Ce choix éditorial blesse. Au sein des populations originaires de pays majoritairement musulmans, il est choquant de tourner en dérision le prophète, respecté par tous, indépendamment de leurs fois, comme partie intégrante de leur culture.
L’initiative de Charlie Hebdo n’est, cependant, pas pour nous étonner. Depuis quelques années, cet hebdomadaire satirique est l’un des supports privilégiés des campagnes de stigmatisation de l’islam, parallèles à ses prises de position en faveur des guerres impériales américaines et de la politique israélienne. Prétextant son attachement à la liberté d’expression, il n’avait pas hésité notamment à publier les dessins islamophobes, parus dans un journal d’extrême droite danois, qui avaient provoqué une vague d’indignation à travers le monde. La provocation qu’il assume aujourd’hui franchit un palier. A quelques mois de la présidentielles, alors que la candidate du FN fait de l’islamophobie l’un de ses chevaux de bataille, une telle provocation ne peut que susciter une nouvelle crise que le FN ne manquera pas d’exploiter. Charlie Hebdo ne peut pas l’ignorer.
Charlie Hebdo feint de faire preuve d’audace et de subversion quand il se moque de l’islam. En réalité, il conforte l’imaginaire dominant et encourage la politique d’exclusion et de répression menée par le gouvernement à l’encontre des quartiers populaires. En effet, loin d’être la religion des classes dominantes, l’islam est aujourd’hui en France la foi de populations vulnérables, subissant racisme et discriminations.
Nombreux sont les Français qui sans forcément partager l’orientation politique de Charlie Hebdo, apprécieront sans doute cette charge contre l’islam au nom d’une tradition enracinée dans l’anticléricalisme qui assimile abusivement toute religion à un archaïsme antagonique à la modernité et à l’émancipation. Cette démarche qui a pu dans un temps et des circonstances particulières trouver une justification a été accompagnée cependant d’une hostilité croissante au sacré, laissant la place à une rationalité strictement instrumentale, dépourvue de sens et méprisant toute forme de transcendance. Cet état d’esprit, conduit également à la stigmatisation d’une partie des classes populaires blanches considérées avec dédain pour leur attachement à leurs croyances, y compris par des courants politiques qui se targuent de défendre les populations les plus défavorisées. La crise n’est pas qu’économique. Elle est aussi une crise culturelle et spirituelle. A la veille des élections présidentielles, ceux qui voudraient que leur projet de transformation de la société trouve un écho devraient y songer.
Pour notre part, nous continuerons à lutter contre l’islamophobie, pour l’égalité des droits des musulmans et à défendre l’espace du sacré.
Le PIR
Paris, le 1er novembre 2011
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