Opération « votons par devoir civique »
Avant d’engager la campagne pour faire barrage à Sarkozy, il nous faut intensifier les campagnes d’inscription sur les listes électorales.
C’est malheureux à dire mais les jeunes de banlieues ne votent pas. Bien évidemment la raison pour laquelle ils ne votent pas n’a absolument rien à voir avec le fait qu’ils sont maghrébins ou africains, ce n’est pas inscrit dans leurs gênes, ça c’est un raisonnement vulgaire et raciste, c’est n’importe quoi.
Non, si les jeunes de banlieue ne votent pas, c’est à cause de problèmes disons culturels.
Il faut bien comprendre que l’acte de voter n’est pas pour les jeunes de banlieues aussi évident et naturel qu’il peut l’être pour les français. Beaucoup d’entre eux, malheureusement, ne savent s’exprimer qu’à travers la violence. Tout le monde se souvient des émeutes de Vaulx-en-Velin ou de Mantes-la-jolie dans les années 80. Les jeunes de banlieue brûlèrent des centaines de voitures, sous prétexte qu’il leur arrivait de mourir de manière naturelle pendant leur garde à vue au commissariat. Le PS au pouvoir a évidemment maté les émeutiers, mais pas suffisamment, les incendies de voitures se sont propagés sur les années 90 et 2000. Nanterre, Dammarie-les-Lys, Toulouse, Metz, les Mureaux, et toutes les villes où il y avait des morts naturelles. On avait beau mater, ils continuaient à brûler, arguant que la situation ne changeait pas, comme si c’était une raison. C’est triste à dire mais c’est comme ça, les jeunes de banlieues sont violents, ils ne sont pas conscientisés politiquement, étrangers aux règles de fonctionnement démocratique.
Et lorsqu’on s’intéresse un peu aux pays d’origine des parents, on n’est guère surpris. Au Maghreb et en Afrique noire – que je connais bien je suis né à Dakar j’adore l’Afrique – le moindre petit débat de société se règle à coups de sabres ou de machettes. Là-bas la notion de représentation, le pluralisme politique, les enjeux de l’alternance, bref ce qui fait le jeu démocratique tel qu’on en est fier en France, tout ça leur est complètement étranger.
Vous devez donc bien comprendre que ce n’est pas la faute des jeunes de banlieues s’ils ne votent pas, et je serais même tenté de dire que ça interroge notre responsabilité à nous hommes de gauche. Il y aurait beaucoup à dire en effet sur certaines défaillances des collèges et lycées en ZEP, et il serait intéressant d’analyser les raisons pour lesquelles les cours de français, d’histoire et de philosophie ne parviennent pas à compenser l’absence – voire le rejet – de toute forme de conscience et de culture politique au sein des familles immigrées.
Je fais des digressions humanistes et je m’égare, mais en attendant, sans carte d’électeur, le jeune de banlieue ne nous sert à rien.
C’est pourquoi cette campagne de lutte contre l’abstention est primordiale, et ce d’autant plus que nous sommes les seuls à la mener; Sarkozy n’a rien à gagner à encourager nos petits analphabètes de banlieue à aller mettre une croix sur le registre. Mais attention, ne menez pas simultanément l’opération « Votons par devoir civique » et l’opération « Votons PS, barrage à Sarkozy ». Respectez le retro-planning sinon les immigrés vont penser que nos intentions sont intéressées. Non, on dit juste sans arrières-pensées que c’est important de s’inscrire pour pouvoir voter. En soi. D’ailleurs, c’est pas vous qui allez leur dire directement. Les associations citoyennes, de quartier, socio-culturelles et sportives que l’on subventionne, c’est mieux pour faire de la sensibilisation au devoir civique en toute neutralité. Vous leur donnerez la liste des arguments imparables pour cette campagne contre l’abstention.
Voici quelques-uns des plus convaincants :
« Peu importe pour qui tu votes, je te jure. L’important c’est que tu votes. Moi c’est pour toi que je dis ça »
« Des hommes sont morts et enterrés pour que tu aies le droit de voter. Ne l’oublie jamais!»
