La question est de savoir quand et quoi négocier.
Pour Hamas et la Résistance, le problème est tout d’abord de s’assurer de l’honnêteté de celui qui est chargé de la médiation/ arbitrage. Les Palestiniens se méfient évidemment de l’Egypte de Sissi et auraient préféré le Qatar ou la Turquie mais Israël impose l’Egypte jugée moins favorable à Gaza. Il est évident que la Résistance a intérêt à montrer à Israël sa détermination sur le long terme si elle veut obtenir plus ou si l’on préfère le minimum. D’où des tirs de missiles palestiniens jusqu’au dernier moment de l’avant trêve. Une façon de dire « nous sommes prêts à poursuivre notre résistance, nous aurons le souffle plus long que celui des Israéliens. »
En effet la Résistance ne peut, après tous ces sacrifices descendre au dessous de la revendication de fin du blocus, la revendication principale qui fait consensus parmi les palestiniens. Israël veut contraindre Hamas à négocier tout de suite et uniquement sur la fin des combats.
Hamas, le Jihad et les autres groupes disent « Pas de fin des combats sans fin du blocus ». Tactiquement ils ont intérêt à montrer leur détermination pour négocier avec un meilleur rapport de force. Car la logique de tout cela est qu’Israël comme les puissances impérialistes en général s’il peut déployer une violence inouïe sur un court terme ne peut mener une guerre longue.
Les Palestiniens mènent une guerre populaire ( de guérilla). Celle ci comme l’a dit Mao et avant lui Abdel Krim al-Khattabi et comme l’ont pratiqué tous les peuples agressés est forcément de longue durée, voire très longue durée. La durée, le facteur temps est la profondeur stratégique des guérillas avec l’immersion dans la population. « Être comme un poisson dans l’eau ».
Entre Indigènes et colons, des temporalités antagonistes.
Quand le FLN négocie à Evian en 61/62 en dépit du fait que les pertes sont énormes à ce moment là (l’ALN, la branche armée du FLN n’est plus qu’à 1/4 de ses effectifs de 1958, les katibas** ont été décimées) le FLN refuse de réduire ses revendications. De Gaulle voudrait négocier uniquement la fin des combats. Il sait que l’image de la France est des plus écornée, celle-ci est essoufflée au plan économique et ses projets de modernisation repoussés en raison de la guerre.
L’image de marque d’un pays, ne l’oublions pas est déterminante pour les investissements, c’est pourquoi la France voudrait en finir vite. C’est ce qui constitue sa faiblesse en termes de négociations. Et ce alors qu’elle dispose d’ atouts militaires évidents. En Algérie la victoire du FLN fut politico–militaire.
En effet pour les peuples colonisés en général, peuples algérien et palestinien en particulier, le rapport de force se trouve dans la capacité à tenir, à faire durer les combats. Même si de façon intrinsèque ils sont plus faibles au plan militaire, ils sont plus forts au plan politico militaire dés lors qu’est introduit ce paramètre du temps.
Le plan militaire seul est incapable de donner la victoire à l’impérialisme. La profondeur stratégique des peuples est leur capacité et la durée de leur résistance. Et cela même en dépit des pertes énormes subies. Bien sûr à condition de ne pas être exterminé et d’être en mesure de poursuivre la lutte. C’est pourquoi le FLN entre les négociations de Melun en juin 1960 et la fin des négociations d’Evian en mars 62 a attendu que la France ait accepté toutes ses revendications essentielles pour négocier l’arrêt définitif des combats. C’est là la base même de la guerre d’usure que mènent les peuples colonisés. Un principe, persister. Un impératif, la détermination. Les Palestiniens doivent affronter un nombre considérable d’ennemis à la fois. Jamais le contexte régional n’a semblé aussi favorable à Israël et pourtant rien n’indique que la Résistance soit en situation de faiblesse si elle maintient ces fondamentaux de la guerre populaire : la détermination et le lien au peuple.
Youssef Boussoumah, membre du PIR
Paris, le 6 août 2014
* Le titre fait référence à un poème de Mahmoud Darwich
**Katibas : formations de combat de base dans l’ALN, souvent 100 hommes.