De manière tant improvisée qu’organisée, une campagne d’intimidation et de répression s’est abattue en France depuis le 7 octobre dernier sur toute expression de soutien au peuple palestinien. Les plus anciens d’entre nous l’ont associée au précédent de la répression des comités Palestine dans les années 1970. Les plus jeunes d’entre nous ont revécu les effets individuels et collectifs de la campagne islamophobe de 2015-2016 qui a visé tous les espaces de vie musulmans au nom de la lutte contre le « terrorisme ». L’exode significatif de musulmans et musulmanes amorcé à cette époque, et de nouveau constaté depuis ces derniers mois, est là pour indiquer cette continuité.
Mais cette traque policière et judiciaire se distingue par la multiplicité de ses cibles et de ses agents. Comme rarement auparavant, organisations et militants de l’immigration, de la gauche ainsi que des musulmans de tous âges se retrouvent ciblés au cours d’une même campagne, orchestrée par l’État qui enrôle conjointement police, justice, éducation nationale, universités, centres de recherche, médias. Ce même État s’appuie également sur les organisations sionistes et d’extrême droite. S’ajoutent des supplétifs volontaires qui, en tant que collègues ou employeurs, ont participé à la chasse en dénonçant et en licenciant, travaillés par des années de propagande islamophobe hostile à la lutte de libération palestinienne.
Depuis octobre, l’éventail des formes de répression est large : interdictions de manifestations, de colloques et de meetings, signalement d’élèves par des fonctionnaires, convocations au commissariat ou aux services antiterroristes pour des interrogatoires politiques, procès pour antisémitisme, appel à la haine et/ou apologie du « terrorisme ». Peines de prison avec sursis ou non, assorties parfois, comme dans le cas du militant décolonial Abdel-Wahab, de l’inscription lourde de conséquences au fichier des auteurs d’infractions « terroristes ». De nombreux citoyens, menacés au travail et sur les réseaux sociaux, font le choix du silence. Avec ses attaques contre Urgence Palestine, notamment Elias d’Imzalène, Mornia Labssi et Omar Al-Soumi, l’extrême droite vient prêter main forte aux autorités et aux organisations sionistes pour identifier de nouvelles cibles à livrer à la justice. Des militants et des universitaires sont, ou vont être, convoqués pour apologie du « terrorisme ». Anasse Kazib de Révolution permanente, Sihame Assbague, journaliste et militante anti raciste, Rima Hassan candidate franco-palestinienne sur la liste de la France Insoumise et Mathilde Panot, députée de ce même parti, figurent sur cette liste. La convocation de cette dernière provoque l’émoi tant les limites de l’autoritarisme de l’État français, réduisant encore plus les espaces de libertés, semblent de plus en plus reculer.
Si le caractère opportuniste de cette répression en période électorale est évident, cette offensive s’effectue surtout en parallèle et en appui au génocide en cours du peuple palestinien et à la tentative de mener au plus loin la destruction de la Palestine sur ses terres historiques. Le régime antiterroriste permet d’étendre ponctuellement à de plus larges parts de la société et du champ politique le régime d’exception forgé contre les musulmans. Ici sont désignés comme apologistes du « terrorisme » quiconque exprime un soutien au peuple palestinien à l’aide de quelque argumentaire que ce soit, y compris en recourant au droit international et à l’Histoire, et dénonce la situation coloniale. C’est que la Palestine est le symbole de la résistance à cet ordre colonial impérialiste aux abois que la France soutient de toutes ses forces.
Nous assistons à une justice de guerre – s’appuyant sur une propagande de guerre – qui vise à étouffer les voix dissidentes s’engageant du côté de la Palestine, dans cette guerre mondiale à laquelle l’Etat français contribue idéologiquement et matériellement. La répression en cours en France présente bien des similitudes avec la répression contre les indépendantistes algériens et leurs soutiens sur le front interne à la Métropole. A mesure que le génocide se poursuit, les fronts intérieurs au sein de tous les Etats impérialistes et colonialistes ne vont cesser de se durcir.
La guerre génocidaire contre la Palestine engage, ici et partout, le sort des peuples dominés par l’ordre impérial raciste. Mais c’est également le sort de ce dernier qui est en jeu.
PIR