Sur une polémique qui ne cesse pas de rebondir

Petite leçon de français d’une sous-sous-chienne aux souchiens malentendants

Emanant de certains milieux réactionnaires bien connus, une campagne de presse a pris pour cible notre porte parole Houria Bouteldja. Ce qui lui est reproché ? Officiellement, l’usage qu’elle a fait au cours d’une émission de télé du néologisme « souchien », désignant de façon humoristique d’hypothétiques Français de souche. En réalité, jouant sur une ridicule homophonie et prétendant que la véritable signification de cette expression serait « sous-chien », certains de ces écorchés vifs du drapeau, de droite comme de gauche, ont trouvé là une occasion inespérée pour évacuer le débat de fond : à savoir le développement d’une conception raciale de l’identité française caractérisée notamment par l’expression « Français de souche ». Une aubaine pour eux…La réaction d’Houria Bouteldja.

SOUCHE, subst. fém.

A. Usuel
Base du tronc d’un arbre (ou d’un grand arbuste) prolongée par ses racines.

B. P. anal.
De souche. D’origine. Français de souche.

C. Biologie
Ensemble des individus de même espèce provenant d’un ancêtre unique.

SOUCHIEN, SOUCHIENNE, adj. et nom, de souche.

Néologisme, formé par des descendants d’immigrés post-coloniaux qui après avoir été désignés successivement par les expressions : « Français musulmans », « nord-africains », « immigrés », « deuxième, troisième… cent trente et unième génération », « issus de l’immigration maghrébine ou africaine » puis à nouveau « Français musulmans » et enfin « issus de la diversité » sans parler dans un registre moins soutenu par les « sidis », « bougnoules », « rats », « ratons », « crouilles », « melons », « bicots », « gris » ou encore l’intemporel « négros », ont constaté que ce raffinement dans la péjoration raciste dont ils sont l’objet trouve son optimum savant dans un autre néologisme, banalisé et valorisant lui : « Français de souche ». Cette dernière expression utilisée publiquement pour la première fois, semble-t-il, par un certain Jean-Marie Le Pen en 1979, institutionnalisée depuis par des chercheurs ou démographes de l’INED, mais repris aussi par tout un chacun, est censée désigner ceux qui, parce que blancs, sont considérés comme les authentiques et légitimes habitants de ce pays par opposition avec les descendants de colonisés, sans racine ni attaches particulières, qui de ce fait ne constitueraient eux qu’une variété aérienne, délétère et volatile de l’espèce humaine.

Ainsi l’adjectif « souchien » construit en toute francophonie à partir de « Français de souche » constitue une première contribution indigène à l’enrichissement de la langue que désormais doivent maîtriser ceux qui prétendent venir vivre au Paradis. Il permet de mettre en évidence le caractère inerte, pesant et figé de cette conception raciale des Français. Exactement comme a pu le faire l’humoriste Djamel Debouze avec son expression « Icissiens » (sans doute à partir du concept des « Gens d’Ici » cher au philosophe Alain Badiou) afin d’établir l’évidence de la légitimité pour tous à vivre dans ce pays à égalité de droit et de considération.

Evidemment « souchien » ne peut pas être confondu, comme le font volontairement certains philosophes médiatiques, journaux nationaux-républicains comme Marianne([Marianne n° 532, « Petite leçon de racisme », signé J.D.
)
] ou autres officines laïco-intégristes comme Respublica ( Le lettre de Respublica n° 550
[http://www.gaucherepublicaine.org/,article,1547,,,,,_Houria-Bouteldja-un-racisme-de-moins-en-moins-voile.htm
)], à la trompe d’Eustache décidément bien emboutie, avec l’expression « sous-chiens », sinistre jeu de mot, révélateur tout à la fois de l’ état d’esprit de ceux qui prétendent l’avoir entendu autant que des méthodes malveillantes auxquelles ils ont recours puisque qu’ils tentent ensuite d’en attribuer la paternité au MIR.
On ne sera pas étonné d’apprendre que parmi ces malentendants anti-indigènes qui assurent avoir compris « sous-chien » au lieu de « souchien » figure l’inénarrable Alain Finkielkraut (Emission « Répliques » dans laquelle A. Finkielkraut affirme à F. Taddéi avoir entendu le tiret de « sous-chien »

[http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/repliques/
)]
dont tous les sonotones de la terre ne pourront jamais corriger l’oreille désespérément sélective.
En terme clairs lui et tous ceux qui aujourd’hui poussent des cris d’orfraies ne s’indignent guère du traitement sémantique administré à leurs concitoyens basanés. En revanche, si la notion de « Français de souche », en 27 ans d’existence, n’a toujours pas heurté leurs oreilles délicates, c’est parce qu’elle traduit bien une certaine acception ethnique qu’ils se font de l’identité française. Celle-ci est une façon élégante de dire Français blanc. Ainsi pour tous, il est bien clair que Kanaks, Antillais et autres Réunionnais ne sauraient être qualifiés de « Français de souches ». Leurs ancêtres pourtant n’étaient-ils pas formellement Français il y a au moins deux siècles à un moment où ceux de Messieurs Sarkozy, Finkielkraut, Devedjian ou Gallo étaient encore sujets Ottoman, austro-hongrois ou italien ?

Le plus indécent dans cette histoire, c’est que parmi les véritables « sous-chiens » (parce que traités comme tels) vivant dans ce pays, figurent précisément les noirs, les arabes, les musulmans et autres métèques. On se souvient que le (très grand) contrebassiste américain Charles Mingus, qui était métis noir-chinois et identifié comme noir, très mobilisé sur la question du combat anti-raciste, avait intitulé son autobiographie « Beneath the Underdog » : « en-dessous du sous-chien » !

Houria Bouteldja, 7 juillet 2007

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