Pas de repentance...

Sarkozy au pays des milles collines

“La colonisation n’est pas responsable de toutes les difficultés actuelles de l’Afrique. Elle n’est pas responsable des guerres sanglantes que se font les Africains entre eux. Elle n’est pas responsable des génocides. Elle n’est pas responsable des dictateurs… » ([Extrait du discours de Nicolas Sarkozy à Dakar: 26 juillet 2007)]. Celui qui, en juillet 2007 à Dakar, a montré son arrogance, son mépris de l’Afrique et son rejet de l’histoire, n’a pas eu plus de respect lors de sa visite rwandaise il y a quelques jours. Et bien entendu il n’a admis aucune faute volontaire de la France de 1994, tout au plus quelques aveuglements… une éclipse solaire sans doute.

Fallait-il attendre autre chose de la part de ce petit soldat à la solde des marchands ? Certainement pas, mais tout de même un peu de dignité envers un pays qui a traversé un génocide n’aurait pas été superflu, même si l’on persiste à croire que la France n’est pour rien dans les évènements rwandais de 1994. Bien d’autres se sont excusés. D’autres qui n’avaient pas plus de responsabilité. Mais l’histoire n’intéresse pas notre président, seul le futur est à construire. Il ne s’en cache pas. Quant à sa méconnaissance de l’histoire, et apparemment la haine qu’elle lui inspire, il l’étale : lors de cette conférence, il a estimé que la Belgique a colonisé pendant 8 ou 9 décennies le Rwanda ! De 1916 à 1961 le compte n’y est pas vraiment. A moins que…

Et il continue dans ses balivernes historiques lors de cette visite à Kigali. Selon lui la Françafrique est morte et enterrée depuis longtemps. Il prend à partie un journaliste : « Et puis un mot sur la Francophonie, tout ce sur quoi vous aimez beaucoup écrire, le « pré-carré », et, comment dites-vous ? la « Françafrique », c’est cela ? Mais tout cela a beaucoup changé. Je respecte votre compétence sur l’Afrique mais regardez l’Afrique telle qu’elle est aujourd’hui. Il n’y a plus de pré-carré et c’est très bien ainsi, il n’y a pas de relation exclusive. »([Extrait du discours de Nicolas Sarkozy à Kigali : 25 février 2010)] C’est certain que lorsque l’on voit la récente élection d’Ali Bongo, on sait que tout a changé. Et j’espère que sa confusion entre la francophonie et la Françafrique, n’a rien de révélateur.

Si hier (Et peut-être pas qu’hier : il y a 15 ans au Rwanda, il y a avait sans doute un peu de cela…) la France coloniale se démenait en Afrique pour ne rien laisser à son homologue anglaise, ce n’était pas seulement pour défendre la grandeur du drapeau tricolore, mais aussi et peut-être avant tout pour le commerce. Aujourd’hui le danger a seulement changé de nationalité (le péril vient désormais de l’Est (L’ennemi à abattre en Afrique au XXIème siècle est la Chine, que la communauté internationale s’évertue à diaboliser car elle soutiendrait des régimes insoutenables. Bien sûr le président soudanais n’est pas très fréquentable, mais les Deby, Nguesso, Bongo, Biya, pour ne parler que des plus caricaturaux, le sont-ils vraiment ?)) mais pour le reste… Et Sarkozy ne s’en est pas caché : les ressources de la région intéressent beaucoup la France. Non, rien n’a vraiment changé. Quelle idée les gouvernements français se font-ils des africains pour leur raconter de telles absurdités ?

Décidemment les rwandais qui attendaient un discours de repentance ont sans doute été déçu. Nicolas Sarkozy aurait dû se remémorer ses boniments de Dakar car cela lui aurait permis de ne pas trop les peiner. Il se serait alors rappeler que l’homme africain n’est pas entré dans l’histoire et qu’il ne pouvait pas saisir ces subtilités de commerce qui passe avant toutes choses.

Plus sérieusement, il est certain que Paul Kagamé sait ce qu’il fait en serrant la main du président français, mais j’espère qu’il n’oublie pas qu’il y a à peine 6 mois, Sarkozy tressait des louanges au président nigérien en honorant ce soi-disant grand démocrate africain… aujourd’hui Tandja peut bien mourir, lui et son peuple, ce n’est pas son affaire. Un contrat d’uranium mérite ses effets de manchettes mais ce qui se passe ensuite n’est que de l’histoire.

Cette Histoire est décidemment mangée à toutes les sauces présidentielles : soit l’africain s’attarde trop dans l’Histoire et il vit en-dehors du présent (discours de Kigali), soit du fait de ne pas être dans l’Histoire et de ne pas connaître son mouvement (discours de Dakar) il ne peut pas vivre la réalité. Les contradictions de notre monarque sont saisissantes et son arrogance semble décuplée dès que son terrain de propagande est en Afrique.

Je ne sais pourquoi mais une phrase d’André Gide me vient soudain à l’esprit : «Moins le Blanc est intelligent, plus le Noir lui paraît bête.» (Voyage au Congo).

SylvainD.

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