On a fort à faire pour comprendre, en toute lucidité, ce qui nous tombe dessus. Il faudra disséquer l’effet d’annonce de la mesure administrative, le discours tel qu’il s’énonce de son opérationnalité – entendu que le discours est déjà un acte pratique. Toujours est-il que la réalité n’attend pas : hier, la mosquée Omar de la rue Jean-Pierre Timbaud à Paris a été violemment perquisitionnée. En ce samedi matin où on enseigne l’arabe aux enfants du quartier, quinze homme surgissent – en chaussures, armés et appartenant à l’ensemble des corps composant ce que l’on nomme paradoxalement « les forces de l’ordre ». Nul ne sait, à l’évidence, ce qui était recherché : pas un seul article de presse n’a fait état de la perquisition et la préfecture de police ne donne ni communiqué ni justification (les « séparatistes » n’ont pas cet honneur). Sans doute trouvera-t-on le livre « radical » dont la présence justifiera a posteriori le raid.
Il est vrai que la mosquée Omar n’est pas, tant s’en faut, la première à avoir le droit à cette redoutable attention – à peine le fait est-il plus saisissant au regard du lieu, tout à fait emblématique de l’histoire de la pratique islamique en France, et de l’appartenance de l’association qui le gère au Conseil français du culte musulman, i.e. l’organe de représentation musulmane que l’État a cru bon de fonder. Par ailleurs, dans la trame désormais banale des fermetures de mosquées (dont un ministre de l’intérieur admettait qu’elles sont essentiellement menées par l’appui de mesures sanitaires ou hygiéniques), la perquisition d’hier est une occurrence parmi d’autres – et non la plus violente.
Il faut pourtant lui donner sa pleine mesure : au lendemain du discours du chef de l’État sur le « séparatisme », l’irruption d’hommes armés dans la mosquée est une menace. L’État fait étal de sa violence, en même temps qu’il propose une autre voie – non moins guerrière mais que figure la préemption « civile » par l’État du fonctionnement ordinaire de la vie collective.
Hamza Esmili