Tribune

Un pouvoir qui matraque la jeunesse est faible et méprisable

Depuis novembre dernier et la proclamation de l’état d’urgence, l’État de la régression sociale et de la matraque a brutalement accéléré sa décomposition. Sa soumission à un capital piaffant d’impatience de pouvoir exploiter et jeter n’importe qui, quand et comme ça lui chante, est radicalement décomplexée. Le nombre de celles et ceux qui, se battant sans courber l’échine pour leur dignité, leur avenir, ou tout simplement leur quotidien, peuvent être traînés devant les tribunaux, traités comme des terroristes et, à l’image des Goodyear, condamnés à de la prison ferme, ne cesse de croître. Au même rythme ont progressé les violences policières les plus méthodiques.

La jeunesse étudiante et lycéenne en fait les frais depuis plusieurs semaines, à un niveau de répression proprement insoutenable. Les 300 et quelques arrestations lors de la manifestation du 29 novembre à République contre la COP21 étaient bien un avant-goût. Depuis le 17 mars et l’expulsion violente d’un groupe d’étudiant-e-s de l’université de Tolbiac, chaque journée de mobilisation des jeunes occasionne un crescendo dans les gazages, les matraquages et les interpellations. Quelle honteuse hypocrisie quand Bernard Cazeneuve se dit « choqué » de la violence par laquelle un jeune de 15 ans, du lycée Bergson à Paris, avait été le 24 mars tabassé par trois policiers surarmés. Le 5 avril, ce sont encore plus de 130 lycéen-ne-s, gazé-e-s et matraqué-e-s par des CRS et policiers en civil, qui ont été interpellé-e-s avant même d’arriver à la manifestation prévue à Bastille l’après-midi. Quant à ce 14 avril, le nombre de casques, de tonfas, de gazeuses et de boucliers destinés à enfermer le cortège parisien pourtant pacifique était tellement important, un drone couvrant carrément la zone, que des passants ont demandé si c’était… une manifestation de policiers. La liste est longue, et le procédé n’est pas seulement parisien. Nantes, Rennes, Lyon, Strasbourg, Montpellier, Rouen, Caen, Grenoble, Toulouse etc., l’ont également subi. Et, bien sûr, les grévistes de Mayotte.

 

Combien de crânes ouverts et autres blessures graves, d’hospitalisations comme de points de suture, de tirs de flashballs, d’insultes, de menaces, d’arrestations jusque devant les lycées, de gardes à vue et de procès, avant que nous ne cessions de tolérer cela ? Combien de Malik Oussekine, combien de Rémi Fraisse, finiront-ils par s’autoriser, combien  d’Amine Bentounsi,  de Zyed Benna, de Bouna Traoré et de violences policières quotidiennes dans les quartiers populaires surviendront encore, si nous ne mettons pas un terme à cette mécanique aussi sinistre qu’indigne ? Une telle violence exprime bel et bien l’infini mépris à l’égard de ces jeunes que Hollande avait prétendu mettre au cœur de son mandat. C’est ce pouvoir qui matraque la jeunesse qui est aussi faible et apeuré que méprisable. Il tremble devant elle, car sa radicalité n’est pas contrôlable. Il sait que la colère et la solidarité des jeunes contre ce qui n’offre que désespoir, misère et régression, grandissent. Il n’a pas oublié l’influence déterminante qu’elles et ils peuvent avoir sur l’ensemble des travailleur-se-s. La façon incroyablement violente dont les CRS ont « accueilli » les étudiant-e-s venus rencontrer les cheminots à la gare Saint Lazare mardi 12 avril, et arrêté arbitrairement l’un d’entre eux,  illustre avec éloquence sa hantise à l’égard de toute jonction des étudiant-e-s et des salarié-e-s.

 

Alors que des politiciens, jusque dans les rangs du PS, veulent aller jusqu’à dissoudre « Nuit Debout ! », le gouvernement, profitant de l’ambiance entretenue par un blackout aussi complet que complice de la part des grands médias, lâche ainsi quelques miettes d’un côté tout en laissant, de l’autre, se succéder des journées saute-moutons qui, à elles seules, l’impressionnent peu. En tout cas bien moins que cette jeunesse déterminée qu’il cherche, à l’orée des vacances scolaires, à briser par la force.

