L’« État de Palestine » réellement existant

Hashem Abushama est écrivain et professeur associé à la School of Geography and the Environment de l’Université d’Oxford. Ses écrits ont été publiés dans Transactions of the Institute of British Geographers, Annals of the American Association of Geographers, Soundings et le Jerusalem Quarterly. Une première version de ce texte a paru en arabe dans la revue en ligne Sifr. La version anglaise est à paraître dans la revue Radical philosophy.

Figure 1. Un artiste palestinien écrit sur un mur d’une rue de Ramallah : « Comme tu le sais, la géographie a changé avec Oslo. Mais n’empêche : “vis comme un porc-épic et combats comme une puce.” » La citation provient d’un texte du révolutionnaire et martyr palestinien, Basil al-Araj, qui fut assassiné par l’armée israélienne en 2017. (1)

Il existe un « État de Palestine ». Il a un hymne et un drapeau. Il possède plusieurs prisons, dont certaines sont tristement célèbres pour la torture (2). Il a un président, élu pour la dernière fois en 2005 et qui reste illégitimement au pouvoir à ce jour. Il a un Conseil législatif, bien que celui-ci ait été démantelé par décret exécutif. Ses Forces de sécurité nationale, qui comprennent la Police des frontières palestinienne, le Renseignement militaire, la Force militaire et l’unité d’élite de la Sécurité présidentielle, comptent environ 65 000 membres. C’est un État qui consacre l’essentiel de son budget aux forces de sécurité (3) — dans un contexte colonial d’occupation militaire active conçu pour priver les Palestiniens de leur sécurité, de leurs terres et de leurs moyens de subsistance. Il emploie 28 % de la main-d’œuvre salariée en Cisjordanie et dans la bande de Gaza (4). Il supervise le fonctionnement quotidien des écoles et des hôpitaux et paie leurs employés. En 2024, sa dette publique s’élevait à quatre milliards de dollars. Il dispose de missions diplomatiques aux Nations Unies et à travers le monde. Il jouit d’un statut d’observateur non-membre aux Nations Unies et est reconnu par 157 de ses 193 États membres. C’est un État dont la reconnaissance est promise pour demain, l’année prochaine, dans cinq ou vingt ans, sous condition qu’il remplisse certaines conditions et mette en œuvre certaines réformes. C’est un État que la Maison Blanche avait défini en 2019 comme « un futur État, actuellement inexistant, qui pourrait être reconnu par les États-Unis seulement si les critères décrits dans cette vision [le plan Trump Peace to Prosperity en 2020] sont respectés » (5). C’est « l’État de Palestine » réellement existant : réprimé et répressif ; en devenir, dans son état même d’attente perpétuelle ; et en devenir, dans une harmonie croissante avec les exigences de l’ordre impérialiste et colonial. C’est un État qui existe dans sa reconnaissance attendue.

Étant donné le retour d’un discours de reconnaissance de l’État palestinien — notamment de la part du Royaume-Uni, de la France et de l’Australie — comme solution au génocide colonial, il est important d’évaluer la position de « l’État de Palestine » dans sa forme actuelle, tel qu’il existe concrètement aujourd’hui. Par « l’État de Palestine », je désigne l’ensemble des institutions, des idées et des agents étatiques effectivement existants, qui se sont multipliés et développés autour de la revendication d’un État palestinien. Il ne s’agit ni de nier le manque de souveraineté et de contiguïté territoriale — éléments cruciaux de l’État — ni de négliger les dépendances constitutives et apparentes d’un tel « État » à l’égard du colonialisme israélien. Il s’agit plutôt d’examiner les formes dominantes de construction étatique palestinienne qui ont émergé dans des conditions aussi extrêmes de dépossession et d’expansion coloniales. Les enjeux politiques d’une telle analyse sont importants : 1) distinguer « l’État de Palestine » réellement existant comme une configuration historique actuellement dominante (iteration) parmi de multiples imaginaires palestiniens de l’État et de la libération, dont beaucoup sont d’orientation nettement plus progressiste ; 2) évaluer concrètement comment ces institutions étatiques ont réussi à se maintenir par une série de mécanismes coercitifs et de fabrique du consentement, malgré leurs dépendances et déficiences structurelles ; et, point important, 3) identifier comment les forces anticoloniales en Palestine continuent de résister et d’exposer les limites de cet « État de Palestine » réellement existant.

Les Accords d’Oslo, signés entre l’Organisation de libération de la Palestine et le gouvernement colonial israélien en 1993 et 1995, fonctionnent comme le cadre directeur de cet État. Les accords ont cristallisé un ensemble de rapports économiques, politiques et sociaux qui ont délimité et encadré le champ même de la lutte politique palestinienne, aussi bien en Palestine historique que dans la diaspora. Ils sont largement basés sur les principes énoncés dans les Résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité de 1967. Les accords n’ont discuté que des territoires qu’Israël avait occupés en 1967 (Jérusalem-Est, la Cisjordanie et la bande de Gaza, qui constituent 22 % de la Palestine historique) comme géographie potentielle d’un État palestinien. Ce faisant, ils ont occulté les deux millions de Palestiniens qui vivent dans les territoires qu’Israël avait occupés en 1948 (c’est-à-dire les 78 % restants de la Palestine historique) et les ont relégués à un statut minoritaire (c’est-à-dire une minorité « arabo-israélienne ») au sein de l’État israélien. Cela a servi à normaliser l’occupation de la Palestine par Israël en 1948 comme légitime (d’où la désignation trompeuse « Israël proprement dit » (Israel proper) ou « Israël dans ses frontières reconnues de 48 ») et son occupation de 1967 comme « exceptionnelle ». 1967 fut un moment significatif pour Israël : il a permis d’élaborer un discours sur la géographie qui redéfinissait son occupation de la Palestine historique en 1948 comme légitime par opposition à ses colonies « exceptionnelles » dans les « Territoires occupés » de 1967. Dans cet équilibre entre légalité et illégalité, la colonie en Cisjordanie normalise la ville-colonie de Tel-Aviv. Les accords consacrent ce discours, qui a concrètement fragmenté le corps politique national palestinien (Palestinian national polity) et approfondi la division entre les différentes géographies palestiniennes. Tel est le caractère racial et ségrégationniste de la solution à deux États, qui a désintégré le corps politique national palestinien et favorisé l’expansion coloniale.

Comme j’espère le montrer, les Accords ont élaboré une conjoncture animée par une contradiction organique : celle d’un projet de construction d’un État-nation palestinien d’inspiration néolibérale, poursuivi à l’intérieur même du cadre d’une conquête coloniale de la Palestine qui ne cesse de s’étendre. La contradiction organique fait référence à l’incapacité répétée — voire à l’échec — du sionisme à achever de manière définitive sa conquête de la Palestine, une contradiction exposée aux fluctuations politiques, sociales et économiques de chaque conjoncture historique (6). Les Accords, de façon conjointe avec le prétendu « plan de désengagement de Gaza » de 2005, sont devenus des points de condensation où se sont articulées la montée de l’extrême droite sioniste et la recomposition des forces anticoloniales palestiniennes.

De ce point de vue, la récente promesse de certains pays européens et anglo-américains, dont l’Espagne, la France, le Canada et le Royaume-Uni, de reconnaître « l’État de Palestine » réellement existant est sûrement une tentative désespérée de maintenir le statu quo colonial (7). En nourrissant ces institutions sans aborder la question coloniale, les accords ont offert un cadre sans précédent pour intervenir culturellement, socialement et politiquement dans la société palestinienne, dans le double but d’entraver les forces anticoloniales palestiniennes et de « remodeler la conscience palestinienne » (8). La reconnaissance, en ce sens, ne fait pas que maintenir le statu quo colonial, mais sert à ajuster davantage les aspirations à l’État palestinien aux exigences de l’impérialisme américain et du colonialisme israélien. Elle vise également à absorber les énergies et passions véritablement anticoloniales qui ont émergé dans le monde entier pour exiger la fin de la domination coloniale d’Israël et la délégitimation et le démantèlement du sionisme en tant qu’idéologie génocidaire.

