d’oncologie Hassan II à Oujda, sans toutefois que son état de santé ne s’améliore. Son médecin traitant lui conseille alors d’aller en France pour recevoir des soins adéquats. Aïcha Mokhtari dépose une demande de Visa pour soins médicaux auprès du Consulat de France à Fès. Cependant, sa demande a été refusée. Et depuis, c’est le cauchemar au quotidien. L’état de santé de Aïcha se dégrade de jour en jour. La France refuse de reconnaître l’erreur administrative commise à Fès et de la rectifier. Abdelaziz Mokhtari décide alors d’attaquer l’Etat marocain en la personne du Premier ministre et du ministère de la Santé en justice. Une plainte a été déposée auprès du tribunal administratif d’ Oujda, il les accuse de «négligence». En juillet 2008, il saisit la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France dont le siège se trouve à Nantes. Sa revendication : réparation du préjudice subi. En vain. Il revient à la charge en 2009. Cependant, la maladie a eu raison de Aïcha.
Khadija Skalli
SOURCE : Le Soir