La République a craché le morceau. Elle a montré à quel point sont associées, dans l’imaginaire comme dans le réel, la politique néocoloniale en Afrique et le traitement en France-même des populations issues de la colonisation et de l’esclavage. En plaçant, l’identité nationale, variation actuelle du vieux refrain nationaliste et colonial, sous l’autorité de l’Etat, en liant immigration et identité nationale, Sarkozy suggère de manière scandaleuse que les migrants constitueraient une menace contre cette identité française. Mais, au-delà, c’est l’ensemble des populations issues des anciennes colonies qu’il stigmatise.
A travers lui, la République dit désormais tout haut ce qu’elle pensait tout bas : les Français noirs, arabes et musulmans ne sont que de « faux français ». Ils ne peuvent participer à ce qu’est la France. Sujets et non citoyens, ils se doivent d’accepter sans mot dire les inégalités raciales. Ils se doivent d’oublier leurs cultures, leurs langues, de nier la richesse et la multiplicité de leurs histoires. Pour être tolérés, ils doivent admettre leur archaïsme en se prosternant devant l’« identité nationale », c’est-à-dire la Glorieuse Histoire de France. Ainsi, peut-être (mais c’est pas sûr), ils montreront qu’ils sont capables – progressivement, très progressivement… d’accéder à la Civilisation.
La constitution du ministère de l’indigénat n’est que l’aboutissement d’une offensive dont on a vu les prémisses dès le tournant des années 1980 alors que les héritiers de l’immigration postcoloniale ont émergé sur la scène politique et culturelle avec leurs luttes et leurs revendications : fermeture des frontières, politique de l’ « intégration », politique de la ville, tournant sécuritaire, gestion coloniale de l’islam doublée d’une vague islamophobe, réhabilitation de la colonisation, négationnisme historique concernant l’esclavage, glorification d’une certaine « histoire de France », réformes successives du Code de la nationalité, révision raciste de la laïcité… Autant de champs d’action où s’est déployée cette offensive destinée à nous remettre à notre place d’indigènes.
Sarkozy a franchi un pas supplémentaire qu’il avait commencé à mettre en oeuvre lorsqu’il était ministre le l’Intérieur et qu’il a annoncé explicitement lors de sa campagne électorale. Sus à l’immigration ! Sus aux DOP-TOP (Départements et territoires d’Outre périphérique) où se concentrent ceux qui polluent la France ! Vive la Nation française éternelle ! C’est sous ainsi qu’il envisage de « moderniser » la France. Déjà son ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale s’apprête à faire passer une loi durcissant encore plus qu’elles ne l’étaient les conditions exigées pour le regroupement familial, imposant notamment la maîtrise du français et l’engagement pour les nouveaux arrivants de respecter les lois et les « valeurs » de la République.
MIR
(28 Juin 2007)