« Conversations entre le sabre et la nuque »

Figure 2. ‘D’une scène anormale.’ Huile et bandage sur tissu. Par l’artiste palestinien, Al Aziz ‘Aatef. (9)

Al Aziz ‘Aatef décrit visuellement les horreurs du génocide comme une scène anormale. Des fils de bandage tissent ensemble une mer, uniquement pour en souligner les innombrables blessures. Une terre entière enveloppée de bandages finement cousus. Les « lignes coloniales » entre la Palestine historique et la géographie de la bande de Gaza sont délimitées par des intensités différenciées de bandages, de blessures. Ce ne fut jamais une « invasion », mais une évasion de prison, un retour. C’est une scène anormale mais profondément historique, couches sur couches de dépossession. L’objectif du génocide est de déposséder, de transférer et de discipliner. Face à la résistance et à la persévérance des Palestiniens à Gaza et au resserrement du blocus sous génocide avec la complicité des régimes arabes voisins tels que l’Égypte, ce projet de dépossession totale a échoué. En dépit de l’insistance génocidaire implacable du sionisme, l’alternative désormais envisagée, d’une proposition de cessez-le-feu à l’autre, est de discipliner Gaza en un territoire soumis à une version remaniée de la paix néolibérale, qui laisse intacte la question coloniale et reproduit organiquement sa ségrégation géographique d’avec la Cisjordanie.

En effet, le dernier Plan Trump en vingt points suggère que « Gaza sera gouvernée sous la gouvernance transitoire temporaire d’un comité palestinien technocratique et apolitique, responsable de l’exécution quotidienne des services publics et des municipalités pour la population de Gaza » (10). Le plan précise ensuite que ce comité doit rendre compte à un « Conseil de la Paix » (Board of Peace), un organisme transnational composé d’intérêts politiques et commerciaux du monde entier, dirigé par le président américain Donald Trump. Cette étape transitoire, nous dit-on au point numéro 9, gérera le « redéveloppement de Gaza » jusqu’à ce que l’Autorité palestinienne ait achevé « son programme de réformes ». Bien que le plan soit conçu pour ramener de force Gaza dans l’orbite directe du contrôle impérialiste américain, il pourrait ne pas conduire en réalité à ce que la bande de Gaza soit finalement gérée par l’Autorité palestinienne au lendemain de la phase transitoire. Comme le démontrent les Accords d’Oslo, les plans transitoires élaborés dans des conditions de domination coloniale constituent des outils efficaces d’évasion et de ruse ; les accords étaient censés durer cinq ans et nous voici trente-deux ans plus tard. Le rejet pur et simple par les États-Unis et Israël d’un État palestinien sur quelque terre que ce soit au sein de la Palestine historique et le contexte géopolitique actuel où les deux demeurent sans contre-pouvoir dans leur terreur, ont des conséquences. Une issue possible de ce plan transitoire est la séparation administrative complète de la bande de Gaza et de la Cisjordanie et l’élaboration d’une nouvelle architecture de contrôle palestinien, financée internationalement, qui ancrerait davantage encore la séparation des deux territoires.

Le plan prévoit que Gaza sera replacée sous le contrôle de l’Autorité palestinienne une fois que cette dernière aura achevé son « programme de réformes ». Ce faisant, il met en évidence la manière dont les « politiques coloniales de reconnaissance » travaillent de concert avec la violence génocidaire pour renforcer les structures coloniales de dépossession et de fragmentation. Écrivant sur le colonialisme de peuplement au Canada, Glen Coulthard (2014, 6) nous rappelle que le nationalisme anticolonial autochtone a vu le pouvoir colonial transformer son mode opératoire : passant d’un mode « principalement fondé sur des politiques, techniques et idéologies explicitement orientées autour du couple génocidaire exclusion/assimilation, à un mode qui s’effectue et se reproduit désormais à travers un ensemble de discours et de pratiques institutionnelles apparemment plus conciliants qui mettent l’accent sur notre reconnaissance et notre accommodement (accommodation) ». Cette reconnaissance n’abolit pas la domination coloniale mais travaille à la renforcer. C’est une conversation entre le sabre et la nuque, comme l’avait dit Ghassan Kanafani. Pour la Palestine, Israël – en tant que colonie qui n’a pas réussi à atteindre une majorité démographique de colons – reste trop anxieux existentiellement pour viser la reconnaissance libérale de tous les Palestiniens à travers la Palestine historique. Dans ce contexte différent, la « politique coloniale de reconnaissance » ne constitue pas un tournant hors du génocide. Elle fonctionne plutôt de pair avec une structure de violence, d’occupation militaire et de génocide afin de favoriser la poussée de l’expansion coloniale (colonial frontiering).

En ce sens, il faut voir l’État de Palestine réellement existant — que le dernier plan identifie à l’Autorité palestinienne — non comme une entité figée, mais comme un ensemble d’institutions, de pratiques et d’agents étatiques, constamment reconfiguré par les aléas de la lutte anticoloniale palestinienne contre le colonialisme israélien. La genèse de cet État de Palestine réellement existant réside dans les contradictions auxquelles fut confrontée, à la fin des années 1980, l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) alors dominée par le Fatah. Ayant été chassée de force de Jordanie, puis du Liban et de Tunisie, la direction de l’OLP a jugé nécessaire d’établir un noyau territorial en Palestine. Cette revendication d’un État fut encouragée — et instrumentalisée — par les énergies nationales-populaires authentiques de la première Intifada de 1987. L’Intifada porta un coup sévère aux architectures du pouvoir colonial d’Israël en Palestine. Cette dissidence anticoloniale était en contradiction aiguë avec la néolibéralisation intensifiée de l’économie israélienne et ses besoins associés de s’ouvrir aux marchés mondiaux, de conclure des accords de libre-échange et de faciliter les voies de circulation du capital (11). Comme l’a noté Shir Hever, lors des premières négociations d’Oslo, Shimon Peres avait intégré à l’équipe de négociation des représentants des milieux d’affaires israéliens (12), qui espéraient utiliser les accords pour neutraliser les « capacités perturbatrices » de la résistance anticoloniale palestinienne. Israël n’était pas seul dans cette vague fondatrice du capitalisme néolibéral, dont l’orientation était déjà mondiale. Avec la chute de l’Union soviétique et la fin de la Guerre froide, le capitalisme néolibéral a offert aux blocs dirigeants des centres impérialistes et coloniaux à la fois les instruments matériels et les outils idéologiques nécessaires pour revenir sur les victoires des mouvements anticoloniaux et socialistes progressistes à travers le monde.

De nombreux mouvements anticoloniaux ont ainsi été progressivement pacifiés par la « politique coloniale de reconnaissance » (13). Cette politique élabore toute une gamme de canaux juridiques et diplomatiques pour absorber, liquider, domestiquer ou annuler les revendications indigènes d’autodétermination. Son fondement matérialiste résidait dans l’idéologie du libre marché et les Programmes d’Ajustement Structurel soutenus et garantis par la domination impérialiste américaine — à la fois par la guerre et par la « terreur financière » (via la Banque mondiale et le Fonds monétaire international) (14). En Afrique du Sud, cela signifia la fin formelle de l’apartheid en 1994 sans la mise en œuvre de véritables programmes de redistribution des terres capables de démanteler les inégalités enracinées par des décennies d’accumulation coloniale et raciale (15). En Irlande du Nord, cela prit la forme de l’Accord du Vendredi saint, qui imposa également une démilitarisation tout en reportant à plus tard la question de la redistribution des terres et de l’unification de l’Irlande (16). En Palestine, ce fut la signature des Accords de paix d’Oslo entre l’Organisation de libération de la Palestine et l’État colonisateur israélien. Les accords furent suivis par le Protocole de Paris sur les relations économiques (17), qui donne à Israël le contrôle total des recettes fiscales et des ports d’entrée et de sortie. Chacun à leur manière, ces accords ont offert un cadre néolibéral favorable à la convergence des forces capitalistes et des forces coloniales, au bénéfice des groupes de colons dominants. Ils ont également ouvert une brèche juridique permettant aux partis dominants issus de la conjoncture révolutionnaire des années 1960-1980 de piloter des projets distincts de construction étatique. Ainsi, contrairement à la croyance dominante selon laquelle l’Afrique du Sud contemporaine ou l’Irlande du Nord seraient les modèles d’une future Palestine libre, ces trois géographies représentent en réalité trois déclinaisons d’une même solution néolibérale à des structures coloniales profondément enracinées.

