L’enquête sur «l’affaire Julien Dray» est concentrée depuis plusieurs semaines dans le décryptage des comptes des associations citées dans le dossier, notamment celle des «Parrains de SOS-Racisme». Les policiers de la brigade financière ont ainsi entendu à la fin du mois dernier les plus généreux donateurs de cette association créée en 1984 et présidée par Pierre Bergé.
Le chef d’entreprise Gilbert Wahnich a ainsi été interrogé sur un chèque de 35 000 euros versé le 31 juillet 2008 aux «Parrains de SOS-Racisme». L’entrepreneur classé par le magazine Challenges, 221e fortune de France et aujourd’hui à la tête des sociétés Treca et Dunlopillo, célèbres pour leurs matelas, a, sans aucune difficulté, confirmé son versement et mis en avant sa volonté d’appuyer la lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Il fut, entre 2006 et 2008, l’un des plus grands donateurs de l’association des Parrains, loin, toutefois, derrière Pierre Bergé, donateur au total de 110 000 euros.
D’autres donateurs et prestataires de l’association «historique» SOS-Racisme se sont en revanche étonnés, durant leurs auditions récentes, d’une confusion entretenue entre les comptes de la maison mère «SOS-Racisme» et celle, plus récente, des «Parrains de SOS-Racisme». Les services comptables de la chaîne de télévision Arte, intervenue dans la retransmission audiovisuelle de l’un des concerts organisés par SOS-Racisme au Zénith, ont ainsi adressé un chèque de 35 000 euros aux Parrains en novembre 2007. Un représentant de la chaîne, interrogé par les enquêteurs, a d’ailleurs admis avoir reçu une facture à l’entête des Parrains. Parrains dont le concert ne faisait pas mention.
Enfin, comme le révèle cette semaine L’Express, la brigade financière a entendu comme témoin l’ancien directeur de l’information de TF1, Robert Namias. Le journaliste a eu la surprise de découvrir de la bouche des enquêteurs qu’un chèque de 300 euros qu’il avait libellé au nom de SOS-Racisme à l’issue du dîner de soutien de l’association s’était vu rajouter grossièrement la mention «les Parrains de»…
Un chèque signé François Mitterrand
Manipulations financières litigieuses ou arrangements imprudents de la comptabilité ? La police cherche toujours à décrypter les mouvements de fonds. Dans ses constatations initiales, Tracfin, la cellule antiblanchiment du ministère de l’Économie et des Finances, soupçonnait une structure à trois étages : des flux financiers allant des Parrains de SOS Racisme à deux proches du député et ensuite à Julien Dray.
«Pas un seul euro n’est sorti de l’association des Parrains de SOS-Racisme pour aller dans la poche de Julien Dray», a rétorqué Pierre Bergé lors de la soirée annuelle de l’association, en février dernier. À SOS-Racisme, on affirme par ailleurs que des passerelles ont de tout temps existé entre l’association mère et celle des Parrains, notamment pour assurer le paiement des factures dans le laps de temps s’écoulant entre le moment où les subventions publiques sont votées et celui où elles sont versées. «Bien des associations fonctionnent ainsi», estime Jacky Benazerah, avocat de l’association.
Pour l’anecdote, un ancien de l’association rappelle qu’un chèque adressé à SOS-Racisme n’a même jamais été encaissé et est resté longtemps encadré dans le bureau du trésorier. Il s’agissait d’un chèque qu’avait signé François Mitterrand à l’issue d’un dîner de l’association dans les années 1980.
Ce chèque-là, dont la seule valeur est aujourd’hui historique et politique, n’aurait pas été saisi par les enquêteurs. Quatorze autres chèques, plus récents et libellés aux «Parrains», ont en revanche été retrouvés par Tracfin et transmis aux policiers. Ces derniers devraient poursuivre leur examen comptable avant d’envisager de nouvelles auditions.
Mathieu Delahousse
SOURCE : Figaro