Observation n° 2. Dans le Point du 15 janvier, Claude Imbert, éditorialiste raffiné, analysant (délicatement) quelques répercussions franco-françaises des tueries de Gaza (où il voit quant à lui, c’est l’un de ses mystères, l’effet d’une « radicalisation de la guerre livrée à Israël »), fait la révélation que, désormais, « dans tous les cafés arabes » de Paris (et probablement de ses banlieues mélangées), « l’antisionisme se mue en antisémitisme déclaré (2) ».
Or, que trouve-t-on, dans « les cafés arabes » (reconnaissables d’assez loin à leurs élancés minarets) ? Des Arabes, naturellement. (Éventuellement, aussi : quelques mahométans. Souventes fois, ce sont les mêmes.) Dès lors, chacun(e) l’aura compris : quand Imbert énonce que « dans tous les cafés arabes, l’antisionisme se mue » aujourd’hui « en antisémitisme déclaré », il induit que les Arabes qui peuplent ces cafés sont tous antisémites. Et ça – n’est-ce pas ? -, c’est une illustration chimiquement très pure de ce qu’Albert Memmi dépeint comme la réduction d’un groupe humain prétendument homogène à une différence imaginaire – mais infamante.
En 2003, le même Claude Imbert, anticipant l’avènement du sarkozysme désinhibé, avait publiquement fait cette crâne confession : « Je suis un peu islamophobe, ça ne me gêne pas de le dire. J’ai le droit de penser que l’islam, je dis bien l’islam, je ne parle même pas des islamistes, apporte une débilité qui en effet me rend islamophobe. » Je suis chez moi, je vais pas m’laisser emmerder. On voit qu’en cinq années sa pensée a mûri, passant du postulat que l’islam débilise à l’hypothèse (hardie) que l’Arabe xénophobise : Claude Imbert a comme ça des audaces bien de leur temps.
Sebastien Fontenelle, 22 janvier 2009
Sébastien Fontenelle
Notes
(1) Le Racisme, Folio.
(2) Claude Imbert est un natural born enquêteur : on devine qu’il a mené, depuis le déclenchement des bombardements israéliens, une investigation de (très) longue haleine, pour constater que les troquets rebeus sont devenus des repaires de nazis. Il faut l’imaginer, courant de bar en bar au son d’un rugueux raï, le ventre gonflé de trop de thés à la menthe, pour bien mesurer ce que le (dur) métier de journaliste dominant exige d’aride abnégation…