Les Accords d’Oslo ont donc fourni un cadre pour la continuité des forces néolibérales et coloniales, devenues à leur tour les limites qui conditionnent l’État de Palestine réellement existant. La direction formelle palestinienne n’a pas été simplement dupée à l’époque. Dans le contexte mondial étouffant pour toute dissidence anticoloniale — la guerre du Golfe, les effets délétères du soutien de Yasser Arafat à l’invasion du Koweït par l’Irak, et la fin de la guerre froide —, l’OLP a cherché de façon opportuniste une issue à travers ces accords. Elle aspirait à lancer son projet de construction d’un État-nation. À cette époque, l’OLP était déjà dominée par des forces politiques moins progressistes qui avaient abandonné un programme plus complet de libération sociale, économique et politique. Le Fatah — le parti dominant au sein de l’OLP — en est venu progressivement à représenter les intérêts du capital palestinien de la diaspora et les éléments réactionnaires de la petite bourgeoisie palestinienne. Il est révélateur que les accords aient permis à un nombre limité de Palestiniens de revenir (estimé entre 40 000 et 100 000), dont beaucoup étaient dotés des compétences et du capital nécessaires pour lancer l’économie palestinienne « naissante » (18). Les fidèles d’Oslo soutiennent encore aujourd’hui que ce fut le premier « retour » réel en Palestine de Palestiniens déplacés. Dominée par un parti unique, l’OLP — déjà dotée d’un discours de légitimation fondée sur le sacrifice et la résistance armée révolutionnaire — s’est considérée comme la seule représentante légitime du peuple palestinien. La vision était celle d’un régime fort à parti unique, dirigé par un leader charismatique et populiste, destiné à incarner le projet national-étatique — sort ironique que la Palestine partage avec bien d’autres contextes postcoloniaux, à la différence près qu’elle fait face à un projet colonial actif de peuplement. (19)

Les accords ne furent donc pas un commencement, mais un nœud critique dans un processus graduel d’harmonisation entre, d’une part, la direction dominante de l’OLP, la bourgeoisie palestinienne dispersée dans le monde et ses aspirations au développement capitaliste national, le bloc dirigeant réactionnaire des pays arabes voisins (où se sont formés certains des courants les plus puissants du capital palestinien), et, d’autre part, l’impérialisme américain et le colonialisme de peuplement israélien. Mais la dominance progressive de cette tendance réformiste ne s’est pas faite sans résistances. Dès les années 1970, de nombreux intellectuels et artistes palestiniens étaient parfaitement conscients du danger imminent des négociations dans un contexte d’expansion coloniale constante et de refus de l’autodétermination palestinienne. Dans une interview tristement célèbre, Kanafani avait appelé cela la « négociation entre le sabre et la nuque » (20). Naji al-‘Ali a produit dans les années 1980 de nombreuses carricatures politiques dénonçant l’attitude défaitiste et opportuniste de la direction palestinienne formelle — ce qui lui coûta la vie (21). Ghaleb Helsa a écrit, à la fin des années 1980, sur l’expulsion systématique des intellectuels organiques palestiniens des rangs de l’OLP et sa métamorphose en un régime à parti unique (le Fatah) (22). Émergeant au milieu des années 1980 dans un contexte marqué par le déclin du nationalisme panarabe, par la conjoncture post-révolution iranienne et par l’entrée du capitalisme dans une phase particulièrement désintégratrice, le Hamas — comme nous le verrons — a connu une trajectoire contradictoire vis-à-vis des négociations, puisqu’il a rejeté, dans l’ensemble, la logique réformiste de ces négociations inégales avec le régime colonial.

Contradictions conjoncturelles

Figure 3. Guérir la nation. Huile et bandage sur tissu. Par l’artiste palestinien, Al Aziz ‘Aatef.

Ainsi, les Accords d’Oslo ont cristallisé un ensemble de relations économiques, politiques et sociales qui ont limité et conditionné le terrain de la lutte politique pour les Palestiniens, à travers la Palestine historique et dans la diaspora. Cela ne signifie pas que les Palestiniens, où qu’ils soient, suivent automatiquement les injonctions historiques des accords ; cela signifie simplement que ces accords ont articulé un ensemble de forces matérielles dont il faut désormais tenir compte — autrement dit, qu’il faut négocier, subvertir, renverser ou affronter — à travers les différentes échelles des moyens de subsistance de la vie palestinienne. En Cisjordanie et dans la bande de Gaza, ils ont permis à l’Autorité palestinienne — c’est-à-dire l’organe gouvernemental de « l’État de Palestine » réellement existant — de recruter une base sociale limitée pour ses opérations. Cette base comprend des éléments de la bourgeoisie palestinienne, attirés par les perspectives financières d’un « marché libre ». En outre, 28 % de la main-d’œuvre palestinienne en Cisjordanie (681 000 au total) se trouve employée par le secteur public de l’Autorité palestinienne (23). Cela ne fait pas automatiquement d’eux une partie de sa base sociale, mais cela signifie qu’ils y sont liés par le salaire et ses mécanismes associés de discipline et de gestion. En Palestine, le salaire constitue un terrain permanent de spéculation, en raison de ses fluctuations. Par exemple, depuis le début du génocide, le gouvernement israélien a retenu les recettes fiscales qu’il est censé transférer à l’AP, conformément au Protocole de Paris. Au premier semestre 2024, Israël a retenu 1,8 milliard de shekels de recettes de dédouanement (ou recettes fiscales de transfert) dues à l’Autorité palestinienne (24). Cela signifie que les Palestiniens ordinaires qui sont des employés publics ne reçoivent que 30 % à 70 % de leurs salaires réels. Cela signifie également qu’Israël peut « négocier » sur les revenus qu’il détient, faisant pression sur l’Autorité palestinienne pour plus de compromis — notamment dans la coordination sécuritaire et dans la rétention des salaires des familles palestiniennes de martyrs et de prisonniers comme forme de punition.

C’est là le contenu réel de la dépendance structurelle de l’Autorité palestinienne vis-à-vis du colonialisme israélien, ce qui rend la première extrêmement vulnérable aux capacités de conditionnement du second. Elle est fondée sur ce que Cavallero et Gago (2021, 13) appellent la « terreur financière », qui « prend en otage le désir de transformation : elle produit une terreur psychologique qui consiste à nous forcer à vouloir seulement que les choses ne s’aggravent pas ». La terreur financière explique la relation qui unit, d’une part, la dette publique, et d’autre part les dictatures militaires, les occupations, l’apartheid et la colonisation. Elle nous rappelle que les colonisateurs ont souvent tissé des outils et des mécanismes financiers destinés à faire supporter les coûts de la colonisation aux colonisés eux-mêmes.

Dans la conjoncture d’Oslo, le salaire — déjà un signe historique de dépossession des personnes de leurs terres et de leur dépendance à une relation extractive — fait partie intégrante du processus colonial d’appauvrissement et de discipline. En raison de la « restructuration néolibérale » (25) des économies israélienne et palestinienne, et des moyens profondément violents par lesquels ses coûts sont répercutés sur les Palestiniens, la dévaluation du salaire a généralisé l’endettement à travers la Palestine comme une condition chronique (26). En cela, les Palestiniens partagent le sort de nombreux autres dans le monde dont les vies ont été dévastées par la « terreur financière » déchainée par les dispositifs néolibéraux maintenus par les guerres et les plans financiers dictés par les institutions internationales dirigées par les États-Unis (27). Les Accords d’Oslo ont institutionnalisé une « restructuration néolibérale » qui a rendu structurellement dépendante la construction étatique palestinienne à l’égard de l’aide internationale, de l’austérité fiscale croissante et de la montée d’une classe limitée de nouvelles élites prédatrices entretenant de forts liens avec l’Autorité palestinienne et les intérêts économiques israéliens. La dette est le coût de ces changements fondamentaux dont le fardeau se répercute sur les épaules des Palestiniens dépossédés. Et la dette est aussi une affaire de discipline : être poursuivi par les tribunaux et les forces de l’Autorité palestinienne pour défaut de remboursement ou pour chèque sans provision. La dette est ce que les Palestiniens de Gaza contractent pour survivre après la destruction systématique de leurs maisons, de leurs terres et de leurs moyens de subsistance, des boulangeries jusqu’aux hôpitaux. C’est ce qu’ils doivent endurer au cœur de la famine orchestrée et de la rareté des biens essentiels. C’est ce qu’ils devront contracter encore pour financer la « reconstruction ». La dette est une forme sociale du système colonial, qui dépouille les colonisés avant de les punir pour le simple fait de vivre. La dette est, à vrai dire, une caractéristique essentielle de « l’État de Palestine » réellement existant.

