Retour sur l'affaire Amine

Racisme : le procès d’Hortefeux

On se souvient de la fameuse « boutade » de Brice Hortefeux à l’université d’été de l’UMP à propos d’un jeune militant de son parti, Amine Benalia-Brouch. C’était début septembre 2009 et Brice était alors ministre de l’immigration et de l’identité nationale. Une vidéo avait alors été diffusée sur le site du « Monde » où l’on entendait le ministre déclarer sans pudeur : « Quand il y en a un, ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes. » Il parlait des Arabes, bien sûr, et non des Auvergnats, comme il l’a suggéré par la suite. L’Agence indigène de presse a suivi le procès intenté à Hortefeux par diverses associations et vous donne ci-dessous un bref compte-rendu de la dernière séance en attendant le verdict du tribunal le 4 juin prochain.

Procès Hortefeux : Les indigènes, représentés par Henri Braun, livrent leurs impressions d’audience

Première déception, le héros du jour n’est pas de la fête. Il aurait été amusant de l’entendre évoquer « son ami Amine » avec des trémolos dans la voix. La salle est pleine et le public est scindé en deux catégories bien distinctes : une composante gaucho-auvergnate et une composante Neuilly-loden. L’ambiance est calme et presque studieuse comme si personne ne voulait perdre une miette du petit drame qui va se jouer ce vendredi après-midi.
L’audience débute par des discussions passablement confuses sur des problèmes de procédure qui semblent passionner les juges. Il en ressortirait que les Indigènes ne seraient pas « sérieux » parce que âgés de moins de cinq ans. Notre avocat, Me Henri Braun, a demandé si l’UMP a dû attendre son cinquième anniversaire pour être prise au sérieux.

L’avocat de l’ami d’Amine a maintenu, en dépit de l’hilarité générale, que son client n’était pas domicilié Place Beauvau mais dans le petit village auvergnat de Saint-Saturnin.

Juste après est intervenue l’inévitable séquence vidéo. Les images acquièrent une résonance particulière dans ce cadre solennel et un peu désuet avec les boiseries et les fresques au plafond.

L’audience proprement dite commence avec l’intervention de Mouloud Aounit pour le MRAP, fatigué mais toujours combatif. La mère de la compagne de Brahim Bouarram, qui s’exprime au nom de SOS Soutien ô sans papiers, conclut en assénant : « il y a des mots qui tuent ».

Puis c’est le tour des témoins convoqués par le MRAP. Véronique de Rudder et Vincent Geisser, tous deux sociologues au CNRS, démontent avec passion et rigueur les différents types de rhétorique raciste à l’œuvre dans les propos du ministre.

Viennent ensuite les parties civiles. Notre avocat rappelle que Hortefeux s’insère dans une longue tradition française, en citant notamment Gobineau et Céline. Il s’interroge sur l’emploi du mot « prototype » qui renvoie à l’obsession des origines et de la pureté. Il martèle à plusieurs reprises que le caractère raciste de Hortefeux ne fait aucun doute en rappelant longuement ses différents « dérapages » qui expriment en réalité le fond de sa pensée. Il s’interroge sur l’appartenance passée du ministre au GUD. Me Braun termine en demandant de la prison ferme et s’interroge sur l’opportunité d’un aménagement de cette peine, par exemple sous la forme d’un bracelet électronique. Il fait remarquer que, même si Monsieur Hortefeux n’a pas de métier, il n’en est pas moins très bien intégré et finit en proposant un nouvel axe de politique pénale : « tolérance zéro pour les délinquants ministériels ».

Me Pierre Mairat, pour le MRAP, rappelle les raisons qui ont poussé son organisation à lancer ce procès et insiste sur le poids des mots qui visent à rejeter les arabes hors de la communauté nationale et à définir le type immuable du vrai français. Il revient avec précision sur les mots choisis, le contexte et l’enchaînement de la séquence. Il ironise sur le soutien apporté par Copé à son ami Hortefeux qui est du même type que celui que la corde procure au pendu.

Le procureur prend alors la parole et, ô miracle, il considère que le caractère paternaliste et la reprise de vieux préjugés font que le délit d’injure raciale est constitué. La salle retient son souffle jusqu’à ce qu’il indique que l’université d’été de l’UMP n’est pas un lieu public et qu’il s’agit donc d’une injure privée et non publique. Puis il s’interroge sur le point de savoir si Hortefeux savait qu’il était filmé. Considérant que ce point est difficile à prouver, il requiert la relaxe.
A mon humble avis, après un visionnage attentif, il est difficile de prétendre que l’ami Brice pouvait ignorer la présence de la caméra.

L’avocat du ministre se situe uniquement sur un terrain juridique et ne dément aucune des affirmations des parties civiles, à l’exception de l’histoire de la pauvre Rama Yade que le rouquin aurait voulu rapatrier en Afrique. Il admet au passage le caractère regrettable des propos de son client mais considère qu’il ne saurait faire l’objet d’une condamnation.

Que va décider le tribunal ?

Réponse le 4 juin.

Agence indigène de presse (AIP)

Voir aussi la lettre adressée par Houria Bouteldja à Amine : ICI

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