 

Laisser la matraque impunie, c’est porter aussi une immense responsabilité. La condamnation de cette violence récurrente devrait être sans appel ; or, on est encore bien en-deçà du nécessaire à l’échelle nationale. Les prises de position locales, lorsqu’elles existent, de partis, syndicats, associations en tout genre, ou encore au sein de corporations comme les enseignants et universitaires, restent largement insuffisantes à ce jour pour briser l’omerta. Il n’y a rien à relativiser ni à nuancer. Il est grand temps de se déshabituer de ce qui n’a aucune justification possible, sinon l’arbitraire des princes de l’État policier et du CAC40. Il est grand temps qu’avec les étudiant-e-s, les lycéen-ne-s, les travailleur-se-s qui se battent non seulement contre un projet de loi inique, mais de plus en plus aussi pour une vie qui ne soit pas une simple survie, nous fassions masse pour y mettre fin.

 

Pour s’associer à cet appel, écrire à stopviolencespolicieres@laposte.net

 

 

PremierEs signataires :

 

Jean Agnès (professeur honoraire, philosophe de l’éducation)

Pierre Alferi (écrivain)

Eric Alliez (philosophe, Université Paris 8 / Kingston University)

Jean-Claude Amara (Droits devant !)

Bruno Andreotti (physicien, Université Paris Diderot)

Ludivine Bantigny (historienne, Université de Rouen),

Emmanuel Barot (philosophe, Université Jean Jaurès/Mirail, Toulouse)

Florent Bavou (cadre commercial du privé)

Michel Barthélémy (sociologue, CNRS)

Victor Béguin (doctorant en philosophie)

Tarek Ben Hiba (Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des 2 Rives)

Fatima Benomar (Les effronté-e-s)

Stéphane Bérard (artiste)

Jean-Claude Bernard (retraité, militant politique)

Eric Beynel (porte-parole de l’Union Syndicale Solidaires)

Alain Bihr (professeur honoraire de sociologie, Alternative Libertaire)

Daniel Blondet (militant anti-impérialiste)

Françoise Boman (médecin)

Christophe Bonneuil (historien, CNRS)

Lyess Bouderbala (philosophe, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)

Martine Boudet (anthropologue, enseignante, Toulouse)

Alima Boumediene Thiery (avocate)

Jérôme Bourdieu (économiste)

Houria Bouteldja (PIR)

Anne Bory (sociologue, Université Lille I)

Emmanuel Burdeau (critique de cinéma)

Claude Calame (historien et anthropologue, EHESS, Paris)

Alain Campmas (militant associatif)

Danielle Carasco (militante féministe, Lyon )

Jacques Casamarta (militant associatif Corse)

Brice Chamouleau (historien, Université Paris 8)

Alexis Charansonnet (historien, Université Lyon 2)

Gérard Chaouat (directeur de recherches émérite, syndicaliste FSU)

Vincent Charbonnier (philosophe, Universités Lyon 2/Jaurès Toulouse)

François Charpentier (militant politique de base depuis 45 ans)

Jean Claret (retraité)

Déborah Cohen (historienne, Université de Rouen-Normandie)

Myriam Collado (militante associative chez Amnesty International France)

Christel Coton (sociologue, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne)

Natacha Coquery (historienne, Université Lumière Lyon 2)

Pierre Cours-Salies (sociologue, Université Paris 8)

Marie Cousein (psychanalyste, Paris/Saint-Denis)

Marie Cuillerai (philosophe, Université Paris Diderot)

Alexis Cukier (philosophe, Université de Strasbourg)

François Cusset (historien et écrivain, Université Paris Ouest Nanterre)

Jacky Dahomay (professeur de philosophie retraité, Guadeloupe)

Fanny Darbus (sociologue,  Université de Nantes)

Marie Davée (retraitée)

Laurence De Cock (historienne et enseignante, Paris)

Dominique Delmas (retraité)

Christine Delphy (sociologue, CNRS)

Patrick K. Dewdney (écrivain)

Gaëlle Differ (Fédération SUD PTT)

Paul Dirkx (sociologue, Université de Lorraine)

Stéphane Douailler (professeur de philosophie, Université Paris 8)

Joss Dray (auteure photographe)

Christian Drouet (retraité Sud-rail)

Angel Duarte Montserrat (Catedràtic d’Història Contemporània, Université de Girona)

Vincent Dubois (sociologue et politiste, Université de Strasbourg)

Isabelle Dufau (Villiers-le-Bel)

Alice Dula (féministe altermondialiste)

André Duplan (parti de Gauche 69)