Liés par des prêts contractés auprès des banques palestiniennes, de nombreux travailleurs de Cisjordanie désormais au chômage ont été poursuivis par les tribunaux et les forces de l’Autorité palestinienne pour « rembourser » leur « dette ». Le salaire est un instrument de violence coloniale. Avant le génocide, le nombre de travailleurs palestiniens employés en Israël est passé de 78 000 en 2010 à 173 000 en 2022 (28). Les travailleurs palestiniens employés à l’intérieur de la Ligne verte coloniale et dans les colonies sont systématiquement exclus de toute protection juridique, a fortiori syndicale. Ils sont régulièrement soumis au vol de salaire, aux frais de permis de travail et aux frais de commissions intermédiaires. Ils sont pourchassés aux checkpoints, gazés, parfois atteints par des balles en caoutchouc ou réelles, humiliés sur leurs lieux de travail, et pris en otage par les procédures bureaucratiques et juridiques israéliennes nécessaires pour obtenir le permis leur permettant de rentrer chez eux à la fin de leur journée, de leur semaine ou de leur mois. Depuis le début du génocide, la plupart des travailleurs palestiniens se sont vu interdire l’entrée de leurs lieux de travail, ce qui revient, dans la plupart des cas, à les laisser au chômage ou à les mettre en danger de mort lorsqu’ils cherchent des moyens alternatifs — comme escalader le mur d’apartheid — pour se rendre à leur travail. De nombreux travailleurs palestiniens de Gaza ont été enlevés, arrêtés ou ont disparu depuis le début du génocide. Au fil des décennies, l’État colonial a simultanément cherché à réduire sa propre dépendance à la main-d’œuvre palestinienne, tout en assurant l’inverse : la dépendance des Palestiniens à l’emploi israélien, pour lequel il faut obtenir une autorisation de sécurité.

De plus, l’Autorité palestinienne compte également plus de 65 000 travailleurs dans le secteur de la sécurité en Cisjordanie, formés directement et indirectement par les forces militaires américaines (29). Bien que l’Autorité n’ait plus de rôle de gouvernement direct dans la bande de Gaza depuis 2007, elle continue d’y verser les salaires de nombreux fonctionnaires « fantômes » (absentee) (30). Alors que certains des travailleurs de la sécurité accèdent à un statut de classe moyenne grâce à leur formation et à leur emploi militaires, beaucoup sont recrutés parmi les plus pauvres, tombés en marge du système de classes, dans les villes, les villages et les camps de réfugiés. Ils constituent une force importante qui est devenue beaucoup plus coercitive et offensive dans son ciblage de la résistance anticoloniale palestinienne. Comme l’Autorité palestinienne reste à la fois incapable de réaliser ses aspirations à l’État et structurellement dépendante du colonialisme israélien, elle devient de plus en plus dépendante des capacités coercitives de ses forces de sécurité. En effet, beaucoup d’efforts idéologiques ont été déployés pour transformer les Palestiniens appauvris par le colonialisme en un bras de facto du colonialisme de peuplement israélien. Cette ingénierie comprend l’aide et le financement sécuritaires de l’Union européenne et des États-Unis ; la gestion de la « modernisation » et de la « professionnalisation » des forces de sécurité palestiniennes par des généraux de l’armée américaine (31) ; le transfert de savoir-faire depuis les appareils sécuritaires voisins, notamment jordanien et égyptien, où règnent des niveaux extrêmes de surveillance, de censure et de répression ; et tout un ensemble de tactiques paternalistes et clientélistes destinées à entretenir la loyauté des agents de sécurité. C’est une variation de ce même « dispositif sécuritaire » que les États-Unis, les régimes arabes et l’Autorité palestinienne proposent aujourd’hui pour la bande de Gaza.

Mais l’Autorité palestinienne n’est pas la seule caractéristique déterminante de la conjoncture d’Oslo. Par conjoncture, j’entends la « condensation des contradictions », comme le dirait Stuart Hall, issue de la signature des Accords d’Oslo. Une « conjoncture », rappelle Stuart Hall (1990, p. 130), n’est pas une simple « tranche de temps , mais ne peut être définie que par l’accumulation / condensation des contradictions, par la fusion — pour reprendre les termes de Lénine — de “courants et de circonstances différents” ». Il est important de noter que cette « accumulation de contradictions » ne renvoie pas simplement à une « superposition » des forces présentes à un certain moment historique, se limitant à pointer leur « complexité ». Elle nomme plutôt les hiérarchies produites par et parmi les relations et forces sociales, économiques, culturelles et politiques présentes à un certain moment. Les enjeux politiques sont donc au centre de toute analyse conjoncturelle, car elle examine les relations inégales qui régissent les interactions entre les différents groupes sociaux et les tensions politiques qui émergent de ces hiérarchies, avec une attention particulière aux failles et fissures qu’il est possible d’exploiter pour transformer le système social.

Comme toute conjoncture voit le déclin de certaines relations et l’émergence d’autres, il vaut la peine de décrire — même de façon sommaire — le réalignement conjoncturel des forces politiques au sein des scènes palestinienne et israélienne, et ses implications pour « l’État de Palestine » réellement existant. Les Accords d’Oslo sont devenus un point de condensation où s’articulent des énergies et des passions anticoloniales palestiniennes. En ce sens, il est essentiel de distinguer entre l’« État de Palestine » réellement existant, décrit plus haut, et l’héritage riche d’une lutte palestinienne pour des formes d’édification étatique plus émancipatrices, fondées sur des imaginaires anticoloniaux, anticapitalistes et socialement progressistes. L’effondrement idéologique de la longue lutte de libération palestinienne, à travers ses diverses géographies, dans un projet d’État-nation néolibéral bien défini, constitue l’une des conséquences les plus désastreuses des Accords d’Oslo. Dirigé par la bourgeoisie nationale palestinienne et orienté vers la consolidation de ses intérêts, ce projet vise à capturer et à aplatir la politique anticoloniale palestinienne. En d’autres termes, « l’État de Palestine » réellement existant n’est qu’une formation historique contingente qui peut — et doit — être réarticulée à des fins plus émancipatrices.

Il existe tout un spectre d’imaginaires palestiniens de la libération. Même au sein de l’Organisation de libération de la Palestine, il a existé des imaginaires étatiques qui diffèrent radicalement de celui précipité par les accords d’Oslo. Cela inclut la vision de 1971 (32), lors de la huitième session du Conseil national palestinien qui a adopté à l’unanimité une résolution déclarant : « La lutte armée du peuple palestinien n’est pas une lutte raciale ou religieuse dirigée contre les Juifs. C’est pourquoi l’État futur qui sera établi en Palestine, libéré de l’impérialisme sioniste, sera un État palestinien démocratique. Tous ceux qui le souhaiteront pourront y vivre en paix, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs. » (33) De façon décisive, la résolution identifiait également l’alliance entre « l’impérialisme mondial », « l’impérialisme sioniste » et « les forces antirévolutionnaires dans la patrie arabe » comme des obstacles à la révolution palestinienne. Elle plaidait pour une lutte internationaliste positionnant clairement la révolution palestinienne aux côtés « de toutes les forces qui combattent l’impérialisme, le colonialisme, l’oppression, le racisme et l’exploitation, et mobilisant à nos côtés toutes les forces de la justice, de la libération et de la paix dans le monde ». On peut également relire les écrits de Ghassan Kanafani issus de cette conjoncture, dans lesquels il affirmait que l’État palestinien ne saurait exister sans vaincre les structures de l’impérialisme américain dans la région, les régimes arabes dictatoriaux et les forces sociales régressives à l’intérieur même de la Palestine (34). Le sionisme est comme un checkpoint, un obstacle dressé devant l’émergence de démocraties populaires et authentiques dans la région. La libération palestinienne, elle, constitue un point nodal décisif d’une lutte anti-impérialiste plus vaste, à l’échelle régionale et mondiale.

