Nous sommes en droit de connaître la vérité sur sa mort survenue le 15 juin dernier, dans des circonstances non élucidées à ce jour.
M. le Procureur, nous, réunis ici, ce 2 octobre, devant le Tribunal de Belfort, nous vous interpellons publiquement. Qu’avez-vous fait, M. le Procureur, depuis le 15 juin pour la manifestation de la vérité ? A peu près rien ou si peu !
L’on peut raisonnablement penser qu’informé de ce rassemblement devant le Tribunal, vous avez, cette fois, fait preuve de célérité. Notre avocat vient de nous avertir ce matin-même que le dossier d’autopsie, réclamé depuis le 13 juillet dernier, venait de lui parvenir !
Nous vous rappelons que, suite à son interpellation policière, Rabah Bouadma, conduit à la gendarmerie de Delle, est décédé dans des circonstances non élucidées, avant ou à l’occasion de son transfert à l’hôpital.
Que s’est-il passé dans les locaux de la Gendarmerie ? Nous n’en savons rien !
Que s’est-il passé pendant son transport à l’hôpital ? Nous n’en savons rien !
Qu’est-ce qui a provoqué le décès de Rabah ? Nous n’en savons toujours rien !
Veut-on cacher la vérité ? Qui veut-on protéger ?
Nous sommes toujours en droit de nous poser ces questions.
Que dit, sous réserve de plus d’investigation, le rapport d’autopsie ? Nous avons désormais la certitude que Rabah Bouadma n’est pas mort de mort naturelle. Il est décédé, en position ventrale, suite à des coups reçus et à l’injection de produits sédatifs.
Nous vous rappelons, M. le Procureur, que depuis le 15 juin, un certain nombre de faits troublants nous inquiétaient. Nos questions étaient sans réponses
Pourquoi, le 15 juin, la famille n’a pu avoir voir le corps au funérarium de Danjoutin ?
Pourquoi un nouveau refus le 18 juin ?
Pourquoi, M. le Procureur, n’avez-vous pas répondu à la lettre que Hassen, le frère de Rabah, vous a adressée le 18 juin ?
Pourquoi vos services ont-ils laissé entendre aux journalistes de l’Est Républicain que le Parquet allait ouvrir une information judiciaire alors même que cette information a été démentie le 22 juin ? Ce jour-là, en effet, Hassen, le frère de la victime, était averti qu’aucune information judiciaire n’était ouverte.
Parce que ces faits étaient plus que troublants, nous avons saisi un avocat. 150 personnes ont manifesté à Delle le 4 juillet en mémoire de Rabah Bouadma et, afin que vous, M. le Procureur vous fassiez diligence. Et depuis, jusqu’à ce matin-même, nous n’avions de votre part que des réponses dilatoires. Notre avocat, Maître Schwerdorffer, qui, vous le savez, est un auxiliaire de justice indépendant, lui non plus, n’avait pu obtenir satisfaction malgré ses multiples interpellations.
Ce n’est que ce matin, et j’insiste, que le rapport d’autopsie lui a été communiqué. Faut-il vous rappeler M. le Procureur que Maître Scwerdorffer vous a saisi le 13 juillet par lettre recommandée pour avoir accès à la totalité du rapport d’autopsie. Il vous a relancé à plusieurs reprises y compris par téléphone. Vous lui avez dit ou fait dire que vous alliez l’informer, que cette affaire ferait l’objet d’un suivi rigoureux, que vous vous occupiez de tout… Ce n’est que ce jour que vous lui avez adressé le rapport d’autopsie que vous déteniez.
Fau-il vous rappeler, M. le Procureur, que vous vous êtes contenté, avant la manifestation d’aujourd’hui, de faire parvenir à notre avocat les seules conclusions lapidaires du rapport d’autopsie que vous déteniez. Conclusions qui, en elles-mêmes, ne disaient rien sur l’origine du décès de Rabah Bouadma ! Vous ne pouvez ignorer que les termes « détresse respiratoire » provoquant un « processus d’asphyxie » suivi d’un « arrêt cardiaque » ne disent rien sur ce qui a provoqué la détresse respiratoire.
Nous sommes aujourd’hui le 2 octobre, plus de 3 mois se sont écoulés depuis le décès de Rabah Baoudma ! Nous sommes stupéfaits de la lenteur de l’institution judiciaire que vous représentez. Nous ne pouvons qu’exprimer notre mécontentement face à votre manque de considération pour un auxiliaire de justice, notre avocat, qui n’a pu obtenir satisfaction à ses demandes que sous la pression de notre manifestation publique.
Peut-on penser, M. le Procureur, que si la victime avait eu la peau blanche, que si elle avait appartenu à une famille de notable, vous auriez peut-être agi avec plus de diligence ?
La justice, dans ses fondements, n’est pas, que nous sachions, une justice ethnique, raciste comme ce fut le cas sous le régime de Vichy. Elle proclame l’égalité de tous les justiciables, elle ne prend en considération dans ses principes ni la couleur de la peau, ni l’origine sociale comme critères discriminants.
Nous voulons croire que nous ne sommes plus au temps où Victor Hugo s’indignait que l’on ne traite pas de la même manière le puissant et le misérable !
M. le Procureur, trop d’affaires racistes, trop de bavures policières empoisonnent le lourd climat social dans les quartiers populaires.
M. le Procureur, votre responsabilité est engagée. Rabah Bouadma n’est pas mort de mort naturelle. Vous ne pouvez pas classer sans suite cette affaire. Vous devez ouvrir une information judiciaire pour la manifestation de la vérité et de la justice. Par l’intermédiaire de notre avocat, nous allons vous demander la nomination d’un juge d’instruction. Nous souhaitons désormais que la Justice fasse preuve de célérité.
M. le Procureur, votre responsabilité est engagée.
Le comité Vérité et Justice
Le 2 octobre 2009