Face à une énième mort aux mains d’un « gardien de la paix » et à un ordre colonial la traitant comme un corps d’exception soumis à l’arbitraire, à l’indignité et à la violence, une nouvelle génération se manifeste sous les yeux horrifiés des commentateurs et de la classe politique. Cette génération qui impose sa dignité par la révolte doit être saluée à sa hauteur, comme une puissance longtemps contenue s’accomplissant enfin.
Ce soulèvement de la jeunesse indigène a pris l’ensemble de la société française par surprise. Et c’est une divine surprise, qui remet la question raciale au centre du débat politique après une séquence dominée par le mouvement social, et vient briser l’inertie de la période où nous avons dû faire face, seuls, aux dissolutions islamophobes et à la Loi Séparatisme.
L’insurrection a terrifié le pouvoir par son intensité, ses formes et son ubiquité. Partout dans le pays, tant dans la métropole que dans ses colonies, notre jeunesse a déjoué pendant de longues heures le régime d’occupation policière des quartiers. En miroir de sa propre terreur, le gouvernement a répondu par une répression intense, en mobilisant un nombre inédit de policiers et d’armements, pour certains relevant de l’anti-terrorisme (RAID et GIGN) et du grand banditisme (BRI). L’État a engagé quatre fois plus d’effectifs que durant la révolte des banlieues de 2005 en déployant tous les éléments de l’arsenal sécuritaire qui a décuplé au fil de décennies de lutte contre le « terrorisme », de fuite en avant autoritaire et de casse sociale. Sur le plan médiatique, l’offensive de propagande policière est sans précédent. Ajouter à cela, la « cagnotte » lancée en soutien au policier meurtrier et qui atteint déjà plus d’un million et demi d’euros : une belle récompense pour avoir tué un Arabe.
La vengeance d’État s’est aussitôt déployée. A ce jour, nous comptons plus de 3625 arrêtés, dont 1124 mineurs, qui devraient voir leur nombre augmenter encore dans les jours et semaines à venir. Les interpellations s’effectuent avec une violence déchaînée. La répression se poursuit dans les tribunaux, en comparution immédiate, avec des condamnations vengeresses à la chaîne. La vengeance veut s’exercer également sur les parents via une circulaire du Garde des Sceaux qui les menace de peines allant jusqu’à 2 ans de prisons et 35000 euros d’amende. Notre jeunesse connaît la police et la justice, tout comme elle connaît le destin que lui prépare cette société coloniale violente aux prises avec les angoisses de sa propre fin. Les policiers constituent le contact le plus direct avec l’ensemble du dispositif répressif du racisme d’État français, et l’expression quotidienne de la guerre coloniale menée par leur institution contre les nôtres. Ils sont la manifestation la plus évidente que le maintien du « calme » et de la « paix » signifie le maintien d’un ordre faisant d’eux et de leurs parents des citoyens de seconde zone. A quoi il faut ajouter l’administration pénitentiaire. Comment va se passer l’été dans les prisons françaises déjà surpeuplées ?
Si cette répression tous azimuts révèle combien cette jeunesse a impressionné l’État français, il est certain que les organisations blanches le sont aussi car elles ont vu précisément cet État vaciller, même temporairement. Elles ont dû également répondre à ce repositionnement central de la question raciale. On ne peut que se féliciter que certaines d’entre elles se soient refusées à appeler au calme, sans se faire d’illusions sur le véritable protagoniste du changement qui s’impose : nous-mêmes. Nous n’avons pas à attendre que les déclinaisons les moins racistes de la suprématie blanche formulent nos revendications. Les représentants de la classe politique dominante, de droite comme de gauche, ont bien trop à perdre à délaisser des privilèges leur permettant de s’ériger en représentants de populations n’ayant pas droit à la parole, si ce n’est par l’intermédiaire de passeurs indigènes. Seul le rapport de force imposé, avant tout par notre puissance propre, celle exprimée aujourd’hui par notre jeunesse en soulèvement, tout comme par nos réseaux économiques, associatifs et militants permettra de faire avancer un changement significatif pour les nôtres.
