Remontrances

Cher Amine,

Je viens de lire le témoignage de Moustapha Kessous, journaliste au Monde. J’ai mal pour lui comme j’ai eu mal pour toi lorsque Hortefeux t’a humilié.
Permets que je te tutoie, parce que tu es mon frère et que le vouvoiement n’existe pas chez nous, les Arabes.

Et Arabe, tu le resteras aux yeux du Ministre de l’Intérieur quoi qu’il arrive. Sans doute n’as-tu pas suffisamment médité l’expérience des harkis. Tu le sais, de gré ou de force, ils ont pris le parti de la France. Beaucoup sont morts pour elle, d’autres par elle. Français leurs descendants ? Comme toi, comme moi, comme Moustapha, ils restent indigènes. Nous n’appartenons pas à la race des seigneurs.

Pour autant, je ne remets pas en cause tes ambitions : elles sont légitimes. Quel bougnoule, quel nègre, n’a jamais ressenti de lassitude à porter le fardeau indigène? Mais persistant dans la défense de ceux qui t’insultent, tu te voiles la face, Amine. Au final, ton seul succès sera d’être passé pour un traître aux yeux des tiens et un khoroto domestiqué aux yeux des autres : perdant, perdant.

Naïf ou arriviste, tu veux jouer au plus malin, te distinguer de la masse indigène mais ni la bière, ni le jambon ne te mettront à l’abri du mépris raciste ou de la condescendance amicale de tes « camarades » de l’UMP. Au contraire, ils prendront toujours un soin particulier à te rappeler que tu n’es pas des leurs – ou alors un produit dérivé, soldé et re-soldé, à l’instar de Fadela Amara ou d’Azouz Begag.

A ce stade, cher Amine, tu ne mérites pas notre mépris. Tu as deux excuses : ta jeunesse et ta volonté désespérée d’échapper à ta condition d’indigène. Une bonne treha, voilà ce qu’il te faut. En espérant qu’elle te soit salutaire car la prochaine fois, tu nous perdras.

Mon salam,

Houria Bouteldja

Ce contenu a été publié dans Actualités, Actus PIR, Houria Bouteldja. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.