Il est vrai que Laurent Gbagbo a bien été élu président en 2000 au terme d’un processus que certains qualifient de démocratique, même s’il a fallu pour cela exclure de la vie politique au moins 1/3 de la population ivoirienne de « nationalité douteuse » au titre de la loi xénophobe sur l’ivoirité. Il est vrai qu’à la différence d’Alassane Ouattara, il n’a pas été, lui au moins, intronisé dans le sillage de forces militaires étrangères. Cependant, nul doute que Paris en 2000 lui était alors acquis et a entériné et sa candidature et son élection. D’autant que le parti socialiste et son ami Jospin sont alors aux affaires. Aurions nous aurions écrit « Laurent Gbagbo a été mis en place « avec l’assentiment » plutôt que « par » l’ancienne puissance coloniale » que cela ne changerait rien à cette réalité : Gbagbo en pion docile, s’apprêtait à livrer les intérêts des Ivoiriens aux intérêts des multinationales françaises et au diktat du FMI. En somme à reconduire la France Afrique. D’ailleurs pendant ces dix dernières années, ne l’a il pas démontré amplement ?
La rhétorique anti- française que le nouveau président a adopté sur le tard ne saurait faire illusion. Laurent Gbagbo, pas plus dans son programme électoral que dans son action politique par la suite, n’a jamais, ni remis en question les termes de l’échange inégal entre la France et la Côte d’Ivoire, ni envisagé, même à long terme, le départ des forces françaises de son pays. Au contraire, il s’est toujours comporté en digne continuateur d’un Houphouët au moins jusqu’en 2002. Qui ne dit mot consent et Paris a laissé faire. Du coup, on imagine mal comment sa venue au pouvoir en 2000 pourrait être qualifiée de rupture avec l’ordre ancien. D’ailleurs en 2002, certes l’armée française n’intervient pas à ses côtés comme il le réclame, mais afin qu’il puisse faire face à la rébellion militaire, elle lui fournit des moyens logistiques pour son armée (armes, véhicule, matériel de communication, munitions …).
Le différent qui l’a ensuite opposé à ses anciens maîtres et qui provoquera sa disgrâce ne porte en rien sur un plus qu’hypothétique désir de sa part , de mettre fin au pré carré africain. Il est avant tout dû à sa mauvaise gestion de la crise ivoirienne au regard des intérêts de l’ancienne métropole.
Car il en va ainsi de l’impérialisme, il est pragmatique et sans pitié. Tant que la crise est gérable et que Gbagbo semble pouvoir en finir rapidement avec ses opposants, la France se satisfait de lui, en dépit de son ultra chauvinisme. Mais source de tensions et fauteur de crises à répétitions du fait de son incapacité à tenir la situation, il devient encombrant. C’est pourquoi, le marché ayant horreur de l’instabilité et du risque, on lui préféra ce même Ouattara ex fonctionnaire du FMI, chantre du libéralisme et en apparence plus fiable.
Certes, depuis lesdites indépendances africaines, aucun des dirigeants, ni Houphouët, ni Bongo, ni Bokassa, ni Senghor n’avait jamais été mis en place d’une façon aussi caricaturale que celle à laquelle nous venons d’assister avec Ouattara. Pourtant, à quelques notables exceptions, tous ces régimes se sont bien maintenus par et pour la France. Certes Gbagbo a fait l’objet d’une interruption brutale du contrat de travail qui le liait à la puissance tutélaire, certes au regard de la dignité humaine, la façon dont, lui, sa famille, mais surtout le peuple ivoirien, ont été traités depuis 2002 par les forces néocoloniales françaises, est ignoble. Mais ce dénouement, pour autant, fera t- il de Gbagbo, un nouveau Sankara, Lumumba ou Mandela ? Il est largement permis d’en douter. Quant à la France impérialiste , que ce soit par la canonnière hier ou les hélicoptères de combat aujourd’hui, ses sales méthodes perdurent. Quand donc les Français se libéreront ils de la France Afrique, qui sans doute davantage encore que le traitement des quartiers populaires ou l’islamophobie, est le point de consensus politique le plus solide du pays puisqu’il profite à nous tous ? Une domination de la France sur l’Afrique tellement ancrée dans les esprits que le fleuve Niger pour beaucoup n’est qu’un modeste affluent de la Seine et le Tibesti, une sous région d’Auvergne.
La Rédaction