Ces imaginaires de libération ne constituent pas simplement une archive d’un passé révolu, susceptible de nous aider, analytiquement et politiquement, à dépasser l’impasse des accords d’Oslo. Ils représentent une force concrète, souterraine, qui se fait encore sentir sur différents fronts de la société palestinienne — dans les syndicats étudiants, les mouvements de jeunesse, les organisations culturelles et, de manière cruciale, dans le mouvement des prisonniers politiques. Ils sont souterrains parce qu’ils sont systématiquement contraints, emprisonnés, mutilés et assassinés à la fois par le régime colonial israélien et par les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne. Ils sont également souterrains en raison des échecs de la gauche à se réorganiser après les années 1980, non seulement en Palestine, mais dans le monde entier.

En tant que mouvement et parti politique, le Hamas s’est d’abord constitué sur la scène palestinienne en s’opposant aux Accords d’Oslo, avant de mettre progressivement la main sur les institutions administratives de la bande de Gaza. Les Accords d’Oslo ont constitué un point de cristallisation de la contestation du mouvement islamique et, par extension, le lieu d’élaboration de son programme politique. Issu de la branche palestinienne des Frères musulmans, le Hamas fut fondé en 1987 dans la vague de la première Intifada. Nourri par sa contradiction fondatrice avec les échecs des nationalismes arabes laïcs, et porté par la montée régionale de l’islam politique dans une conjoncture en partie marquée par la révolution iranienne, le mouvement a formulé un programme politique et national à orientation islamiste, consacré à la lutte contre le colonialisme israélien. À la suite de l’horrible massacre de 29 Palestiniens par des colons israéliens dans la mosquée d’Ibrahim à Hébron en 1994, le Hamas a mené une série d’attaques armées contre l’armée et les colons israéliens.

La question de savoir s’il fallait ou non participer aux élections présidentielles et législatives rendues possibles par les Accords d’Oslo a été l’objet d’un débat constant au sein du Hamas. Alors que le mouvement avait décidé de ne pas participer aux premières élections palestiniennes en 1996, il a pris part et remporté les élections du Conseil législatif palestinien en 2006. La décennie séparant ces deux scrutins fut marquée par l’intensification de la résistance armée en Cisjordanie et à Gaza, par la montée de la seconde Intifada et par la dégradation des relations entre l’Autorité palestinienne et le Hamas. L’administration américaine de George W. Bush a aussi renforcé l’idée d’un « futur État palestinien » conditionné à la « réforme de l’Autorité palestinienne » (35). En jumelant la « démocratisation » impérialiste de l’Irak et celle de la Palestine, l’administration Bush imposa une restructuration majeure de l’Autorité palestinienne, qui vit Mahmoud Abbas — alors favorisé par les États-Unis et Israël par rapport à Yasser Arafat — accéder au poste de Premier ministre. Dans sa volonté de se conformer aux exigences américaines et israéliennes, Abbas est devenu un acteur clé de la transformation de l’Autorité palestinienne en bras disciplinaire du projet colonial israélien. En d’autres termes, on aperçoit déjà que les notions de « réforme » et de « restructuration » ne sont que des euphémismes pour désigner, en fait, un bricolage institutionnel permanent visant à protéger les intérêts américains et israéliens et à désintégrer la question nationale palestinienne.

Le Hamas a tiré une grande partie de sa popularité de son rejet de cette logique d’intégration réformiste. Il importe toutefois de rappeler, comme le montre Tariq Baconi (2018) dans son étude détaillée, que le mouvement a connu de nombreuses transformations depuis sa fondation. Sa participation aux élections de 2006 en est un exemple clair. La victoire électorale du Hamas a étiré les limites institutionnelles de l’Autorité palestinienne et mis à nu ses contradictions ; le mouvement tenta de « re-politiser l’Autorité palestinienne, en l’éloignant de son orientation administrative et de son zèle à s’appliquer à des négociations de paix sans fin » (Baconi, p.105). Mahmoud Abbas avait remporté les élections présidentielles de 2005, à la suite de la mort — ou de l’assassinat — de Yasser Arafat en 2004. La même année, Israël a conçu ce qu’il a faussement appelé un « plan de désengagement » unilatéral de la bande de Gaza. Bien qu’il fût présenté comme un signe de bonne volonté israélienne en faveur de la paix, ce plan fut le premier d’une série de dispositifs visant à assiéger la bande de Gaza, tandis que la majorité des colons évacués furent réimplantés en Cisjordanie. De manière surprenante, malgré son rejet du cadre des Accords d’Oslo, le Hamas décida de participer aux élections législatives palestiniennes de 2006, remportant la majorité des sièges. Le Fatah obtint environ 41 % des voix, tandis que le parti palestinien de gauche, le FPLP, en recueillit environ 4 %. Alors que les observateurs indépendants avaient confirmé la transparence du scrutin, Israël, les États-Unis et l’Union européenne imposèrent des sanctions à l’Autorité palestinienne, exigeant du gouvernement dirigé par le Hamas qu’il reconnaisse les accords de gouvernance entre Israël et l’OLP, qu’il reconnaisse l’État colonial d’Israël et qu’il renonce à la résistance armée. Ces exigences furent posées sans qu’aucune pression réelle ne soit exercée sur Israël pour démanteler son projet colonial à travers la Palestine. Parallèlement, Israël arrêta et assassina systématiquement des dirigeants et militants du Hamas.

Après une série d’affrontements armés meurtriers entre partisans du Fatah et du Hamas, qui ont coûté la vie à environ 300 Palestiniens, la division géographique entre une bande de Gaza dirigée par le Hamas et une Cisjordanie sous contrôle du Fatah, s’est trouvée renforcée en 2007. Les brigades al-Qassam du Hamas furent mobilisées pour écraser violemment les forces du Fatah, accusées d’avoir enlevé et exécuté ses membres. Le Hamas, de son côté, accusa le Fatah d’avoir perpétré des exécutions de sang-froid. Gaza a été soumis à un siège israélien brutal, tandis que la Cisjordanie est devenue le terrain d’expérimentation du projet d’État néolibéral de l’Autorité palestinienne. C’est alors que les forces de l’Autorité palestinienne sont devenues familièrement connues en Palestine sous le nom de « forces Dayton », en référence au général américain Keith Dayton, envoyé pour diriger le processus de « professionnalisation et de modernisation » de l’appareil militaire de l’Autorité (36). D’un côté, le conflit armé avec le Hamas a renforcé l’alliance de l’Autorité palestinienne avec l’impérialisme américain et le colonialisme israélien, tandis que le discours d’une Autorité « modernisée » et « réformée » a pu servir à réajuster agressivement ses institutions aux exigences coloniales et impériales. De l’autre, luttant pour financer les coûts administratifs de Gaza en plein blocus, le Hamas est devenu de plus en plus dépendant du soutien financier et militaire de l’Iran.

Pourtant, les Accords d’Oslo et le soi-disant plan de « désengagement » sont devenus des points de condensation où s’articulent l’extrême droite israélienne et sa soif insatiable de violence et d’expansion coloniales. Dans une étude remarquable sur l’ascension hégémonique de la nouvelle droite israélienne, Honaida Ghanim montre que cette montée découle de l’incapacité du sionisme libéral à « achever » sa conquête de la Palestine (37). Dès 1995, les forces d’extrême droite israéliennes ont marqué leur présence constitutive — déjà en marche depuis la victoire du Likoud en 1977 — en assassinant l’un des architectes des Accords, le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin. Ce fut aussi le moment où Ben Gvir, actuel ministre israélien de la Sécurité nationale, fit sa première apparition sur la scène politique. Trois semaines avant l’assassinat de Y. Rabin, Ben Gvir était apparu à la télévision israélienne brandissant un emblème Cadillac volé sur la voiture de Rabin et déclarant : « De la même manière que nous avons mis la main sur cet emblème, nous pouvons atteindre Rabin. » (38) Par une série de contestations et de confrontations avec les institutions libérales israéliennes, ces forces, combinées aux affaires de corruption et aux angoisses personnelles de Netanyahu, ont effectivement poussé le Likoud à former un bloc dirigeant avec les éléments les plus extrêmes de l’extrême droite. Couplée à la montée en puissance mondiale des droites extrêmes — notamment l’arrivée de Donald Trump à la tête de l’impérialisme américain —, cette combinaison de facteurs a permis aux forces sionistes d’extrême droite de s’emparer de l’appareil d’État israélien. Et l’objectif a toujours été le même : se débarrasser de tout Palestinien sur la terre de Palestine historique, afin d’achever une conquête prétendument « mandatée par Dieu ».