Cédric Durand (économiste, Université Paris 13)

Jean-Michel Eloy (linguiste, Université de Picardie)

Laurent Eyraud-Chaume (comédien)

Jules Falquet (sociologue, Université Paris Diderot)

Patrick Farbiaz (Sortir du colonialisme)

Eric Fassin (sociologue, Université de Paris 8)

Irène Favier (historienne, Université Grenoble Alpes)

Christian Faucomprez (retraité Sud-Santé)

Yann Fiévet (Sciences Economiques et Sociales, Lycée Jean-Jacques Rousseau, Sarcelles)

Artemisa Flores (sociologue, Université Paris 8)

Nicolas Framont (sociologue, Université Paris-Sorbonne)

Désirée Frappier (auteure de bande dessinée)

Alain Frappier (auteur de bande dessinée)

Bernard Friot (sociologue et économiste, Université Paris Ouest Nanterre)

Louise Fromard (Poitiers)

Fanny Gallot (historienne, Université Paris-Est Créteil)

Isabelle Garo (philosophe et enseignante, Paris)

Franck Gaudichaud (politiste, Université Grenoble-Alpes)

Bertrand Geay (politiste, Université de Picardie)

Barbara Glowczewski (anthropologue, CNRS)

François Godicheau (historien, Université Jean Jaurès/Mirail, Toulouse)

Cécile Gondard Lalanne (porte-parole de Solidaires)

Christophe Granger (historien, Université Paris 1)

Renée Gramaize  (citoyenne)

Aurwelien Grasso

Lena Grigoriadou (enseignante)

Nacira Guénif (sciences de l’éducation, Université Paris 8)

Caroline Guibet Lafaye (CNRS)

Bérénice Hamidi-Kim (études théâtrales, Université Lumière Lyon 2)

Hugo Harari-Kermadec (économiste, ENS Cachan)

Guy Haudebourg (historien, Guadeloupe)

Ingrid Hayes (enseignante, Paris 20e)

Eric Hazan (éditeur)

Odile Henry (sociologue, Paris 8)

Georges Hugot (retraité des universités, SNESUP, PCF, adjoint au maire d’Aires)

Viviane Horta (chercheuse en doctorat – Université Paris 8)

Sabina Issehnane (économiste, Université Rennes 2)

Sylvain Jay (réseau salariat, Paris)

Fanny Jedlicki (sociologue, Université du Havre)

Samuel Johsua (professeur émérite, Université Aix Marseille)

Razmig Keucheyan (sociologue, Université Paris 4 – Sorbonne)

Nicole Klementik (professeur d’anglais retraitée, lycée Jean Moulin de Béziers)

Stathis Kouvélakis (philosophe, King’s College, Londres)

Geneviève Krick (psychanalyste, Paris)

Isabelle Krzywkowski (littérature comparée, Université Grenoble Alpes)

Gilles Laferté (sociologue, INRA)

Mathilde Larrère (historienne, Université de Marne-la-Vallée)

Rose-Marie Lagrave (sociologue, EHESS)

Jérome Lamy (sociologue, Université Versailles – Saint Quentin en Yvelines)

David Lapoujade (philosophe, Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne)

Sylvain Laurens (sociologue, EHESS)

Christian Lavault (Informaticien et mathématicien, Université Paris 13)

Frédéric Lebaron (sociologue, Université de Picardie)

Jérôme Lèbre (philosophe, lycée Hélène Boucher et Collège international de philosophie)

Eric Lecerf (philosophe, Université Paris 8)

Catherine Leclercq (sociologue, Université de Poitiers)

Karine Leconte (professeur des écoles)

Olivier Le Cour Grandmaison (universitaire)

Anne-Marie Lepagnol (retraitée, ex-professeur de lycée lettres modernes/cinéma)

Jérôme Leroy (écrivain)

Jean-Yves Lesage (animateur du blog des communistes libertaires à la CGT)

Laurent Lévy (essayiste)

Frédéric Lordon (économiste et philosophe, CNRS)

Pascal Maillard (Faculté des Lettres, Université de Strasbourg)

Pascal Maillaut (éducateur spécialisé, syndicat SUD santé sociaux)

Jérémie Majorel (Lettres modernes, Université Lumière Lyon 2)

Guillaume Mazeau (historien, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne)

Eliane Meillier (médecin)

Laurence Mériaux (Paris)

