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Hakim Djelassi était vivant avant son interpellation

Ce 24 septembre, Hakim Djelassi, 31 ans, se dispute avec sa future épouse, Hélène. Ils logent à l’hôtel Mister Bed, rue de Béthune, dans le Vieux-Lille. Rameuté par les voisins, le réceptionniste appelle la police. Il est huit heures du matin.
Bruno Reboul, dans Nord-Eclair, raconte la suite. “Après une arrestation mouvementée, Hakim Djelassi fait un malaise cardiaque dans le fourgon de police qui le transportait à l’hôpital. Arrivé à Saint-Vincent, il tombe dans le coma, et mourra deux jours plus tard, le 26. La famille affirme avoir vu le corps de Hakim couvert de marques de coups à l’hôpital, et si le parquet a indiqué depuis que l’autopsie n’avait pas permis de démontrer que la mort a été causée par des violences, le doute demeure dans l’esprit des proches de Hakim. Une instruction est toujours ouverte au tribunal de Lille, afin de déterminer les causes de sa mort, mais secret oblige, aucune information nouvelle n’a émergé depuis.”

« Nous, on ne dit pas nécessairement que c’est une bavure, il y a une présomption d’innocence dans ce pays, qui est aussi valable pour la police, c’est ce qu’a toujours dit le père de Hakim, insiste Simon Sernac, 27 ans, qui est l’un des porte-parole du collectif Justice pour Hakim. On ne veut pas préjuger du résultat final, et on fait confiance à la justice, mais on ira jusqu’au bout pour savoir. »

Démarrant à 10 heures, une marche silencieuse, la deuxième après celle du 29 septembre (photo La Voix du Nord ), devait avoir lieu à Lille, ce samedi 21 novembre.

Mohamed Boukrourou aussi était vivant avant son interpellation.

Le 13 novembre à Valentigney, rapporte TF1, Mohamed Boukrourou, 41 ans, se rendait dans une pharmacie pour acheter des médicaments. En fin d’après-midi, il était déclaré mort. Dans quelles conditions ? Comment, à la suite de quel enchaînement fatal un homme parti pour acheter de quoi se soigner avait-il pu mourir dans la même journée ?

Son passage à la pharmacie a, semble-t-il, donné lieu à un échange tendu avec le pharmacien. Mohamed Boukrourou protestait contre la qualité des médicaments qui lui avaient été remis. Et le pharmacien inquiet de « l’état d’énervement extrême » de ce client avait appelé la police. Mohamed Boukrourou est alors traîné dans un fourgon par des policiers. L’interpellation dérape, sans que l’on sache au juste pour quelle raison : victime d’un arrêt respiratoire dans le véhicule de police, l’homme est reconduit dans la pharmacie. C’est là que son décès devait être constaté, à 18h05.

le 16 novembre, une marche silencieuse de quatre kilomètres réunissant une foule compacte et solidaire a abouti à la pharmacie, plantée à deux pas de la mairie au cœur de ville, devant laquelle Mohamed Boukrourou est mort un jeudi après-midi (lire le journal belfortain Le Pays).

Le parquet de Montbéliard a ouvert une information judiciaire pour “recherche des causes de la mort” suite au décès de Mohamed Boukrourou. Le procureur de la République de Montbéliard, Thérèse Brunisso, déclare « éliminer toute hypothèse de coups » de la part des policiers (LibéStrasbourg )

Saisi par la famille, le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) a annoncé, vendredi 20 novembre, qu’il se portait partie civile (lemonde.fr/AFP ). La famille de la victime avait déclaré qu’à l’occasion de la toilette mortuaire du défunt, « des bleus sur le visage et une lèvre éclatée » , avaient été constatés. Des témoins ont affirmé que les policiers se seraient « assis sur le corps de M. Boukrourou », ce qui aurait entraîné une détresse respiratoire, a ajouté le MRAP. Le procureur de Montbéliard avait indiqué que les marques étaient dues à l’autopsie et au frottement sur le sol du visage de la victime lors de l’interpellation, éliminant « toute hypothèse de coups ».

Deux interpellations qui interpellent et en rappellent deux autres.

