Elle paraît toute menue dans sa grande robe noire, les cheveux pudiquement cachés sous un foulard au liseré blanc. Ce foulard, Chérifa Larabi-Baroudi, 34 ans, le porte depuis quelques mois seulement. Le choix d’une femme musulmane, le choix d’une adulte, qu’elle assume pleinement et qui lui a valu récemment une expérience douloureuse.
Fin 2008, Chérifa décide de s’inscrire dans un club de fitness. Elle habite Fameck mais opte pour la salle Body Best à Serémange-Erzange. « J’avais fréquenté ce club pendant deux ans, peu après son ouverture, et cela s’était très bien passé. Les contacts avec le gérant étaient cordiaux. D’ailleurs, il m’a tout de suite reconnue lorsque je suis venue m’inscrire. »
Effectivement, Laurent Gassmann, propriétaire de Body Best, est heureux de voir revenir une cliente. Dans son bureau, au moment de la signature du contrat d’adhésion, il ne peut manquer de remarquer que Chérifa porte désormais le foulard musulman. Mais il n’y fait pas allusion. « Aujourd’hui, je reconnais que c’était une erreur de ma part, avoue-t-il. J’aurais dû lui signaler tout de suite qu’elle ne pourrait pas le porter à l’intérieur du club. Comme elle ne le portait pas lors de son précédent passage chez moi, je pensais que cela allait de soi. »
Un règlement illégal
Malentendu, défaut d’information, incompréhension, Chérifa ne se doute pas un instant que son apparence physique puisse poser problème. « Le règlement intérieur du club stipulait que nous devions avoir une paire de baskets réservée à l’usage de la salle et des serviettes de toilette propres. » Laurent Gassmann nuance : « Dans la salle, une affiche mentionnait que les adhérents devaient porter une tenue propre et correcte sans signe extérieur d’opinion politique, religieuse ou raciste. Cette affiche était sans doute difficile à voir car elle était en partie recouverte de petites annonces laissées par les clients. Il faut dire qu’en neuf ans d’exercice, je n’avais jamais eu besoin d’y faire référence. »
Chérifa est en plein exercice sur un appareil de musculation lorsqu’elle se voit demander « d’enlever son » tchador » ou de quitter la salle ». « Avec le bruit, j’ai cru mal entendre, je l’ai fait répéter. C’est inadmissible de vivre ça en 2009. Je travaille au Luxembourg dans une banque japonaise. En tant que réceptionniste, je suis la première personne que les clients voient en entrant et cela ne gêne personne que je sois voilée. Alors pourquoi cela dérangerait les adhérents de la salle ? »
En voulant préserver une ambiance « neutre et sereine » dans son club, le gérant s’est embarqué dans « une polémique religieuse qui le dépasse ». « J’étais prêt à discuter avec Chérifa pour qu’elle cache ses cheveux plus discrètement mais elle m’a expliqué que c’était une question de respect envers Dieu. Dans l’affaire, j’ai perdu une bonne cliente et de l’argent puisque je l’ai intégralement remboursé, elle et une de ses amies qui a quitté le club par solidarité. »
Blessée, Chérifa a décidé de ne pas en rester là. Plainte a été déposée auprès du commissariat de Hayange pour discrimination à caractère religieux.
Stéphanie PICHARD
Source : Le Républicain Lorrain