Avec La jarre d’or, l’auteur martiniquais signe son 16e roman en langue française ou créole. On y retrouve cette « populace », qui lui est chère et qu’il s’attache, depuis qu’il est entré en littérature, à raconter. Il y a du Zola, du Céline et du griot chez Confiant. Du Zola parce qu’il donne dans ce réalisme social qui a fait considérer, du temps de son vivant, Emile Zola comme un écrivain sale, appesanti sur la misère… Du Céline, parce que, outre ses véhémentes sorties provocatrices, sa langue, son écriture sont une sorte de marée déferlante… Et puis du griot, car ce qui nourrit la verve de l’auteur, ce sont ces raconteries dites pour réveiller la cour… Yé Krik ! Avec ce nouveau roman, Confiant s’intéresse au mythe de la jarre d’or.
«Aux Antilles, au temps de l’esclavage, les riches planteurs Békés craignant des révoltes nègres enterraient leur fortune (argenterie, bijoux, louis d’or) dans des jarres dans un lieu tenu secret. L’esclave qui avait creusé le trou était aussitôt exécuté et enterré à côté du trésor dont il devenait le gardien. On retrouvait parfois ces jarres des décennies plus tard. Dans les années 1950-60, le bruit courut dans les veillées mortuaires du Nord de la Martinique qu’une de ces jarres contenait des livres, parmi lesquels un mystérieux Traité des quatre-vingt dix pouvoir des morts. Le posséder garantissait la vie éternelle… » Mais cette légende reste avant tout un prétexte à l’auteur, comme la Martinique an tan Robert dans Le nègre et l’Amiral (Grasset-Flasquelle 1988), la Révolution dans L’archet du colonel (Mercure de France 1998) ou l’immeuble de trois sœurs békées des Terres-Sainvilles dans L’hôtel du bon plaisir (Mercure de France, 2010) pour s’emparer du destin de ses personnages… On y retrouve des figures familières connues ou croisées déjà dans l’œuvre de Confiant. Ainsi, il y a Augustin Valbon, l’écrivain raté (une réplique d’Amédée Mauville du Nègre et l’Amiral ?)
Lisette, danseuse vedette du Tango-bar, le sorcier Grand Z’Ongles, le fier-à-bras Bec-en-or… Valbon qui incarne le héros, vit aux Terres-Sainvilles (lieu de prédilection de l’auteur) et fréquente aussi le quartier de la mulatraille de l’En-Ville où il côtoie une sorte de Bohème tropicale, poètes romantiques, symbolistes ou parnassiens qui cuvent leur rhum et leur ennui au premier étage de l’hôtel Impératrice… C’est bien sûr Valbon qui découvrira la jarre… « Cette découverte est-elle bien réelle : s’agit-il d’un miracle ou d’une diablerie ? » interroge la note de présentation de l’éditeur qui parle d’une « aventure initiatique » et de « méditation sur la mort ». « La jarre d’or, poursuit l’éditeur, est aussi une réflexion sur le mystère de l’écriture et la condition de l’écrivain dans une culture dominée par l’oralité. » Une constante chez Confiant.
François-Xavier Guillerm