Il convient de noter que le sionisme libéral (Travailliste), le sionisme conservateur (Likoud) et le bloc sioniste religieux d’extrême droite convergent tous sur la colonisation de la Palestine, ne différant que par leurs moyens. Après tout, Rabin n’était pas seulement le signataire des Accords d’Oslo, mais aussi l’architecte des politiques brutales du « Poing de fer » (Iron fist) conçues pour écraser violemment la première Intifada (39). Il n’est donc pas surprenant que que beaucoup en Palestine et au-delà trouvent ces distinctions superficielles, les considérant toutes comme les faces d’une même pièce. Cependant, il demeure politiquement nécessaire de comprendre les différences, contingences et contradictions internes du sionisme et de sa violence coloniale. Car un examen attentif du mouvement historique du sionisme révèle ses dépendances et ses vulnérabilités face aux conditions géopolitiques et à la résistance palestinienne, et ainsi perturbe ses prétentions idéologiques à la permanence. C’est en mesurant les fissures, les failles et les tensions de ces mouvements historiques concrets que la résistance peut viser plus précisément le projet colonial sioniste.

Le génocide comme phénomène historique contingent

Figure 4. ‘Terre brûlée.’ Huile et bandage sur tissu. Par l’artiste palestinien, Al Aziz ‘Aatef.

Le génocide est une manifestation contingente et conjoncturelle d’une contradiction organique au cœur du sionisme : achever le projet de conquête qu’il a violemment inauguré en 1948 avec la dépossession de 750 000 Palestiniens et la destruction de plus de 450 villages palestiniens. C’est une politique généralisée de « terre brûlée », rendant impossible toute guérison ou réparation. Le sionisme n’a pas réglé de manière décisive sa conquête de la Palestine ; il demeure dans une angoisse existentielle constante. Il n’est pas étonnant que les sionistes commencent par demander une affirmation du droit à exister de leur État ; comme Fred Moten l’a dit un jour, « les États n’ont pas de droits et ne devraient pas en avoir » (40). Le souci même de ce « droit » nomme une angoisse constitutive. C’est cette angoisse qui a été mise à nu le 7 octobre. Et c’est cette même angoisse que le bloc d’extrême droite dirigé par Netanyahu exploite pour générer, en Israël et au-delà, un consentement à son projet génocidaire. Un tel édifice idéologique se manifeste sur plusieurs fronts et à travers divers sujets : allégations d’antisémitisme pour contrer toute protestation (même minime), récits non vérifiés et mensongers au sujet d’enfants décapités, ou encore affirmations historiquement inexactes établissant une continuité entre l’Holocauste et le 7 octobre. C’est ainsi que le sionisme a réussi pendant des décennies à faire proliférer des subjectivités idéologiques, des idées et des infrastructures qui déguisent sa colonisation active de la Palestine en apparente suppression d’un « terrorisme palestinien » « incompréhensible », « sanguinaire » et anhistorique. Le sionisme trouve alors un appui décisif dans le racisme et l’islamophobie exacerbés en Occident, surtout depuis le 11 septembre, qui lui ont permis de s’articuler aisément à des anxiétés locales, propres à diverses sociétés occidentales.

Il ne s’agit pas simplement de dire que le sionisme est une « idéologie ». On ne peut présumer que ses formes enracinées de violence coloniale soient uniquement d’ordre idéel — même si elles le sont en partie. Le sionisme est une formation idéologique qui s’articule de façon différenciée à divers intérêts économiques à l’échelle mondiale. Ce qui importe surtout ici, c’est son indispensabilité à l’impérialisme dirigé par les États-Unis : une force disciplinaire, dotée d’une puissance militaire utilisée pour contraindre l’ensemble de la région à se soumettre aux intérêts impérialistes (41). C’est aussi un nœud décisif de ce que l’administration Biden a appelé « l’intégration économique » par un corridor reliant le continent asiatique à l’Europe via les pays du Golfe, la Jordanie et Israël — projet qui se poursuit sous l’administration Trump. Dans un monde marqué par l’affaiblissement de l’hégémonie américaine, le sionisme reste une rampe de lancement centrale pour les intérêts impérialistes. Il constitue en effet un principe organisateur de la normalisation forcée (coercive smoothening) des circuits capitalistes dans la région. C’est en ce sens qu’on peut parler d’un « sionisme intégral » (42), pour désigner les complexités, contradictions et médiations liant l’idéologie sioniste à toute une série d’intérêts et de positions économiques matérielles au sein de différents corps politiques nationaux, au premier rang desquels les États-Unis. La question n’est pas de savoir si c’est l’AIPAC (American Israel Public Affairs Committee) ou les intérêts économiques qui se trouvent derrière la domination du sionisme dans la politique américaine. La question est de savoir comment l’AIPAC, le sionisme chrétien, les intérêts économiques et les ambitions impérialistes sont tous attachés, à travers une série de processus politiques et de sujets, au sionisme comme idéologie.

Une lecture objective des déclarations et discours de la résistance palestinienne précédant le génocide montre que les attaques du 7 octobre visaient le tabyīd al-sujūn — littéralement « blanchir les prisons d’Israël », c’est-à-dire vider les prisons israéliennes de leurs prisonniers palestiniens en kidnappant suffisamment de soldats israéliens pour obtenir la libération des six mille prisonniers palestiniens détenus dans les prisons israéliennes (43) —, à accentuer la crise interne de l’État israélien et à entraver la normalisation régionale croissante avec celui-ci. Plus précisément, l’objectif de vider les prisons israéliennes de leurs prisonniers palestiniens est devenu bien plus concevable après les attaques du 7 octobre et la capture d’environ 250 soldats et officiers israéliens. L’objectif était de perturber les plans d’intégration économique qui contournent la question coloniale et passent par-dessus les revendications palestiniennes à l’autodétermination. Au risque d’énoncer une évidence, le 7 octobre est historiquement produit par son propre contexte de manichéisme colonial — celui d’inégalités extrêmes qui régissent les détails les plus intimes et minimes de la vie des colons et des Palestiniens colonisés (44). C’est aussi le résultat de décennies d’ingénierie institutionnelle menée par les États-Unis, qui ont introduit une faille au cœur même de la question nationale palestinienne. On peut lire le 7 octobre comme l’implosion du cadre d’Oslo — sa manipulation de la Palestine, son étouffement de ses forces politiques, sa hiérarchisation de la douleur palestinienne —, qui a trop longtemps placé Gaza sous la pression des dents les plus acérées d’Israël.

Malgré les contingences conjoncturelles quant aux auteurs des attaques — question qui nécessiterait une étude approfondie de la gouvernance du Hamas à Gaza et de ses capacités de résistance armée —, il n’est pas surprenant que la lutte anticoloniale armée du 7 octobre, dans toutes ses contradictions et ambiguïtés, soit partie de la bande de Gaza. Le siège meurtrier de Gaza a aiguisé une conscience anticoloniale populaire à travers toute la Palestine, mais plus encore à Gaza. En raison de la division géographique et de l’accroissement des capacités militaires des groupes de résistance à Gaza, notamment du Hamas, ainsi que du déclin relatif de la résistance armée en Cisjordanie (financée par les États-Unis et dirigée par l’AP), Gaza a été trop longtemps investie par d’autres Palestiniens d’une responsabilité historique : celle de porter la lutte armée. Chez de nombreux Palestiniens, la question de savoir pourquoi des soulèvements similaires n’ont pas surgi dans d’autres géographies palestiniennes (Cisjordanie, Jérusalem-Est, territoires occupés de 1948 et diaspora) fait l’objet de débats intenses. Cela renvoie, bien sûr, à une autre question cruciale : comment le colonialisme de peuplement israélien a réussi à produire des archipels territoriaux palestiniens différenciés, chacun gouverné par ses propres contradictions et enfermé dans sa propre privation relative (45). La violence génocidaire est également graduelle : Israël a exercé sur Gaza, depuis des décennies, la part la plus brutale de cette violence. Le génocide est la conclusion logique des quatre guerres qui l’ont précédé et qui ont tué sans distinction des milliers de Palestiniens. L’urbicide est la conclusion logique des métaphores coloniales de la « tonte de l’herbe » (mowing the grass) (46), qui ont à maintes reprises rasé des quartiers entiers de Gaza. La famine est la conclusion logique des campagnes d’Israël d’avant le génocide, consistant à compter les calories autorisées à entrer dans Gaza selon des « formules mathématiques » (47). C’est la longue guerre coloniale contre la Palestine dont le génocide constitue la plus récente manifestation.