Abdelhakim Ajimi était vivant avant son interpellation.
Laurent Mouloud raconte dans L’Humanité : “le 9 mai 2008, Abdelhakim Ajimi, 22 ans, cuisinier au chômage, vient retirer de l’argent au guichet du Crédit agricole, dans le centre-ville de Grasse. L’employé refuse, constatant que le jeune homme a dépassé son autorisation de découvert. Abdelhakim perd alors son calme, hurle sur le guichetier. Le directeur de la banque s’interpose, reçoit une gifle.

Prévenus, cinq policiers de la brigade anticriminalité (BAC) l’interpellent non loin de son domicile. L’affaire s’engage mal. Abdelhakim Ajimi, malgré son petit gabarit, se débat, refuse les menottes, mord l’un des fonctionnaires. Un autre, pris dans l’empoignade, aura l’épaule démise. Finalement, les policiers parviennent à lui passer les bracelets aux poignets. Abdelhakim est plaqué au sol, sur le ventre. Un fonctionnaire le maintient avec son genou, appuyé sur la colonne vertébrale, un autre pratique une « clé d’étranglement ».
Abdelhakim Ajimi, inerte, sera relevé par deux policiers. Il sera déclaré mort à 16 h 30, au commissariat. Selon la version policière, il a fait un arrêt cardiaque.

Le 8 octobre 2008, Jean-Louis Moreau, procureur adjoint de la République de Grasse déclarait (voir le site de TF1 ) : « On a l’impression qu’il y a peut-être eu de la part des gardiens de la paix une mauvaise prise en compte des règles qu’ils appliquent normalement pour maîtriser les gens quand ils se rebellent”. “La durée de la maîtrise a peut-être aussi été trop longue (…) Ceci correspondrait à une imprudence, je parle au conditionnel. C’est aux juges de décider d’une éventuelle mise en examen des policiers en cause pour homicide involontaire. » Le dimanche 11 mai, une marche était organisée.

Le 12 mars 2009, rapporte le Nouvel Oservateur , cinq policiers ayant participé à l’interpellation en mai 2008 à Grasse d’Abdelhakim Ajimi, 22 ans, mort après cette intervention, ont été mis en examen pour non assistance à personne en danger.

Ali Ziri était vivant avant son interpellation
Le 9 juin dernier, cet Algérien âgé de 69, se trouvait à bord d’un véhicule conduit par son ami Arezki Kerfali, 61 ans, quand tous deux ont été arrêtés, sortis de la voiture, menottés, et, à en croire le témoignage de ce dernier, frappés. D’après lui, ce sont ces coups qui sont à l’origine de la mort de son ami Ali Ziri, décédé un peu plus tard à l’hôpital.

L’enquête avait dans un premier temps été confiée au commissariat d’Argenteuil où exercent les policiers mis en cause par ce récit, et une première autopsie avait écarté tout décès consécutif à un traumatisme (Le Parisien ). Le 24 juin à Argenteuil, une marche pacifique devait réunir plus d’un millier de personnes.

A l’époque, le parquet n’avait pas souhaité donner suite à cette affaire, puisqu’il n’y avait « pas de suspicion de bavure ». Selon le procureur adjoint, « l’autopsie de monsieur Ali Ziri exclut que la cause du décès puisse résulter d’un traumatisme, et conclut qu’elle est due au mauvais état de son cœur ». (Le Nouvel Observateur )

Sauf qu’une seconde autopsie est venu jeter le doute sur le comportement des policiers lors de l’arrestation d’Ali Ziri. Lire l’article de Luc Bronner dans Le Monde du 12 septembre “Itinéraire d’un vieil immigré algérien, mort après une interpellation musclée”.

Le 10 octobre, Le Parisien nous informait que le parquet de Pontoise a pris un réquisitoire supplétif «contre X» pour « violence ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». C’est une deuxième autopsie qui a été décisive dans cette décision puisqu’elle a mis en évidence beaucoup plus d’hématomes que la première et a fait « un lien entre les hématomes et le décès », précise le parquet.

Hakim Djelassi, Mohamed Boukrourou, Abdelhakim Ajimi et Ali Ziri étaient vivants avant leurs interpellations.

Eric Azan

SOURCE : Le veilleur de jour

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