Communiqué

Discriminations à l’école : cessons de faire diversion !

Les enjeux autour de la prévention et de la lutte contre les discriminations à l’école sont essentiels pour lutter contre les inégalités et développer la cohésion sociale, notamment dans les quartiers populaires. Ces enjeux constituent, à nos yeux, une piste d’amélioration importante pour nos politiques publiques dont la Politique d’Education Nationale et la Politique de la Ville.

Depuis 2001, notre pays s’est doté, à l’instar des autres Etats de l’Union Européenne, d’un arsenal juridique antidiscriminatoire fondé sur le principe de l’égalité de traitement et de non-discrimination des individus en fonction de critères tels que le sexe, l’origine ethnoraciale, l’orientation sexuelle, le handicap…

Le travail est immense, le chemin long à parcourir mais déjà des acteurs se mobilisent dans les secteurs public et privé. Et l’Education Nationale semblait emportée par cet élan : un groupe de travail sur les discriminations à l’école, une collaboration avec la HALDE pour mettre en place un kit e-learning, quelques modules de formation à l’Ecole Supérieure de l’Education Nationale, un séminaire national consacré à la lutte contre les discriminations en octobre 2009 …

Pourquoi cet élan se trouve-t-il sans cesse dévié de sa trajectoire ? Comment expliquer que la question des discriminations à l’école ne puisse être posée et que, à la place, ce sont toujours les problèmes de harcèlement, de stigmatisation, d’injures – sexistes, homophobes ou racistes – entre élèves qui reviennent comme des antiennes irrépressibles ?

Le rapport rendu au Ministre de l’Education Nationale en septembre 2010 entretient la confusion entre injure, discrimination et stigmatisation entre élèves. Le même Ministre a installé un conseil scientifique contre le harcèlement discriminatoire (entre élèves) en mars 2011. Le module de formation e-learning élaboré par la HALDE en collaboration avec l’Education Nationale ne traite lui aussi que du rejet de certains élèves par d’autres. Enfin, le séminaire national précité s’est centré sur la question de l’intégration d’élèves nécessitant un aménagement spécifique (primo-arrivants, gens du voyage,….)

Il est certes nécessaire de combattre les préjugés et la violence entre élèves mais cette démarche ne peut en aucun cas tenir lieu de politique de lutte contre les discriminations dans l’éducation. Faut-il le rappeler, les élèves ne peuvent commettre de discrimination au sens juridique du terme puisqu’ils ne délivrent pas de service, de bien, d’emploi ou de stage.

Lutter contre les discriminations à l’école, cela suppose de s’intéresser aux normes et aux pratiques institutionnelles et professionnelles de l’éducation.

Concrètement cela suppose d’interroger et de prendre en compte la valeur de non-discrimination en ce qui concerne notamment : • l’orientation scolaire ; • la relation pédagogique d’aide ; • la relation aux familles ; • les régimes de sanctions et d’exclusion ; • le placement des élèves en stage et le déroulement du stage (tâches plus ou moins adaptées à la formation selon les élèves…) ;

Aux discriminations qui concernent les élèves, il faudrait ajouter celles qui peuvent se produire dans le recrutement des professionnels et le déroulement des carrières.

En focalisant le débat et l’action publique sur les relations entre élèves, les gouvernants occultent la responsabilité de l’institution scolaire dans la production des discriminations. Il est vrai que ce déni permet d’alimenter le mythe d’une école républicaine, intégratrice et égalitaire, en dépit des études empiriques qui montrent que les processus de catégorisation et de discrimination ne s’arrêtent pas à la porte de l’école .

Si nous voulons nous rapprocher de cet idéal, cessons de faire diversion en pointant du doigt les comportements des élèves et acceptons de travailler sur les politiques et les pratiques éducatives pour les rendre moins discriminatoires.

IRDSU

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