« Vote, et ce sera la preuve que t’as intégré un peu de sens civique républicain; sinon, faudra pas venir pleurer quand on te traite de sauvageon »
« Tu sais pas la chance que t’as de vivre en France; dans ton pays d’origine, au moment où je te parle, tes frères se font tirer dessus par la police pour avoir le droit de vote; alors va voter, ne serait-ce que pour dire merci à la police française »
« Tu préfères brûler des voitures ? »
« Le bureau de vote sera dans la maternelle où tu allais quand t’étais petit, tu te souviens ? Ça peut être marrant de revoir ta classe, avec les dessins au mur, les petits portes-manteaux»
« Tu préfères brûler la maternelle ? »
« Ça prend 5 minutes, c’est quoi 5 minutes ?».
« En Belgique, c’est la prison pour ceux qui ne vont pas voter »
Opération « Votons PS, barrage à Sarkozy »
A partir de janvier 2012, on aura près de quatre mois pour mettre en œuvre l’opération «Tous ensemble dans la diversité votons PS pour faire barrage à Sarkozy pour que les dirigeants du PS récupèrent enfin le pouvoir».
A partir de janvier en effet, nous devrons nous atteler à consolider nos voix potentielles.
Si des immigrés vous disent qu’au premier tour ils ont l’intention de voter à la gauche du PS, vous n’y allez pas par quatre chemins avec eux, vous employez tout de suite les grands moyens. On va quand même pas se casser le cul pendant des mois à pousser les banlieues à s’inscrire sur les listes électorales, pour qu’au final les immigrés partent servir Mélenchon. Vous me direz qu’il y a de fortes chances qu’on remette la main au second tour sur ces immigrés qui veulent se la péter je-suis-déçu-du-PS, mais l’avant-dernière fois qu’on l’a cru, on s’est retrouvé comme des cons à differ des tracts sous la pluie pour Chirac, et on a du donner tous nos immigrés à l’UMP.
Alors cette fois, on fait le plein d’immigrés dès le premier tour. Et pour ça, vous devez mettre l’immigré en situation.
Je vous montre.
Vous êtes face à l’immigré égaré, vous lui parlez.
« Monsieur, vous voulez vraiment voter pour le NPA au premier tour? Sérieusement ?
D’accord monsieur, pas de problème. C’est votre droit le plus strict.
Fermez les yeux s’il vous plaît. N’ayez pas peur, fermez les yeux. Bien. Vous êtes dans le noir. Vous êtes détendu, en sécurité. Maintenant concentrez-vous. Vous les voyez ces deux lettres au fond dans l’obscurité ? Mais si, regardez bien. Deux lettres rouges menaçantes qui se rapprochent de plus en plus. Vous les voyez s’embraser dans votre tête ces deux énormes lettres? Vous arrivez à distinguer ce que c’est ?
C’est les flammes du logo du FN. Vous la ressentez cette chaleur qui vous brûle le corps ?
Tu le sens là que tu prends feu l’immigré?
Et maintenant le cramé, tu veux toujours voter NPA ?»
Votre respiration doit être progressivement haletante, le rythme tendu. Pour accentuer l’effet, ajoutez en bruit de fond
l’angoissant « on va tous mourir, on va tous mourir » de la mère de Jamel Debbouzze repassant son linge.
Évidemment, vous adaptez votre mise en situation, vous pouvez remplacer « NPA » par « Tout groupuscule d’extrême gauche » ou par « l’abstention », les degrés d’irresponsabilité étant variables d’un immigré égaré à l’autre. Par contre, ne remplacez pas « FN » par « le-21-avril », déjà parce que si ça doit prendre feu, une date qui n’a pas de logo potentiellement inflammable, ça fonctionne beaucoup moins bien. Mais surtout, cette année le premier tour tombe un 22 avril et il ne faut surtout pas embrouiller nos immigrés avec des messages subliminaux approximatifs; nos messages doivent être opérationnels au moment des urnes, pas la veille.
Concluez votre démonstration en faisant admettre à l’immigré égaré que seul le PS peut lui permettre d’éviter un second tour Le Pen / Sarkozy, que c’est pour lui qu’on dit ça, nous on s’en fout, on craint rien, on n’a rien à se reprocher.
Ce qui est essentiel, c’est l’ambiance. Quand vous parlerez du FN aux immigrés égarés, derrière vous, je ne veux voir aucun arbre, aucune fleur, pas un brin d’herbe, rien, la désolation. Pour la musique de fond, trouvez moi l’équivalent maghrébin ou africain des chants de l’apocalypse, ça fixera bien dans les esprits que c’est le PS ou le déluge.
Avec ça, l’immigré égaré vous reviendra docilement dans le droit chemin.
