Moisie

J’ai vu pourrir Charlie Hebdo.

J’ai connu Charlie Hebdo du temps où c’était un journal irrévérencieux, provocateur, anti raciste, drôle et surtout défenseur des faibles. C’était il y a bien longtemps, bien avant Philipe Val et Charb désormais c’est un journal convenu, vulgaire, même plus drôle, mais surtout raciste, sioniste et ami des puissants.

Il est vrai que les travailleurs immigrés que le journal défendait alors avaient le tact de se faire discret, de taire leurs convictions religieuses, de toute façon, il n’y avait ni boucherie hallal, ni mosquée, ni librairie musulmane. Ils étaient invisibles. Et puis ils vivaient dans des bidonvilles ou des taudis, au loin. Leurs enfants n’avaient pas encore la prétention de présider aux destinées de ce pays et il faut le dire, ainsi, ne risquaient pas d’entrer en concurrence avec les progénitures des journalistes de Charlie Hebdo. Dés lors que les enfants des travailleurs immigrés prétendent être considérés comme des êtres humains à part entière, expriment haut et fort leurs opinions, même religieuses, qu’ils revendiquent leurs droits sans complexe, et surtout refusent le paternalisme bon teint, alors ils deviennent les pires ennemis. Charlie Hebdo parle pour tous ces beaufs qui ont le sentiment que décidément « on est plus chez soi, chez soi ». Il défend les privilèges de ceux qui estiment être ici de plein droit face aux envahisseurs « mahométans ». Même un François Cavanna auteur du fameux et désormais classique « Les ritals » où il raconte sa vie d’immigré italien a succombé à la dérive de ce journal. Comme quoi… C’est le complexe de celui qui voit mourir le monde ancien avec tous les privilèges afférents et qui ne s’y résigne pas. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, Charlie Hebdo n’agit pas uniquement pour faire de l’argent facile, c’est aussi par dépit, par rancœur d’une époque où l’on pouvait jouer aux héros à peu de frais. Tandis que maintenant le public est blasé. Les repères et codes de la France des années 70 sont caducs. Et puis ce bon vieux sentiment paternaliste. Où sont donc passés nos gentils travailleurs immigrés d’antan pleurent les Cabu, Cavanna et autres dinosaures ?

Quant à Charb, l’actuel donneur d’ordres, il pose un problème particulier. Je l’ai croisé il y a longtemps. En Palestine, en décembre 2001 dans le cadre d’une des missions civiles de la CCIPPP ( Campagne civile internationale pour la protection du peuple palestinien.) que je conduisais. A l’époque il était à peu près normal et se plaignait même du fait que Val en sioniste et dictateur qu’il est, le bridait. Il pensait même que ce dernier lui refuserait certainement le reportage qu’il venait de faire à l’occasion de notre séjour très militant dans les territoires occupés alors en pleine seconde intifada. Ce fut d’ailleurs le cas. A ceux de ses anciens amis qui lui reprochaient de rester dans un journal aussi pourri, Charb répondait qu’il savait mais tenait à son train de vie et au confort que celui-ci lui assurait. Dès lors Charb va tout entériner des saloperies Valiennes, notamment le numéro sur les caricatures du prophète. Avec le départ de Val de la direction de Charlie, les plus optimistes parmi les observateurs pariaient sur une rupture de la ligne éditoriale islamophobe et pro-israélienne. Ils en furent pour leurs frais. Charb a bien appris de son maître Val, passant de son statut de victime à celui d’identification au bourreau, on le constate aujourd’hui avec cette provocation, tout sauf gratuite. On devient ce que l’on mange ou si l’on veut ce qui vous fait manger. Cette règle d’or encore une fois se vérifie. Et puis il y a aussi le fric dans toute affaire. C’est terrible, comme on peut vendre son âme pour du fric.

Le cas Charlie Hebdo d’une manière générale est emblématique et illustre bien la dérive d’une génération de pseudo anti conformistes post soixante-huitards français qui n’en finit pas de crever, pour qui tout a été dit, pour qui plus rien ne doit choquer au plan moral, pour qui quand on a fait du pipi-caca son viatique pendant des années, quand on a fait de la pornographie son credo à tel point qu’on ne parvient même plus à se distinguer du beauf franchouillard classique, il ne reste plus rien. Alors comme il faut bien se donner l’illusion que l’on existe, que l’on pense avoir encore quelque chose à dire bien que l’on soit mort depuis longtemps, en fait, il reste l’offense à l’Islam. C’est facile, pas trop risqué, ça rapporte gros et ça présente l’immense avantage d’aller dans le sens du vent mauvais qui souffle en Occident, celui de la guerre au monde musulman. Alors Charb si t’es aussi impertinent que tu le prétends, ose annoncer publiquement combien les centaines d’exemplaires du numéro consacré aux caricatures du prophète ont rapporté au journal, révèle nous combien tu escomptais obtenir pour le numéro en cours. Et combien tu espérais te payer là-dessus. Le soutien de Claude Guéant, de toute la famille raciste et de tout ce que ce pays compte comme fous furieux laïquards invétérés, apparemment cela ne dérange personne à Charlie Hebdo. Plus que tout, cela est éloquent sur l’infâme visage de ce journal aujourd’hui. Pour des prétendus anars, passer des barricades à l’Etat-major de la police, c’est tout de même une belle promotion, non ? Évidemment Charlie Hebdo aurait pu s’intéresser aux travailleurs africains, aux roms et autres musulmanes porteuses de hijab, persécutés, insultés et même parfois victimes mortelles de la misère comme le rappelle fort justement dans un post aujourd’hui, notre ami Pierre Tévanian, mais ça rapporte si peu et c’est si peu tendance. J’apprends aux informations de 14h sur les ondes de radio J, radio sioniste extrémiste, par la voix même de son président, Serge Hadjenberg, qu’il enverra aujourd’hui même un chèque de soutien à Charlie Hebdo en signe de solidarité. Tiens Charb toi qui en 2001 t‘indignait avec nous des chars israéliens postés devant l’université palestinienne de Bir Zeit, que dis tu de cela ?! Au train où ça va, Charlie Hebdo pourra bientôt se partager les chèques de soutien de radio J avec Tsahal tout en criant « Vite Marine ! »

Youssef Boussoumah, membre du PIR

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