A en croire les sondages, la majorité de l’opinion française approuve le discours présidentiel, sinon dans son aspect ethnicisant, au moins sur le plan du raidissement sécuritaire. Même si la prudence est de mise s’agissant de sondages très adroitement construits tant pour orienter les réponses que pour influencer l’opinion publique, le terrain est depuis longtemps préparé à l’escalade sécuritaire.
La gestion par la peur est une caractéristique de la vie politique française. L’approche, électoralement efficace, a été conçue pour les couches âgées qui détiennent le pouvoir économique et pèsent de manière décisive lors des scrutins. Le sentiment d’être envahi par des hordes d’étrangers inassimilables est en permanence cultivé par une partie de la droite «de gouvernement» qui reprend à son compte les propositions de l’extrême droite. La gauche n’est pas en reste et contribue activement à renforcer ce courant en s’emparant de toutes les perches islamophobes tendues par des faiseurs d’opinions aux inclinations idéologiques très connotées.
Le terrain est d’autant plus propice que la France n’a pas pour usage de solder ses comptes historiques : on préfère l’occultation plutôt que d’affronter un passé qui compte nombre de pages glorieuses, certes, mais où de sinistres zones d’ombre ne sont jamais ou trop tardivement éclairées.
L’expression aussi tonitruante de thèses xénophobes est sans précédent au niveau des sphères officielles de la République, et plus encore à celui du chef de l’Etat. Les déclarations ambiguës n’ont pas manqué, mais jamais des catégories de Français n’ont été à ce point publiquement ciblées ; jamais on n’a aussi clairement démontré qu’il existe bien une hiérarchie de la citoyenneté, au bas de laquelle se situent, avec les Roms, les Africains et les Maghrébins. Jamais non plus un ministre de souveraineté n’avait été condamné en première instance à ce stade pour propos racistes.
Le discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy a choqué nombre de personnalités, parmi lesquelles le très conciliant Michel Rocard, qui le condamnent avec véhémence. L’ancien Premier ministre de François Mitterrand évoque le risque de «guerre civile» et compare certaines propositions de l’exécutif français, celle visant à emprisonner des parents pour des forfaits commis par leurs enfants, aux mesures de punition collective du nazisme. Le propos est fort.
A l’étranger, le New York Times, qui célébrait hier son atlantisme sans réserve, fustige le chef de l’Etat français qui, au nom de «calculs à court terme», verse dans la xénophobie.
Il s’agit, bien sûr, de faire diversion sur les scandales qui pèsent sur une présidence controversée. Mais au-delà de l’étroite scène politique interne, des observateurs se demandent si l’exécutif français ne se livre pas à un conditionnement de l’opinion à des fins plus stratégiques. La France est en effet en pointe dans la coalition anti-iranienne et pourrait jouer un rôle actif dans la guerre qui se prépare contre Téhéran.
K. Selim
SOURCE : le quotidien d’Oran