Conclusion

Figure 5. Sans titre. Huile et bandage sur tissu. Par l’artiste palestinien, Al Aziz ‘Aatef.

Comment réparer l’irréparable en plein génocide ? En brisant la nuque de l’idéologie génocidaire. C’est précisément ce que la politique coloniale de reconnaissance s’évertue à esquiver. La promesse de reconnaître un État palestinien travaille à occulter l’urgence historique d’affronter la nature génocidaire du sionisme. Les prisons israéliennes n’ont pas encore été « vidées » : plus de dix mille prisonniers palestiniens croupissent toujours dans leur obscurité. Les geôliers israéliens ont tué 76 prisonniers palestiniens depuis le 7 octobre (48). Les régimes arabes voisins d’Israël — dictatoriaux (comme l’Égypte et la Jordanie) ou précaires (comme le Liban et la Syrie) — restent disciplinés par sa violence coloniale. Ils continuent de justifier leur immobilité et leur silence, prouvant à nouveau leur insignifiance face au colonialisme israélien et à l’impérialisme américain. Les accords de normalisation avec les pays du Golfe sont toujours en vigueur. Mais de nombreuses fissures parcourent désormais le bloc de consentement que le sionisme a mis des décennies à construire. Malgré le consensus sioniste autour du génocide, sa crise interne s’est en effet aggravée, avec des conflits constants entre la direction politique, le bloc d’extrême droite, le commandement militaire et les familles de prisonniers israéliens. Les fissures et les failles s’élargissent également au sein des démocraties libérales occidentales, où les appels à un embargo sur les armes et à de véritables sanctions résonnent toujours plus fort dans les rues. Plus important encore : la Palestine est devenue le foyer vivant où s’articulent les forces populaires antiracistes et anticoloniales du monde entier.  Face à la pression de ces reconfigurations conjoncturelles, les puissances impériales occidentales et les régimes arabes de la région ont répondu par un appel à la reconnaissance de l’État de Palestine réellement existant.

L’objectif derrière de tels appels est d’utiliser une fois de plus les aspirations à un État palestinien pour discipliner les énergies et passions anticoloniales palestiniennes. Dès novembre 2023, l’administration Biden a brandi son drapeau de soutien à ce qu’elle a appelé une « Autorité palestinienne revitalisée » (49). Le but est de réajuster les institutions de l’État de Palestine déjà existant aux exigences de l’impérialisme occidental. Il s’agit d’utiliser l’État de Palestine déjà existant comme instrument disciplinaire à l’égard des Palestiniens de Gaza, restés hors de son orbite directe depuis 2007. L’Autorité palestinienne a clairement exprimé sa volonté d’entrer dans la bande de Gaza sur le dos des chars israéliens. En vérité, elle est déjà en « mode répétition »  dans le nord de la Cisjordanie, où ses forces de sécurité ont lancé, depuis décembre 2024, une campagne intitulée « Protéger la nation » contre le camp de réfugiés de Jénine. Cette campagne est parallèle aux invasions israéliennes répétées dans les camps du Nord, qui ont détruit une grande partie de leur infrastructure et de leur tissu social — car les camps de réfugiés du nord de la Cisjordanie, notamment celui de Jénine, ont produit depuis la seconde Intifada les formes de résistance anticoloniale les plus directes contre l’armée et les colons israéliens. Le président palestinien a également nommé Hussein al-Sheikh (50) — un fervent partisan de la « coordination sécuritaire » avec Israël et l’un des visages les plus impopulaires du Fatah — au poste de vice-président. Cette campagne est déjà la « réforme » exigée de l’État palestinien réellement existant : il s’agit de prouver sa capacité à discipliner toute force anticoloniale présente en Cisjordanie, afin d’être jugé apte à gouverner la bande de Gaza.

Pourtant, même cette forme d’État palestinien est jugée inacceptable par les forces hégémoniques au sein du sionisme contemporain. Le gouvernement israélien a clairement rejeté toute proposition confiant à l’Autorité palestinienne la direction de la bande de Gaza. Il a imposé des restrictions financières paralysantes à son fonctionnement. Il a encouragé et couvert la violence effrénée des colons en Cisjordanie. Le 23 juillet 2025, la Knesset israélienne a, en outre, adopté une résolution soutenant l’annexion de la Cisjordanie par Israël. Tandis que le bloc au pouvoir en Israël s’engage dans la voie d’une intensification de la dépossession et de la violence coloniale, les réponses libérales occidentales s’enfoncent dans une logique dépassée de reconnaissance formelle dans le cadre de la « solution à deux États » — sans aucune garantie pour mettre fin au projet colonial israélien. Non seulement la reconnaissance de l’État de Palestine réellement existant va à l’encontre des aspirations du peuple palestinien, mais elle échoue à prendre la mesure de la situation extrême de violence coloniale et génocidaire à laquelle nous faisons face aujourd’hui en Palestine. Cette reconnaissance n’est pas « trop peu, trop tard » —  elle travaille dangereusement à renforcer le colonialisme israélien et à étouffer la praxis anticoloniale.

Ce n’est pas seulement que ces propositions de reconnaissance contournent les demandes populaires de véritables sanctions et d’un embargo sur les armes visant l’État colonial. Elles s’obstinent aussi à enfermer la question coloniale en Palestine dans le cadre racial et ségrégationniste de la solution à deux États, conçue pour entériner le vol de la plus grande partie de la Palestine historique. Elles négligent également la situation des deux millions de citoyens palestiniens d’Israël, qui subissent des formes extrêmes de censure, d’abandon institutionnel et de violence. Elles refusent de voir la Palestine historique. Elles se fondent sur l’idée d’un désarmement destiné à faire capituler la résistance palestinienne. Elles renforcent le pouvoir des forces réactionnaires qui soutiennent l’État de Palestine réellement existant. Elles nous détournent de la nécessité historique de soutenir les forces progressistes, en Palestine et dans le monde, et de nourrir l’élan internationaliste qui perçoit la Palestine comme intimement liée aux systèmes d’oppression et aux mouvements de résistance à l’échelle mondiale. Elles cachent avec une feuille de vigne les fissures et les failles que la Palestine a rendues palpables dans les murs cimentés de l’impérialisme. Elles rejettent la question de la résistance, niant sa légitimité et supprimant ses possibilités d’articulation. Elles veulent désarmer les colonisés tout en laissant intactes les arsenaux militaires des génocidaires. Elles détournent de l’impératif historique urgent : travailler à démanteler le projet colonial israélien, à délégitimer et désarmer le sionisme comme idéologie coloniale et génocidaire. La dé-sionisation est une exigence urgente : déloger le sionisme de ses positions subjectives, de ses articulations institutionnelles, de sa base matérielle, de ses alliances internationales. Briser sa nuque.

Jusqu’à ce que ce jour arrive, l’histoire nous l’enseigne : les forces anticoloniales continueront à se faire sentir sur tous les fronts.

Hashem Abushama

Traduit de l’anglais par Hakim Al-Jamaa

Notes

[1] Sur les écrits de Basil al-Araj, voir Jamjoum, H. Liberation, Wonder, and the ‘Magic of the World,’ Basel al-Araj’s I Have Found My Answers — Liberated Texts. Liberated Texts.

2 Palestinian Prisoner’s Issue Must Not Be Sidelined’, 3 December 2003.

3 Tartir, Alaa. ‘The Palestinian Security Sector: Entrenching State Repression’. Al-Shabaka (blog), 14 November 2021.

4 ‘PCBS (Palestinian Central Bureau of Statistics) | À l’occasion de la Journée internationale des travailleurs,  Dr. Ola Awad, présidente de la PCBS, présente l’état actuel de la population active palestinienne en 2022.

5Peace to Prosperity’. 2025. Accessed October 26. .

6 Nasser Abourahme développe cet argument avec force dans Nasser Abourahme, ‘In tune with their time’, Radical Philosophy 216, Summer 2024, pp. 13–20. Bien que je sois d’accord avec l’observation d’Abourahme selon laquelle le sionisme n’a pas encore conquis la Palestine de manière « décisive » et que le génocide est sa solution tardive, je trouve son affirmation selon laquelle Israël serait ainsi vaincu moins convaincante et quelque peu triomphaliste, compte tenu des circonstances historiques concrètes auxquelles nous sommes confrontés dans la conjoncture post-7 octobre.

