Les faits remontent au 21 avril 2012. Ce soir-là, Amine Bentounsi, recherché pour n’être pas rentré d’une permission de sortie, est repéré devant un bar de Noisy-le-Sec et poursuivi par la police. Il tente de fuir mais tombe, quelques minutes plus tard, nez à nez avec l’un des policiers à sa recherche. « Pris de panique » car il aurait été mis en joue par Amine Bentounsi, le policier tire quatre balles dans sa direction. Amine en reçoit une dans le dos, elle lui sera fatale. Très tôt, les contradictions dans les récits des policiers présents ce soir-là, notamment dans celui du policier tireur, apparaissent. Les enquêteurs de l’IGS puis les juges d’instruction pointeront eux-mêmes des arrangements avec la réalité et de nombreuses incohérences[1]. . Surtout, les témoignages de voisins et d’automobilistes ayant assisté à la scène mettent à mal la version policière. Personne n’a vu Amine Bentounsi braquer le policier ; en revanche, des automobilistes certifient avoir été mis en joue par Damien Saboudjian. De quoi remettre en cause l’argument de légitime défense.
Le policier et l’un des officiers qui avait menti pour le protéger ont d’ailleurs été mis sur écoute courant 2012. Se sachant surveillé, l’accusé ne laisse filtrer aucun élément sur l’affaire. En revanche, les bandes mettent en évidence la solidarité policière et institutionnelle dont jouit le fonctionnaire mis en examen. Tout sera fait pour le protéger et lui simplifier la vie (maintien du traitement, choix de la région de mutation, accélération des démarches…). D’autant que, présidentielles oblige, l’affaire a été particulièrement médiatisée et politisée. Par le biais du candidat Nicolas Sarkozy, c’est un débat sur la « présomption de légitime défense » qui s’invite dans la campagne électorale. À gauche comme à droite, la défense des policiers apparaît alors comme un moyen stratégique d’affirmer une ligne sécuritaire. Au grand dam de la famille Bentounsi.
Hasard du calendrier (ou non) le procès intervient dans un contexte particulier. Les proches d’Amine Bentounsi craignent que le climat actuel, avec les commémorations des attentats de janvier, l’état d’urgence et les différents débats sur la sécurité (notamment celle des policiers en exercice), joue négativement sur le déroulé du procès. Ils craignent aussi que cette affaire soit instrumentalisée par un gouvernement ayant repris à son compte les réflexions droitières autour de la « présomption de légitime défense ». « Ce que l’on veut nous, c’est la justice. Mon frère a été tué d’une balle dans le dos par un policier qui, comme cela a été prouvé, n’était pas en situation de légitime défense. La semaine prochaine, il ne faudra pas inverser les rôles entre l’accusé et la victime…» déclarait il y a peu Amal Bentounsi, sœur du défunt et fondatrice du collectif Urgence Notre Police Assassine avant de compléter « surtout que c’est rarissime qu’un policier, quand il est traduit en justice, aille jusqu’aux assises. On est plutôt habitué aux non-lieux glaçants par lesquels se soldent généralement les affaires de crimes policiers… »
Reste à savoir si, à Bobigny la semaine prochaine, la justice rompra avec cette longue tradition d’impunité policière.