Tract diffusé lors de la manifestation du collectif d'Ailleurs nous sommes d'ici

Pour un antiracisme décolonial

Nous voilà réunis pour une nouvelle manifestation antiraciste. Notre objectif : la dénonciation du racisme, de la politique d’immigration du gouvernement et la régularisation de tous les sans-papiers. Très louable dans un contexte de campagne électorale où le FN caracole en tête des sondages.

Indéniablement, le projet de l’extrême droite est l’expression la plus avancée du racisme français. Indéniablement, la droite sarkozyste et républicaine, n’a jamais été aussi décomplexée tant dans son discours que dans ses pratiques. Indéniablement, depuis le mitterrandisme, les multiples renoncements et trahisons de la gauche officielle ont renforcé et encouragé le paternalisme, le mépris pour les immigrés et leurs descendants, exclus pour la plupart du champ politique et social.

Mais qu’en est-il du reste du spectre politique ?

Si la constitution d’un front anti-raciste puissant et organisé est urgente, ce projet se heurte cependant à un obstacle de taille : la domination d’un anti-racisme abstrait dans les organisations les plus en pointe sur cette question. Cela fait à peine six ans qu’a eu lieu la révolte de novembre 2005, or elle n’est évoquée nulle part. Pourtant, c’est bien en banlieue que se situe le centre névralgique du racisme d’Etat. C’est bien les habitants des quartiers qui subissent le plus les contrôles au faciès, les brutalités policières, le chômage. C’est bien l’islam, première religion des quartiers, qui est stigmatisé de manière maladive et obsessionnelle.

L’accent est mis sur la cause des sans-papiers dont on ne saurait sous-estimer l’importance. Mais, finalement, pour l’antiracisme abstrait, le sans-papier n’est-il pas l’indigène idéal ? Celui qui n’a d’autres revendications que d’être régularisé, qui n’a pas d’autre choix que de chercher l’aile protectrice de la gauche ? Car, s’il y a un angle mort dans la mouvance antiraciste, c’est précisément le racisme dont sont l’objet celles et ceux qui ONT leurs papiers et sont Français. Ceux qui ne posent pas QUE des problèmes matériels. En d’autres termes, ceux qui posent la question de l’identité et s’opposent à la suprématie blanche. Ceux qui en 2005 déchirent leur carte d’identité, car disent-ils « elle ne leur sert à rien ». Ceux qui enragent que les propos antisémites d’un célèbre couturier parisien soient partout dénoncés alors que les paroles négrophobes d’un non moins célèbre parfumeur suscitent une quasi-indifférence. Ceux qui préfèrent se mobiliser pour la Palestine que pour les retraites et qui ont pour ennemi les groupes sionistes plutôt que les bandes de skinheads. Ceux qui ne comprennent plus la pertinence du clivage gauche/droite et pour lesquels Le Pen n’est pas pire que le maire communiste de Vénissieux.

Barbès est un haut lieu de la mémoire de l’immigration. C’est aussi un lieu de vie pour les immigrés, leurs descendants, les sans-papiers et les clandestins. Pendant le Ramadan, les CRS quadrillent le quartier. Barbès, c’est la métaphore de la condition indigène. Être à Barbès plutôt qu’à Place de la République pour dénoncer le racisme, c’est bien. La prochaine fois, pour éviter que les indigènes ne soient que le décor de la mobilisation, il faudra nécessairement pousser la réflexion et s’interroger sur leur absence et dans le processus d’organisation et dans la mobilisation. Car fondamentalement ce qui manque à l’antiracisme français, ce sont les bruits et les odeurs des indigènes.

Le PIR
Le 28 mai 2011 à Saint-Denis

Ce contenu a été publié dans Actualités. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.