TOUCHE A MA NATION !
Rebeus, Renois, tous solidaires… Et vous ?
La violence, les incivilités, l’insécurité, ne cessent d’augmenter, nous ne dirons pas le contraire ! Oui, plus encore que dans les périodes antérieures, depuis que Sarkozy est au pouvoir, tout ce qui est noir, arabe, musulman, plus ou moins basané, immigré, enfant d’immigré et habitant des quartiers populaires, est l’objet d’une violence raciste multiforme qui s’exerce dans toutes les sphères de la vie sociale ! Oui, de manière croissante, nous sommes exposés aux insultes, à l’agressivité, au rejet, à l’exclusion, aux brimades, aux contrôles obsessionnels, aux discriminations, aux brutalités et à de multiples atteintes à notre dignité, encouragés sciemment par le racisme d’Etat.
Nous pourrions énumérer la succession des lois, décrets, circulaires, adoptés depuis les dernières présidentielles pour précariser, corseter, surveiller et domestiquer l’immigration. Nous pourrions rappeler l’extension ahurissante des dispositifs policiers dans les quartiers populaires, les contrôles au faciès incessants, les provocations, les humiliations, les violences parfois mortelles, les jugements iniques prononcés par des tribunaux, presque systématiquement favorables à la police. Nous pourrions reprendre les résultats des rapports et des études faites dans le cadre d’institutions officielles, qui, toutes, montrent la persistance ou la progression des inégalités en faveur des « bons » Français, au travail, au logement, dans l’enseignement, dans l’accession aux responsabilités publiques, etc. Nous pourrions remplir des pages et des pages pour recenser toutes les fois où les principaux médias ont fait la promotion de l’islamophobie et de la négrophobie. Mais comment ne le feraient-ils pas, dirions-nous, alors que le président de la République, lui-même, affirme publiquement que l’homme africain n’est pas entré dans l’histoire ? Et que le ministre de l’Intérieur déclare en substance « un arabe, ça va ; plusieurs, bonjour les dégâts » ? On pourrait également revenir sur la loi islamophobe au prétexte du niqab, sur les expulsions et les mesures tout aussi racistes prises à l’encontre des Rroms, ou, encore, sur l’extension des possibilités de déchéance de la nationalité.
On devrait bien sûr parler de la campagne sur l’identité nationale. Bien plus que l’expression d’une dérive accentuée vers les positions de l’extrême-droite lepéniste, elle est l’aboutissement logique, la formule concentrée qui donne son unité et sa cohérence à l’ensemble des politiques racistes entreprises ou renforcées depuis des années. Défendre l’identité nationale, du point de vue des autorités politiques actuelles, c’est réaffirmer et mobiliser le contenu racial de la nation française, c’est nous dire : « Vous ne faites pas partie de la nation ! Vous êtes en dehors de la république ! » Et c’est dire aux « vrais » Français : «Qu’importent vos conditions de vie et de travail, l’urgence aujourd’hui est de défendre la dignité d’être français ! Sus à la racaille ! »
Mais Sarkozy n’a qu’à bien se tenir ! La révolte gronde, titre en substance les médias de gauche ! Parlent-ils des mobilisations qu’organisent les associations d’immigrés ? Parlent-ils des résistances qui se déploient dans les quartiers ? Oh, que non ! Les audacieux adversaires de Sarkozy ne sont autres que S.O.S-Racisme, Libé, BHL, et bien sûr le PS, qui se saisissent de l’expulsion des Rroms et de la loi sur la déchéance de la nationalité pour faire une rentrée politique théâtrale. « Touche pas à ma Nation !», proclame sans crainte l’Appel rendu public à grand renfort médiatique le 14 septembre dernier. Des milliers de signatures affluent. La gauche pâle est ravie. Elle a enfin trouvé une formule « sympathique » et « de gauche » pour dire son alternative à la politique de l’identité nationale, comme elle avait trouvé, dans le célèbre « Touche pas à mon pote ! », une formule « sympathique » et « de gauche » contre la politique raciste du Front National.
En vérité, le « Touche pas à mon pote », comme on dit mon petit Arabe ou mon petit Black, était d’abord une parole de Blanc adressée à des oreilles de Blancs, les principaux concernés par la lutte antiraciste étaient mis ainsi sur la touche. Initiée par la même clique, le « Touche pas à ma Nation » a la même inspiration. Il inclut implicitement le « Touche pas à mon pote », que symbolise en outre la petite main jaune reprise dans la nouvelle campagne. « Touche pas à ma Nation », c’est toujours des Blancs qui parlent à des Blancs. Mais, cette fois, sous couvert d’antiracisme, il s’agit de rendre « sympathique » et « de gauche » le mot d’ordre de « défense de la nation ». Il s’agirait désormais de « protéger » une prétendue conception républicaine de la nation contre la politique de Sarkozy. Contrairement à ce que laisse croire le mythe républicain, le système national sur lequel repose la République n’est pas égalitaire, il est, entre autres choses, racialement hiérarchisé ! Un secret de Polichinelle que la maladresse de l’actuel président fait voler en éclat au grand dam des pleurnicheurs de Libé.