Bernard Mezzadri (anthropologue, Université d’Avignon et des pays de Vaucluse)

Christophe Mileschi (italianiste, écrivain, université Paris Ouest Nanterre)

Olga Moll (musicologue, Université Paris 8)

Bénédicte Monville-De Cecco (conseillère régionale Ile-De-France, EELV)

Noël Morel (informateur jeunesse, Paris 11e)

Léonard Moulin (économiste, Université Paris 13)

Erik Neveu (science politiques, IEP de Rennes)

Olivier Neveux (historien d’art, Université Lumière  Lyon 2)

Frédéric  Neyrat (sociologue, Université de Limoges)

Sophie Orange (sociologue, Université de Nantes)

Marc Pascal (socio-économiste, Chambéry)

Paul Pasquali (sociologue, CNRS)

Etienne Penissat (CNRS)

Irène Pereira (philosophe, université de Créteil)

Julie Perrin (MCF Danse, Université Paris 8)

Willy Pelletier (sociologue, Université de Picardie, fondation Copernic)

Jean-François Pellissier (co-porte parole d’Ensemble!, Conseiller Régional 2010-2015)

Nathalie Peyrebonne (romancière, littérature espagnole, Université Paris 3)

Hélène Peytavi (syndicaliste CGT)

Roland Pfefferkorn (sociologue, Université de Strasbourg)

Odile Piriou (sociologue, Université de Reims)

Plínio Prado (philosophe, Université de Paris 8)

Michèu Prat (mestre d’escòla a la retiraa, Gap, Aups occitans)

Tristan Poullaouec (sociologue, Université de Nantes)

Paul B. Preciado (Commissaire à la documenta, Kassel/Athènes)

Romain Pudal (sociologue, CNRS)

Serge Eruppani (auteur, traducteur)

Nathalie Quintane (écrivain)

Marie Rama (retraitée éducation nationale)

Manuel Rebuschi (philosophe, Université de Lorraine)

Hugo Reis (Fédération SUD PTT)

Marika Rizzi (Université Paris 8)

Théo Roumier (appel de syndicalistes « On Bloque Tout »)

Olivier Roueff (sociologue, CNRS)

Michel Rousseau (analyste du travail, des métiers et des emplois)

Nordine Saïdi (Bruxelles Panthères)

Arnaud Saint-Martin (sociologue, CNRS)

Catherine Samary (économiste)

Carolina Sanchez Boe (anthropologue, Université d’Aalborg-Copenhague, Danemark)

Nicolas Sembel (sociologue, Université de Bordeaux)

Guillaume Sibertin-Blanc (philosophe, Université Jean Jaurès/Mirail de Toulouse)

Michèle Sibony (militante associative)

Patrick Silberstein (éditeur, Aubervilliers)

Delphine Simon (comédienne)

Siné (dessinateur)

Jérémy Sinigaglia (sociologue et politiste, SAGE, Université de Strasbourg)

Charles Soulié (sociologue, Université Paris 8)

Gérard Tautil (philosophe et auteur occitan)

Romain Telliez (historien, Université Paris 4 – Sorbonne)

Jean-Pierre Terrail (sociologue, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines)

Julien Théry-Astruc (historien, Université Lumière Lyon 2)

Sylvie Tissot (sociologue, Université Paris 8)

Annie Topalov (psychanalyste, Paris)

Christian Topalov (sociologue, EHESS)

Rémy Toulouse (éditeur)

Enzo Traverso (historien, Cornell University)

Maryse Tripier (sociologue, Université Paris Diderot)

Marlène Tuininga (journaliste militante)

Béatrice Turpin (réalisatrice, Montreuil)

Jérôme Valluy (politiste, Université Panthéon-Sorbonne)

Patrice Vermeren (directeur du département philosophie, Université Paris 8)

Nicolas Vieillescazes (éditeur)

Olivier Vinay (professeur agrégé, vétérinaire, Emancipation Tendance intersyndicale)

Rémi Virgili (CGT Finances Publiques)

Christophe Voilliot (politiste, Université Paris-Ouest Nanterre)

Alexandra Vuillet (comédienne marionnettiste, professeur à l’ESNAM et au Conservatoire de Paris)

Eric Vuoso (restaurateur, militant MJC)

Louis Weber (éditeur)

Karel Yon (sociologue CNRS)

Barbara Zauli (philosophe, Université Paris 8)

Clemens Zobel (science Politique, Université Paris 8)

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