Intervention de Houria Bouteldja (MIR) à la Vème Marche des indigènes de la république, Paris, le 8 mai 2009
Frères et sœurs, amis anticolonialistes,
Merci d’avoir été avec nous pour honorer la mémoire de nos martyrs, ceux de Sétif, Guelma, Kherrata mais aussi ceux de Madagascar, du Cameroun, du Viêt-Nam et les millions d’autres victimes du colonialisme.
Merci à ceux qui nous sont fidèles depuis la 1ère marche des indigènes le 8 mai 2005.
Merci et bienvenu aussi à ceux qui nous ont rejoints cette année.
Je ne remercie pas, par contre, ceux qui nous gouvernent !…
Cette marche des indigènes est la 3ème depuis l’élection de Sarkozy et, depuis, la situation qui est la nôtre ne fait que s’aggraver :
– la répression contre l’immigration et les sans papiers se renforce,
– la politique sécuritaire dans les quartiers s’accentue,
– les discriminations raciales sont toujours aussi massives,
– le clientéliste, le paternaliste et la division ethnique sont toujours le seul mode de gestion des quartiers populaires
– Contrairement à ce que prétend Rama Yade, la politique coloniale française, est toujours là. La Françafrique toujours bien présente. La France vient de départementaliser Mayotte. Elle n’hésite pas à violer le droit international pour arriver à ses fins. En Guadeloupe, la gigantesque mobilisation de masse dirigée par le LKP – auquel je rends hommage ici – a révélé une fois de plus la persistance de la politique coloniale et raciale de la République.
– Sur l’essentiel, la politique étrangère de Sarkozy et Kouchner s’inscrit de plus en plus nettement dans l’agenda américain. Et cela va s’aggraver avec le retour de la France au sein du commandement intégré de l’OTAN. Avec le soutien du PS, Sarkozy a renforcé la présence militaire française en Afghanistan. Quant à Kouchner, il n’hésite pas à recevoir en grande pompe le raciste ultra sioniste Avigdor Lieberman.
– La France prétend maintenir une position « équilibrée » dans ce qu’ils appellent le « conflit israélo-palestinien » mais, ne nous y trompons pas : il y a bien longtemps qu’elle a prit le parti d’Israël. Plus que jamais et bien avant les odieux massacres de Gaza, elle est s’engagée auprès d’Israël, des Etats-Unis et de l’Egypte pour étrangler la résistance palestinienne. A Durban II, la diplomatie française a fait bloc avec l’ensemble des puissances occidentales contre les peuples du tiers monde. Soutenue par la plupart des médias, elle est montée au créneau pour empêcher toute critique de la politique israélienne. Le soutien gouvernemental à Israël est tel que le ministère de l’Intérieur laisse agir les groupuscules racistes et ultrasionistes comme le Bétar ou la LDJ qui viennent encore d’organiser des commandos pour tabasser des militants de la cause palestinienne.
Sœurs et frères,
Cette situation ne tombe pas du ciel : elle est le produit d’une histoire !
Une histoire d’oppression coloniale, esclavagiste, de racisme, de spoliation des richesses des peuples, de génocides, de tentatives répétées pour détruire des identités culturelles et religieuses, de mépris pour les civilisations qui ne sont ni blanches, ni européennes, ni chrétiennes.
Mais cette histoire est aussi une histoire de résistance, de combats acharnés, de guerres menées par nos ancêtres colonisés au nom de leur dignité et pour leur indépendance.
Tous ces portraits que nous brandissons aujourd’hui représentent des figures majeures de la résistance anticoloniale. Et il y en a bien d’autres. Tous ces héros nous montrent le chemin. Nous leur rendons hommage, nous honorons leur mémoire, nous honorons leur combat en le poursuivant aujourd’hui.
Nous sommes leurs héritiers !
Chers frères, chères sœurs,
Parce que nous sommes leurs héritiers, parce que c’est leur souffle qui nous guide, nous n’avons pas le droit de les trahir ! Nous ne pouvons pas, nous n’avons pas le droit de nous allier à des forces racistes, colonialistes et prétendument antisionistes ! Les ennemis de nos ennemis ne sont pas forcément nos amis ! Le combat antisioniste, le combat de Azzedine Elqassam, de Arafat, de Georges Habbache, de cheikh Yassine (Allah yarhamhom !), le combat anticolonialiste et antiraciste de Mandela, Fanon, Césaire, Malcolm X, Angela Davis, Sankara, Lumumba et bien d’autres est beaucoup trop précieux pour le corrompre aujourd’hui avec une extrême droite française toujours fière d’avoir torturé en Algérie ; une extrême droite qui a organisé des ratonnades contre les arabes et les noirs ; une extrême droite qui dénonce l’islamisation de la France, qui exige toujours plus de répression contre l’immigration et dans nos quartiers, qui justifie la chasse aux sans papiers. Une extrême droite qui, au nom du patriotisme, rêve de faire de nous les nouveaux tirailleurs de l’impérialisme bleu/blanc/rouge. Nous n’avons aucun intérêt commun avec ces gens-là !!! Une alliance, même tactique, avec eux, est d’abord une grave erreur politique et un piège que nous tendent nos adversaires : elle nous détourne de nos vrais combats ; elle nous engage dans des polémiques médiatiques qui ne sont pas les nôtres ; elle contribue à semer la confusion, à obscurcir les vrais enjeux de nos luttes, à nous faire dévier de nos véritables objectifs !
Mais une telle alliance, c’est plus qu’une erreur, c’est une faute ! Oui, c’est une faute ! Une faute morale, un non sens historique. Nos seuls guides sont nos martyrs, nos valeurs, notre foi et notre profond anticolonialisme. Nos seuls alliés sont ceux qui les défendent.
Que nous soyons originaires d’Afrique, du monde arabo-musulman, des Caraïbes, habitants des cités ou tout simplement anti-colonialistes, nous devons nous unir dans ce combat commun au nom de notre dignité en France. Nous devons nous unir pour exprimer ensemble notre solidarité avec tous les peuples en lutte. Nous devons nous unir pour apporter notre soutien inconditionnel à la lutte du peuple palestinien pour retrouver sa terre. Et aucun chantage à l’antisémitisme ne nous fera reculer.
Frères et sœurs,
Notre histoire nous enseigne que seule une force organisée et autonome peut guider notre combat. Les indigènes de la république se sont engagés à la construire. Nous devons construire notre propre parti. Le parti de notre histoire et de notre avenir. Rejoignez-nous !
Wa salam aleykom, salut à toutes et à tous !
Houria Bouteldja,
Porte-parole du MIR
8 mai 2009