SOS, BHL, Fourest, et consort, qui n’en sont pas à une roublardise près, en appellent donc à l’opinion publique pour qu’elle défende la vraie, la bonne nation « à la française », soit disant égalitaire et fraternelle. En signant un Appel porté par des associations et des personnalités aux objectifs des plus suspects, de vrais militants antiracistes, probablement soucieux du plus large consensus contre Sarkozy, ont pris ainsi le risque de donner leur caution à cette nouvelle mouture du mot d’ordre de « défense de la nation » qui dissimule la réalité de la République derrière les mots de la République.
Pour notre part, nous savons ce qu’il en est : toute défense des « principes constitutifs de la Nation » qui ne s’appuierait pas sur une critique de la nation telle qu’elle s’est effectivement constituée sur la base des inégalités raciales, est nulle et non avenue !
La riposte que nous opposons à la politique raciste de l’identité nationale s’inscrit dans la durée, car elle a l’ambition d’être efficace. Nous n’avons pas de gadget électoral à proposer, ni de recette miracle qui réglerait tous les problèmes une fois pour toute. Nous avons à partager une volonté de lutte qui s’enracine dans notre conviction profonde que les institutions de ce pays doivent être changées pour que tous ceux qui y résident puissent contribuer pleinement à sa vie, à sa culture, à son identité, nécessairement multiple. Alors que Sarkozy nous ordonne de nous soumettre à ce qu’il appelle l’identité nationale, que SOS et BHL s’élèvent en avocats des « principes constitutifs de la Nation », nous affirmons notre détermination à transformer la nation française, ET ses principes ET sa réalité. Touche à ma nation ! C’est notre droit et notre devoir. Tous ceux qui résident en France feront la France de demain !
Le combat qui est le nôtre a pour but de déblayer le terrain à une véritable alternative pluriculturelle décoloniale, indissociable de tous les dispositifs qui doivent également être mis en place contre les inégalités raciales. Il s’agit de mettre en place des mécanismes institutionnels permettant la promotion des multiples cultures populaires écrasées par deux siècles de centralisme parisien uniformisateur puis par la mondialisation libérale, de reconnaître et d’encourager le développement des cultures portées par les populations issues de l’immigration coloniale, de favoriser enfin des échanges interculturels égalitaires. Le pluriculturalisme exige une refonte du modèle instauré par la République, l’inscription institutionnelle des droits collectifs des minorités culturelles, linguistiques et nationales, anciennes et nouvelles, territorialisées ou non territorialisées, dans les domaines qui les concernent spécifiquement, et dans le respect des libertés individuelles. Un tel projet pluriculturel et interculturel, adossé à une politique volontariste contre les inégalités raciales, pourrait fonder une reconnaissance nationale pluri-identitaire. Il nécessite, en outre, la révision d’une laïcité, trop marquée aujourd’hui par son sectarisme vis-à-vis des cultes et par quelques privilèges accordés à l’Eglise catholique. Une autre laïcité devra préserver la séparation de l’Etat et des institutions religieuses mais considérer les croyances, chrétiennes, musulmanes, juives comme les spiritualités d’origine africaine, antillaise ou d’ailleurs, comme autant de besoins sociaux et comme des composantes à part entière de l’identité de ce pays. Le pluriculturalisme et l’interculturalisme réellement assumés ont également comme impératif une réforme des programmes de l’enseignement destinée à battre en brèche le national-chauvinisme et l’européocentrisme qui les caractérisent actuellement.
Ce ne sont là que quelques pistes, mais elles ébauchent une logique de réformes autour desquelles il faudra se battre pour rassembler une majorité de citoyens. Les Renois et les Rebeus construisent peu à peu leur solidarité. Le cercle des solidarités devra encore s’élargir pour constituer une nouvelle majorité décoloniale. Nos portes sont ouvertes. La fraternité n’est pas un point de départ, elle est un projet. Il ne tient qu’à vous de la construire. Il ne tient qu’à vous de vous engager dans l’avenir. Serez-vous des nôtres ?
Pour manifester notre détermination à agir contre l’islamophobie et la négrophobie, pour rappeler à ceux qui l’auront oublié que nos cultures et nos combats ont transformé la réalité nationale française et que nous continuerons à « toucher à la nation », nous devons être nombreux à défiler dans les rues le 8 mai prochain.
Venez toutes et tous à la…
MARCHE DES INDIGENES DE LA REPUBLIQUE, LE 8 MAI 2011. Départ à 15h, Métro Barbès, Paris
Le PIR, Saint-Denis, 1er novembre 2010