Il n’y a pas d’autre voie que la puissance indigène. Sa construction doit redevenir le centre de nos préoccupations, en symbiose avec celles de notre jeunesse. C’est cette puissance, combattue sur tous les fronts au nom de la lutte contre la « délinquance », l’« immigration illégale », le « communautarisme », l’ « islamisme » ou le « terrorisme », qui est la voie du renversement de la domination raciale. Cette puissance est combattue au premier signe d’organisation collective autonome de la part des groupes pratiquant les solidarités internationales, tiers-mondistes, oummatiques ou panafricanistes. C’est elle qu’il est de la responsabilité des amis de notre camp de soutenir pleinement et entièrement. Il n’y a aucune dignité à offrir la paix à un ordre pourrissant.
Pour cela, avant toute prétention de s’ériger en interprète ou représentant de cette nouvelle génération, notre camp doit manifester sa disponibilité à construire l’expression politique de la puissance de cette révolte avec elle. Cela passe par un soutien à notre jeunesse révoltée, leurs parents et nos familles qui font face à la répression de l’État, qui va fragiliser plus encore leurs vies par une pauvreté grandissante, un chômage programmé, une scolarité dévalorisée et empêchée et des conditions de logement indignes. Et cela passe par le renforcement de l’organisation autonome de l’immigration post-coloniale.
Soutenir cette révolte contre l’ordre racial suppose le combat pour l’amnistie immédiate des inculpés, la reconnaissance de la responsabilité morale et financière de l’État dans les destructions des biens, et donc l’octroi d’une indemnisation totale. Les seuls responsables de « casse » sont ceux qui ont détruit les services qui maintenaient l’illusion d’un contrat social entre la communauté dominante et les peuples issus de l’immigration post-coloniale, et qui ont fait de la lutte contre la délinquance, contre le communautarisme, et contre l’immigration un enjeu de civilisation.
Les forces de police doivent être de toute urgence dépouillées de tous les moyens financiers et matériels qui leur permettent de tuer les nôtres en toute impunité. Face à un État dont l’autoritarisme raciste ne cesse de s’approfondir, il faut abolir les lois répressives, islamophobes et antiterroristes qui autorisent toutes les violences contre les nôtres, et les jettent dans les filets du racisme d’État et de la machine judiciaire et carcérale. Les budgets sécuritaires doivent être drastiquement réduits, les brigades criminelles dissoutes et les policiers désarmés. L’État français trouve toujours plus d’argent pour armer nos assassins, construire nos prisons et refouler nos familles aux frontières. Cet argent trouvera une bien plus grande utilité ailleurs.
Le programme que nous aurons à construire ensemble doit être basé sur nos intérêts objectifs. Dès à présent, nous pouvons poser un certain nombre d’exigences, des plus immédiates au plus long terme :
- Amnistie générale pour tous les révoltés. Soutien actif aux familles;
- Soutien aux populations déshéritées des quartiers indigènes, et avec celles et ceux dont les biens ont été endommagés ou détruits;
- Indemnisation totale et sans délai des préjudices par l’État, responsable de la situation;
- Abolition du contrôle policier et de la loi de « Sécurité Publique » de 2017 autorisant les policiers à faire usage de leur arme à feu sans craindre d’être inquiétés par la Justice;
- Désarmement de la police, réduction drastique des dépenses sécuritaires, et de l’ensemble de la chaîne pénale et carcérale gardienne de l’ordre raciste;
- Abolition des lois répressives, islamophobes et antiterroristes.
Justice pour Nahel Merzouk, Alhoussein Camara, Amine Bentounsi, Wissam El Yamni, Adama Traoré, Lamine Dieng, Lahoucine Ait Oumghar, Angelo Garand, Sabri Chouhbi, Ibrahima Bah, Gaye Camara, Babacar Gueye, Zyed Benna, Bouna Traoré et tous nos autres frères tués par la police !
PIR