7 Erekat, N.; Hammouri, S. The Statehood Trap. Jadaliyya – جدلية.

8 Daqqa, W. N. Molding Consciousness: Or the Redefinition of Torture. CES 2025, 9 (1).

9 Al ‘Azeef ‘Aatef est un artiste visuel et calligraphe palestinien basé en Palestine. Ses œuvres jouent avec de multiples supports visuels, y compris la calligraphie arabe, pour aborder les questions de la carcéralité, de la protestation et de la solidarité. Cette œuvre d’art fait partie d’une collection plus vaste et en développement qui utilise des « bandages » pour aborder les problèmes contemporains en Palestine et au-delà. Vous pouvez trouver son travail sur Instagram @alaziz_atef

10Donald Trump’s 20-Point Gaza Peace Plan in Full’. 2025. BBC News. September 30.

11 Sur le néolibéralisme colonial en Palestine, voir Clarno, Andy. Neoliberal Apartheid: Palestine/Israel and South Africa after 1994. Vol. 57734. Chicago, IL: The University of Chicago Press, 2017. Voir aussi Hanieh, Adam. ‘From State-Led Growth to Globalization: The Evolution of Israeli Capitalism’. Journal of Palestine Studies 32, no. 4 (2003): 5–21.

12 Hever, Shir. The Political Economy of Israel’s Occupation: Repression beyond Exploitation. London: Pluto, 2010, p.12.

13 Coulthard, Glen Sean. Red Skin, White Masks: Rejecting the Colonial Politics of Recognition. Indigenous Americas. Minneapolis: University of Minnesota Press, 2014.

14 Pour plus de details sur la “terreur financière », voir Cavallero, Luci, and Verónica Gago. 2021. ‘Introduction and A Feminist Reading of Debt’. In A Feminist Reading of Debt, 1–29. Mapping Social Reproduction Theory. London: Pluto Press.

15 Voir Hart, Gillian Patricia. Rethinking the South African Crisis: Nationalism, Populism, Hegemony. Geographies of Justice and Social Transformation 20. Athens: University of Georgia Press, 2013.

16 Notons que le Premier ministre britannique Keir Starmer a tenté de promouvoir « l’Irlande du Nord comme modèle de désarmement de Gaza ». Le conseiller actuel en sécurité nationale de Starmer, Jonathan Powell, a joué un rôle constitutif dans l’Accord du Vendredi Saint de 1998. Voir Reuters. 2025. ‘Britain Pushes Northern Ireland as Model for Disarming Gaza’, October 15, sec. United Kingdom.

17Paris Protocol on Economic Relations

18 Ufheil-Somers, Amanda. ‘Economics of Palestinian Return Migration’. MERIP (blog), 24 September 1999.

19 Fanon raconte le destin des mouvements révolutionnaires qui ne subissent pas un processus de décolonisation suffisant et leur métamorphose en un régime de parti unique dans le chapitre III des Damnés de la terre, « Les mésaventures de la conscience nationale ».

20 PFLP Ghassan Kanafani, Richard Carleton Interview COMPLETE, 2020.

21Interactive Encyclopedia of the Palestine Question – Palquest | Naji al-Ali

22 Helsa, Ghaleb. Ikhtiyar al-Nihaya al-Hazina (Choosing the Sad End). Markaz il-Hadara il-Arabiyya lil I’lam wa il-Nashir. 1994.

23 PCBS | E. Dr. Awad, Presents the current status of the Palestinian labour force in 2024. On the occasion of the International Workers’ Day.

24 Palestine Economic Update – August 2024 – MAS.

25 Voir Clarno, Andy. Neoliberal Apartheid

26 Voir Harker, C. Spacing Debt: Obligations, Violence, and Endurance in Ramallah, Palestine, Durham: Duke University Press, 2021.

27 Sur la dette et sa prolifération sous le capitalisme financier, voir Lazzarato, M. La fabrique de l’homme endetté : Essai sur la condition néolibérale, Paris, Éditions Amsterdam, 2011. Voir aussi Cavallero, Luci, and Verónica Gago. 2021. A Feminist Reading of Debt. Mapping Social Reproduction Theory. London: Pluto Press.

28 The Future of Palestinian Employment in the Israeli Labour Market in light of Political and Economic Realities (Policy Brief). MAS.

29 Tartir, A. Infographic: statistics and numbers pertaining to the Palestinian security forces in the West Bank and the Gaza Strip.

30 En 2017, le nombre d’employés absents à Gaza était d’environ 33 000. Voir Tartir, Alaa. 2017. ‘Infographic: The Palestinian Security Sector in the West Bank and Gaza Strip’, January.

31 Tartir, A. Securitised Development and Palestinian Authoritarianism under Fayyadism. Conflict, Security & Development 2015, 15 (5), 479–502.

32 Je remercie Rabea Eghbariah d’avoir porté ce document à mon attention. Voir Eghbariah, Rabea. “Toward Nakba as a Legal Concept.” Columbia law review 124.4 (2024): 887–992. Print.

33 See Palestine National Council, 8th Session: Interim Political Program of the Palestine Revolution – 5 March 1971 (Historical Text). Interactive Encyclopedia of the Palestine Question – Palquest. Voir aussi  Farsakh, L. Rethinking Statehood in Palestine: Self-Determination and Decolonization Beyond Partition; New Directions in Palestinian Studies; University of California Press: 2021.

34 Kanafānī, Ghassān. Ghassan Kanafani: Selected Political Writings. London ; Pluto Press, 2024.

35 Pour plus de details sur le sujet, voir Baconi, Tareq. 2018. Hamas Contained. Security Studies Online (Text). Palo Alto, CA: Stanford University Press, p.54.

36 Tartir, Alaa. ‘The Palestinian Authority Security Forces: Whose Security?Al-Shabaka (blog), 16 May 2017.

37 Ghanim, Honaida. ‘The New Right in Israel — the total hegemony project’, 18 July 2023.

38 Margalit, Ruth. ‘Itamar Ben-Gvir, Israel’s Minister of Chaos’. The New Yorker, 20 February 2023.

39 Ufheil-Somers, Amanda. ‘Yitzhak Rabin and Israel’s Death Squads’. MERIP (blog), 2 September 1992.

40 Row, J. Declarations of Independence. Bookforum.

41 Hanieh, Adam. ‘Why the Fight for Palestine Is the Fight against U.S. Imperialism in the Region’. Mondoweiss (blog), 14 June 2024.

42 Pour « étirer » et utiliser la notion gramscienne d’« État intégral » d’Antonio Gramsci, par laquelle il nomme les relations dialectiques entre consentement et coercition, société politique et société civile, au sein de l’État moderne. Pour en savoir plus, voir Thomas, P. D. The Gramscian Moment: Philosophy, Hegemony and Marxism; Historical materialism book series; Aakar Books: Dehli, 2014.

43 Voir la puissante intervention de Khalida Jarrar (en arabe) sur le vidage des prisons israéliennes dans Jarrar, K. Impending Freedom: Destroying Enslavement Emptying Prisons. Institute for Palestine Studies.

44 Voir Conjuncture: Hashem Abushama – Palestine Is the Barricade; 2025.

45 Je tente d’examiner certaines de ces différences entre la Palestine de 1948 et la Cisjordanie dans Abushama, Hashem. 2024. ‘Culture and the City: Articulations of Settler Colonialism from Haifa to Ramallah and Back’. Annals of the American Association of Geographers 114 (10). Washington: Taylor & Francis Ltd: 2317–33.

46 Taylor, Adam. ‘With Strikes Targeting Rockets and Tunnels, the Israeli Tactic of “Mowing the Grass” Returns to Gaza’. The Washington Post, 14 May 2021.

47Gaza: Humanitarian Situation – Hansard – UK Parliament’, 8 July 2025.

48Addameer’.

49 Biden, Joe. ‘Opinion | Joe Biden: The U.S. Won’t Back down from the Challenge of Putin and Hamas’. The Washington Post, 18 November 2023.

50 Al Jazeera. ‘Who Is Hussein Al-Sheikh, the New Deputy to PLO’s Abbas?’

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