Modalités d’exploitation de l’argumentaire
Les grands meetings des dirigeants du PS rassembleront nos adhérents. Or les musulmans, ce sont nos électeurs, pas nos adhérents. Ça s’explique en partie par le fait qu’on ait été obligé dans plusieurs fédérations de rejeter les demandes d’adhésion où figuraient des patronymes maghrébins, pour éviter l’entrisme communautariste. Votre travail consistera donc, en parallèle des grands meetings, à quadriller les banlieues, où se reproduisent l’essentiel des cartes d’électeur musulmanes. Mais ne pratiquez pas de clientélisme chronophage. Pas chronophage. Les musulmans, vous n’allez pas y passer le week-end. D’accord vous leur faites la danse du ventre, mais vous la faites accélérée. Faites-vous inviter par nos subventionnés. Le mieux pour ça c’est les salamaleks dans les grandes salles et les mosquées le jour de l’aïdek mabrouk. Ça a été dur à retenir pour moi aussi mais à force de les entendre se le dire les uns aux autres, c’est rentré. Mémorisez bien : jour de l’aïdek mabrouk. C’est une sorte de fête de Noël à eux. Je dis fête avec des grosses guillemets, ça consiste à prier toute la journée. Alors vous vous pointez, vous essayez de cacher le début de nausée que vous ne manquerez pas d’avoir, et s’il le faut, vous enlevez vos chaussures. Et venez pas avec une bouteille.
Ils ont deux ou trois aïdek mabrouk par an je crois. Sinon, vous avez les tournois de foot, les galas de boxe, les centres sociaux les jours de couscous-citoyen. Ce sont des visites qui prennent 10 minutes à tout casser. Ça va être dur parce qu’ils ne voient nos têtes que lorsqu’il y a des élections en vue, mais essayez de venir en voisin, vous êtes habitués des lieux, souriez vous connaissez pratiquement tout le monde.
Sinon, vous pouvez prendre vous-mêmes le contrôle de l’affaire et organiser à Paris de Belles nuits du Ramadan laïques et républicaines. Outre l’avantage non négligeable que ça évite d’avoir à croiser des musulmans, ça permet de valoriser l’essence même du ramadan : on se prive en journée mais c’est pour d’autant mieux apprécier de s’éclater le soir. Sur des sons soufis-tripop.
Par ailleurs, ça permet de rééquilibrer l’inauguration que vous faites des esplanades Ben Gourion, et votre prochaine inauguration, pourquoi pas après tout, de la place Ehud Barak, en hommage à ce grand dirigeant du parti travailliste israélien, parti de gauche, comme nous.
Pour l’inauguration de la place Barak, en termes de rééquilibrage, ce ne sera pas plus compliqué que pour Ben Gourion, il faudra juste penser à prévoir, sur les stands des Belles nuits du ramadan de cette année-là, de la maklouba palestinienne gratuite et à volonté.
Voilà. Vous avez en main l’argumentaire spécial musulmans et banlieues et vous savez maintenant comment l’exploiter. Si vous jugez cet argumentaire peu convaincant, c’est que vous connaissez très mal nos immigrés. Aucune inquiétude à avoir, les musulmans quand ils votent, c’est pour le PS, et c’est un vote de résignation, motivé par la peur du pire que le PS, le vote le plus sûr et le moins exigeant qui soit. Sur les banlieues, les discriminations racistes, la Palestine, l’immigration, nous n’avons absolument aucune raison de prendre en considération leurs préoccupations, on ne change rien à nos prises de position, à notre programme, à nos actions. Et pour 2012, avec ce qu’ils se sont mangé ces dernières années et leur terreur de voir réélu Sarkozy qu’ils vomissent plus que jamais, on peut être encore plus sereins que d’habitude, ils ont encore moins d’alternatives. Les immigrés auront beau vous dire que le PS est un parti blanc, anti-musulmans et sioniste, ils se sentiront – au final – contraints de nous donner massivement leurs voix. Le vote est rarement motivé par une totale adhésion ou par une folle espérance, mais à ce point-là, vous verrez que c’est comique.
Avant de partir en tournée, répétez après moi le slogan qui conclut notre argumentaire : « En 2012, tous ensemble dans la diversité, votons pour que les dirigeants du PS récupèrent enfin le pouvoir, grâce à nos bons petits immigrés et à nos fidèles petits musulmans ».
Fatouche Ouassak, membre du PIR