Reportage

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A Paris, la fête des supporters de l’équipe d’Algérie a été joyeuse et bon enfant à Barbès et sur le boulevard de la Chapelle, mais des incidents ont ensuite éclaté sur les Champs-Elysées.

Après quatre jours passés à retenir son souffle, Barbès exulte: l’Algérie disputera la prochaine Coupe du Monde de football en juin prochain en Afrique du Sud. Haché et brutal, le match d’appui entre les pharaons égyptiens et les fennecs algériens (remporté 1 à 0 par les seconds) n’a pourtant pas offert un spectacle mémorable.

Mais pas un supporter algérien n’est près d’oublier cette qualification historique, une première depuis 1986. Beaucoup n’ont pas attendu l’issue du match pour célébrer leur équipe. Avant le match, des groupes compacts et joviaux sont réunis Boulevard de la Chapelle, fumigènes et drapeaux à la main, pour chanter à la gloire de l’Algérie. En passant les portiques du métro Barbès-Rochechouart, on croirait entrer dans un stade. A la mi-temps, les premiers feux d’artifice sont lancés au grand dam des plus superstitieux. Dès le coup de sifflet final, à pied, en vélo, en scooter ou en voiture, tout le monde se précipite sur les boulevards Barbès et La Chapelle pour une fête hors-norme.

Une foule rassemblera jusqu’à 5000 personnes environ. Il y a là toute l’Algérie de France. Beaucoup de jeunes mais pas uniquement comme ce vieillard qui, genoux à terre et en français, remercie Dieu du miracle. De nombreuses femmes peuplent l’assemblée. Un groupe de jeunes filles, certaines voilées, d’autres en débardeur, font le youyou. Une mère rassure son fils, effrayé par le vacarme tandis qu’une vieille dame voilée en vert rouge et blanc tape dans ses mains. Des quadras branchés tombent dans les bras de barbus ; la guerre civile algérienne semble loin.

Concert de klaxons

La réunion dépasse les frontières. Les drapeaux tunisiens et marocains – deux équipes éliminées – sont de sortie et des noirs s’égosillent en reprenant le désormais fameux slogan «one, two, three, viva l’Algérie». Le rythme des derboukas est accompagné de danses. Quelques téméraires se suspendent aux arbres ou aux pylônes du métro aérien. Bravant le froid automnal, d’autres font tomber les maillots. La circulation n’est pas arrêtée mais la quasi totalité des voitures, dont beaucoup immatriculées en banlieue parisienne, est là pour là fête. Le concert des klaxons et des pétards est incessant. Les C.R.S n’ont pas à intervenir, les quelques énervés étant très vite calmés par des proches les rappelant à la liesse.

Un peu plus tard dans la soirée, la fête se poursuit sur les Champs-Elysées. L’ambiance y est plus jeune et plus masculine. Pas un maillot bleu de l’équipe de France tout juste qualifiée elle-aussi pour la Coupe du Monde. Tout le long de l’avenue, scooters et voitures paradent en agitant des drapeaux algériens. Vers 23 heures, des premiers incidents éclatent à proximité de la Place de l’Etoile où les forces de l’ordre répondent à des jets de bouteilles par des gaz lacrymogènes.

Beaucoup de supporters rebroussent chemin agacés par la tournure des évènements. «C’est pas comme ça qu’on fait la fête !» peste l’un d’eux. «Quelle image ils vont donner des Algériens ces petits cons ?» s’inquiète un autre. Après minuit, un scooter est incendié dans le haut de l’avenue où la foule s’est considérablement réduite, la circulation a d’ailleurs repris plus bas où les passants déambulent normalement. Les affrontements entre les casseurs et les C.R.S se poursuivront jusqu’à 3h30. Les klaxons, eux, retentiront dans tout Paris jusqu’au petit matin.

Marwan Chahine

Source : Libération

* Le titre original de l’article est : «One, two, three, viva l’Algérie !»

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