Dans son Discours sur le colonialisme, Aimé Césaire écrit :
« Ce que le très chrétien bourgeois du XXème siècle ne pardonne pas à Hitler, ce n’est pas le crime en soi, le crime contre l’homme, ce n’est pas l’humiliation de l’homme en soi, c’est le crime contre l’homme blanc …, d’avoir appliqué à l’Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu’ici que les Arabes, les coolies de l’Inde et les nègres d’Afrique »1
Il faudrait ajouter, en ce qui concerne les Juifs, que c’est parce qu’ils ont été massacrés en Europe qu’ils sont devenus des Européens aux yeux des Européens. C’est moins le massacre des Juifs qui a posé question que le fait qu’ils ont été massacrés en Europe. S’ils avaient été massacrés dans des contrées lointaines comme ce fut le cas pour les colonisés, leur mort n’aurait été, pour les Européens, qu’un accident de l’histoire, mais voilà ce massacre a été commis en Europe et cela a bouleversé la conscience européenne. Sans oublier que ce massacre constitue l’aboutissement de persécutions antijuives au nom de la religion d’abord, de la race ensuite lorsque les idéologies raciales se sont développées au XIXe siècle. Encore faut-il rappeler que d’autres massacrés en Europe n’ont pas eu droit à cette reconnaissance. Les Tsiganes, déjà chrétiens, restent toujours des parias en Europe et on leur rappelle toujours qu’ils ne sont pas des Européens.
C’est cette européanisation qui a conduit certains Juifs à oublier leur passé de parias en Europe, à imaginer qu’ils sont enfin de vrais Européens et comme le font trop de parvenus, à imiter le pire d’une Europe qui les a enfin acceptés ; ce pire c’est la xénophobie et le racisme, comme si le fait d’être xénophobe et raciste constituait un brevet d’intégration. Ainsi Zemmour et quelques autres.
Tu rappelles avec raison qu’il faut se méfier des philosémites. Ce que Zemmour et ses semblables ne veulent pas voir, c’est que philosémitisme et antisémitisme se ressemblent ; tous deux mettent à part un groupe humain, que ce soit pour le haïr ou pour l’aimer. On retrouve l’essentialisme fondateur de tous les racismes, ce que les parvenus, fiers de leur entrée dans la francité, ne veulent pas voir ; fiers de leur nouvelle essence, ils ont appris à mépriser les essences supposées inférieures oubliant leur histoire ou plutôt reconstituant leur histoire en fonction de cette nouvelle essence. Les « petits blancs », ces blancs envoyés aux colonies pour assurer la domination des métropoles, s’imaginaient faire partie de la race supérieure alors qu’ils n’étaient que les tâcherons de la colonisation. Les parvenus, façon Zemmour et quelques autres, ont par contre délibérément choisi le camp des dominants ; contrairement au racisme irraisonné des petits blancs, le racisme des parvenus est pensé, une façon de montrer qu’ils ont intégré la « bonne » société.
bien cordialement
Rudolf Bkouche (UJFP-IJAN)
Jean-Guy Greilsamer (UJFP)
Georges Gumpel (UJFP)
Sonia Fayman (UJFP-IJAN)
Daniel Levyne (UJFP)
Irène Steinert (UJFP-IJAN)
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Note
1 Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme, cité par Marc Ferro in Histoire des colonisations (1994) p. 12-13
Lettre de Houria Bouteldja à Eric Zemmour l’ ‘israélite’