Hollande à Alger

Hollande à Alger, la vérité et la justice attendront encore

Voici le texte de la déclaration de François Hollande à Alger.

« Moi, François Hollande en tant que président de la république française et en son nom, tient à condamner solennellement les pratiques brutales, injustes commises pendant 132 ans par les gouvernements français successifs depuis 1830 et entend faire suite avec lucidité et dignité aux conséquences auxquelles s’expose la France par la présente déclaration ».  » En Algérie, les gouvernements français successifs se sont rendus coupables de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, voire de crimes de génocide au moins dans la 1 ere partie de la conquête entre 1830 et 1870. La France s’est également rendue coupable des mêmes crimes dans ses autres colonies pendant au moins 2 siècles. À Madagascar, au Cameroun, au Sénégal, partout où a flotté le drapeau tricolore nous avons pillé, rançonné, violé, massacré et anéanti. Notre pays ne cherchera pas à se soustraire à ses responsabilités y compris judiciaires relatives à cette reconnaissance. « 

Nous sommes au regret de vous avouer que ces paroles n’ont jamais été prononcées par François Hollande.
Voilà ce qu’un président « normal », soucieux de la justice aurait dû dire mais cela n’a pas été le cas.

Sa déclaration a été beaucoup plus modeste, beaucoup moins courageuse. Elle a été celle d' »un piccolo presidente. » d’un petit président soucieux de protéger la respectabilité et surtout les intérêts de son impérialiste d’Etat.

Alors, qu’a dit réellement le président V.R.P français au cours de son voyage présidentiel, devant le parlement algérien où il ne sera que mollement applaudi ?

Il a dénoncé les « 132 ans » pendant lesquels « l’Algérie a été soumise à un système profondément injuste et brutal, la colonisation ». Puis il a expliqué qu’à Sétif, la France a manqué à ses valeurs universelles » (sic). Enfin, il souhaite « que les historiens aient accès aux archives pour que la vérité puisse être connue de tous ».

Encore une fois la France s’est défilée Hollande à Alger n’a pas dit la vérité. En omettant de mettre en cause la France, Hollande a menti. Il ne s’est même pas comporté en observateur impartial de l’histoire. En effet, si l’on écoute bien à aucun moment celui-ci n’a évoqué la responsabilité la France, mais il a usé de la formule elliptique, « les souffrances subies par le peuple algérien ». En effet, la France n’a toujours pas reconnu sa responsabilité dans les crimes contre l’humanité subies par le peuple algérien.

Le voyage de Hollande à Alger est une forfaiture pour ceux qui espéraient une reconnaissance des crimes commis par la France. Comme pour le 17 octobre 61, il s’est bien gardé de nommer l’assassin, à savoir l’armée, l’administration, la police coloniale, les colons, le gouvernement français, bref toute la France ou presque à l’exception d’hommes et de femmes d’honneur. Il a mis en cause la colonisation certes mais jamais la France. Pas même la colonisation française. Cette formule générale de « colonisation » donne en apparence satisfaction aux Algériens mais empêche toute poursuite tout simplement parce que la colonisation n’est pas une catégorie reconnue par le droit français ou international.

En résumé, juste assez pour contenter les naïfs ou pire les khobzistes, mais trop peu pour ouvrir la voie à des réparations.

Plus encore, avec une telle formule les assassins de Maurice Audin et des milliers de combattants ou militants morts dans les combats ou morts sous la torture sont rassurés, ils ne pourront pas être poursuivis. C’était bien là le but de ce voyage, occulter par quelques mots une injustice qui ne sera jamais réparée. Aussaresse qui a torturé pendant 2 mois avant de l’étrangler de ses propres mains, le leader du FLN et martyr Larbi ben M’Hidi, mourra paisiblement dans sa villa, comme sont morts paisiblement Bigeard, Massu et tous les généraux assassins.

Quant aux archives, Hollande en a promis l’ouverture. Mais il n’a rien dit sur le moment où cela serait fait, ni sur qui y aurait accès ni, surtout, si la loi protégeant les personnes mises en cause et leurs ayants-droit toujours vivants sera enfin levée.

La colonisation a duré 1,5 faudra-t-il attendre un autre siècle pour qu’un président français prononce ces simples mots vraiment emprunts eux de vérité et d’humanisme:

« Ce pays ne cherchera pas à se soustraire à ses responsabilités y compris judiciaires relatives à la reconnaissance de ses crimes. Mieux la France entend mettre tout en oeuvre pour que cesse le statut de néo indigènat qui frappe nos ressortissants issus des anciennes colonies et pour que soit réellement mis un terme à la France-Afrique ».

Mais aussi, faudra-t-il attendre encore 1 siècle pour que nos autres frères colonisés voient également reconnus les crimes de masse épouvantables subis par leurs populations ? Faudra-t-il encore 1 siècle pour que Ali Ziri l’Algérien et nos autres frères africains comme Lamine Dieng, que Dieu ait leur âme, voient leurs assassins enfin condamnés ?

Car si la colonisation est une histoire virtuellement passée, le continuum colonial, les crimes policiers, le statut infra-humain qui des cités de Marseille aux quartiers populaires de Roubaix, des usines de Lorraine aux chantiers de St Nazaire pourrit le présent et condamne l’avenir de nos enfants, perdure, s’enkyste et nous maintient en une caste subalterne ad vitam aeternam.

Pour finir, quand Hollande explique qu’à Sétif en 1945 la France a manqué à ses valeurs universelles », cela fait bien sourire car c’est la remarque inverse qui s’impose. En effet, quand au cours de la longue nuit coloniale, la France n’a-t-elle pas trahi une seule fois les principes universels qu’elle a toujours prétendu incarner ?

Nous le savons, le voyage du représentant de commerce, Hollande et ses pseudos mots d’apaisement n’ont été motivés que par la seule perspective des juteux contrats qu’il espère conclure avec l’Etat des ex-colonisés. Mais qu’il sache bien qu’en ce qui concerne les Français d’origine algérienne comme pour ceux issus d’autres communautés africaines, nous ne sommes pas décidés à nous résigner et à nous faire payer de mots.

Notre revendication est simple et constante : l’égalité réelle.

Youssef Boussoumah, membre du PIR

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