Un leader Black Panther Party nous a quittés

Hommage à Géronimo Pratt

J’ai eu l’insigne l’honneur de le rencontrer. C’était à la fin des années 90, en 1998, je crois. Lors de son premier passage à Paris, post incarcération. A peine libéré de prison et voyageant en Europe, il avait tenu à passer saluer ses frères de lutte du Mouvement de l’immigration et des Banlieues.

A l’époque, nous étions plusieurs, Samir Abdallah, Walid Charara, Mohamed Taleb et moi-même à être engagés, aux côtés de ce groupe militant, dans une vaste campagne intitulée Pour le droit au retour des Palestiniens. Le MIB avait organisé avec lui une soirée couscous dans un petit resto du XXème. J’avais alors admiré la force de ses convictions. En l’écoutant, devant tant de vitalité, je me disais, « c’est extraordinaire, voilà un type qui vient de se taper 27 années de prison et qui, frais comme un gardon, comme s’il sortait d’une simple garde à vue, nous parle à nouveau de lutte et de combat. ». Effectivement aussi alerte et fringant que dans ses vertes années, lorsqu’il militait à Los Angeles au sein du Black Panther Party, l’ancien ministre de la défense en titre de son parti, n’avait rien perdu, ni de sa vigueur, ni de sa verve. Nous encourageant à poursuivre la militance, pour la liberté de la Palestine, contre les crimes policiers et à ne jamais abdiquer de nos droits.

L’ancien leader du Black Panther Party Elmer « Geronimo » Pratt, nous a quitté jeudi 2 juin à l’âge de 63 ans. Il est mort d’une crise cardiaque à son domicile du village de Imbaseni, à 15 miles de Arusha, en Tanzanie où il a vécu jusqu’à son décès.

Pratt avait été reconnu coupable en 1972 du meurtre de Caroline Olsenn, une institutrice de Santa Monica, en Californie, assassinée en Décembre 1968. Et ce en dépit d’un solide alibi. Pratt affirmant que le jour du meurtre, il était à Oakland pour une réunion du Black Panther Party où 100 témoins étaient prêts à témoigner de sa présence. Mais que vaut pour le système judiciaire américain, le témoignage de 100, voire 1000 niggers. Il sera prouvé par la suite que les agents du FBI avaient dissimulé les preuves et les écoutes électroniques qui confirmaient cet alibi. Ce coup monté faisait parti d’un plan global visant à éradiquer les Black Panthers. Celui ci n’étant lui même qu’un élément d’une entreprise plus vaste Cointelpro, imaginée par le dirigeant du FBI J. Edgar Hoover et destinée à éliminer toute opposition politique au sein des Etats-Unis. Concernant le BBP, celle ci incluait fausses accusations, opérations d’intoxications destinées à semer la discorde interne, mais aussi guet-apens meurtriers et éliminations physiques de militants. Moumia Abou Jamal étant l’une des dernières victimes de ce complot.

Condamné initialement à la prison à vie, Geronimo Pratt sera finalement libéré en 1997 grâce à son comité de soutien et à la suite de nouveaux éléments révélant l’imposture de l’accusation. En effet le juge de la cour suprême Everett Dickey reconnaitra in fine que la crédibilité du seul témoin à charge, Julius Butler, était fortement sujette à caution. Rappelons qu’il a été prouvé que Butler en réalité un agent du FBI infiltré au sein du BPP, curieusement, était présent auprès de Malcolm X et de Martin Luther King, le jour de leur assassinat respectif.

A sa sortie de prison, Pratt s’installera en Tanzanie où il a travaillé à Arusha pour une ONG, l’Alliance pour les Etats-Unis d’Afrique, les neuf dernières années de sa vie.
« Je suis à la fois soulagé que les autorités soient finalement revenues à la raison mais je me sens également frustré, en ce sens qu’elles n’ont jamais reconnu leur complicité dans cette machination ayant abouti à un traumatisme de 27 ans. » Geronimo Pratt était le parrain du rappeur Tupac Shakur dont la mère fut également militante Black Panther.

Paix et respect à son âme.

Youssef Boussoumah

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